{"id":9793,"date":"2011-11-29T11:39:42","date_gmt":"2011-11-29T10:39:42","guid":{"rendered":"http:\/\/www.50-50magazine.fr\/_?p=9793"},"modified":"2011-11-29T11:39:42","modified_gmt":"2011-11-29T10:39:42","slug":"la-mixite-des-luttes-feministes-une-fausse-nouveaute","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.50-50magazine.fr\/2011\/11\/29\/la-mixite-des-luttes-feministes-une-fausse-nouveaute\/","title":{"rendered":"La mixit\u00e9 des luttes f\u00e9ministes : une fausse nouveaut\u00e9"},"content":{"rendered":"
Alban Jacquemart<\/strong> est sociologue \u00e0 l’Iris (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux) et au CMH-Pro (Centre Maurice Halbwachs). Il a soutenu la th\u00e8se \u00ab Les hommes dans les mouvements f\u00e9ministes fran\u00e7ais (1870-2010). Sociologie d\u2019un engagement improbable \u00bb en juin 2011.<\/p>\n —la —<\/span><\/p>\n <\/p>\n De nombreux discours m\u00e9diatiques, militants et scientifiques font de la mixit\u00e9 femmes-hommes un trait caract\u00e9ristique de la g\u00e9n\u00e9ration militante apparue sur la sc\u00e8ne f\u00e9ministe depuis la fin des ann\u00e9es 1990.<\/p>\n A ce titre, la cr\u00e9ation de l\u2019association Mix-cit\u00e9 en 1997 par sept femmes et deux hommes est interpr\u00e9t\u00e9e comme un tournant important. N\u00e9anmoins, ces discours se fondent sur une vision du f\u00e9minisme (ou plut\u00f4t des f\u00e9minismes) triplement biais\u00e9e et l\u2019analyse historique et sociologique des mobilisations f\u00e9ministes force \u00e0 nuancer ce postulat.<\/p>\n D\u2019abord, une telle affirmation s\u2019appuie sur une histoire courte des luttes f\u00e9ministes, qui commencerait en 1970\u00a0: la mixit\u00e9 contemporaine s\u2019opposerait alors \u00e0 la non-mixit\u00e9 des \u00ab\u00a0ann\u00e9es MLF\u00a0\u00bb. Pourtant 1970 n\u2019est pas \u00ab\u00a0l\u2019ann\u00e9e z\u00e9ro\u00a0\u00bb (1) du f\u00e9minisme. Cent ans plus t\u00f4t, les premi\u00e8res associations f\u00e9ministes se formaient pour revendiquer les droits civils, puis les droits civiques pour les femmes.<\/p>\n Entre un quart et un tiers d’hommes militants jusqu’au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle<\/strong>…<\/p>\n Or, ces mobilisations dites de \u00ab\u00a0la premi\u00e8re vague\u00a0\u00bb (1870-1940) \u00e9taient mixtes\u00a0: c\u2019est un homme, L\u00e9on Richer, qui fonde la premi\u00e8re association, l\u2019Association pour les droits des femmes, en 1869, et les hommes repr\u00e9sentant entre un quart et un tiers des effectifs militants jusqu\u2019au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle.<\/p>\n S\u2019ils sont moins nombreux dans l\u2019entre-deux-guerres (entre 10% et 15%) et alors que des groupes non mixtes sont fond\u00e9s, la plupart des associations f\u00e9ministes n\u2019en font pas moins le choix de la mixit\u00e9. Dans ce sens, replac\u00e9e dans le temps long des mobilisations f\u00e9ministes, la mixit\u00e9 des ann\u00e9es 2000 ne constitue pas de facto une nouveaut\u00e9, encore moins une \u00ab\u00a0nouvelle phase\u00a0\u00bb du f\u00e9minisme.<\/p>\n Deuxi\u00e8mement, cette interpr\u00e9tation de la mixit\u00e9 comme nouveaut\u00e9 s\u2019appuie sur une vision des mobilisations f\u00e9ministes des ann\u00e9es 1970 r\u00e9duite \u00e0 l\u2019exclusion des hommes des groupes du Mouvement de lib\u00e9ration des femmes (MLF). Or, si les militantes ont constitu\u00e9 des lieux non mixtes \u00e0 partir de 1970 en r\u00e9action au sexisme des hommes dans les groupes d\u2019extr\u00eame-gauche, les luttes f\u00e9ministes de la d\u00e9cennie n\u2019ont pas toutes exclu les hommes.<\/p>\n Ainsi, les associations qui ont port\u00e9 la lutte pour la lib\u00e9ralisation de l\u2019avortement \u2013 le Mouvement pour la lib\u00e9ralisation de l\u2019avortement (MLAC), le Mouvement fran\u00e7ais pour le planning familial (MFPF) et Choisir \u2013 \u00e9taient mixtes. De nombreux m\u00e9decins y ont particip\u00e9, ainsi que des militants de gauche et d\u2019extr\u00eame-gauche.<\/p>\n Plus g\u00e9n\u00e9ralement, les militantes des ann\u00e9es 1970 n\u2019ont pas tant rejet\u00e9 la pr\u00e9sence des hommes que la reproduction des rapports de domination au sein des lieux militants. A titre d\u2019exemple, les hommes n\u2019\u00e9taient pas interdits de participer aux d\u00e9fil\u00e9s du MLF, mais devaient rester en fin de cort\u00e8ge pour laisser la t\u00eate de la manifestation aux femmes.<\/p>\n … 15 % d’hommes dans les associations aujourd’hui<\/strong><\/p>\n Enfin, les discours sur la mixit\u00e9 des associations f\u00e9ministes des ann\u00e9es 2000 offrent une vision partielle de la r\u00e9alit\u00e9 militante. D\u2019abord, ils tendent \u00e0 homog\u00e9n\u00e9iser la diversit\u00e9 militante en masquant la persistance de groupes f\u00e9ministes non mixtes.<\/p>\n En effet, si des associations mixtes comme Mix-Cit\u00e9, les Chiennes de garde ou Osez le f\u00e9minisme\u00a0! incarnent en partie le renouveau des quinze derni\u00e8res ann\u00e9es, des lieux ou des initiatives non mixtes continuent d\u2019exister ou de se cr\u00e9er, \u00e0 l\u2019image des Maisons des femmes, des Marches de nuit non mixtes ou de groupes dans les milieux libertaires. En outre, ils surestiment la part des hommes dans les associations f\u00e9ministes\u00a0: si elles sont effectivement ouvertes aux hommes, ces derniers n\u2019en sont pas moins minoritaires, repr\u00e9sentant autour de 15% des membres.<\/p>\n Il s\u2019agit donc de relativiser le caract\u00e8re in\u00e9dit de la mixit\u00e9 f\u00e9ministe des ann\u00e9es 2000. Si elle a un caract\u00e8re plus central que lors des mobilisations des d\u00e9cennies pr\u00e9c\u00e9dentes, elle s\u2019inscrit dans la continuit\u00e9 de la longue histoire des luttes f\u00e9ministes o\u00f9 mixit\u00e9 et non-mixit\u00e9 ont toujours coexist\u00e9.<\/p>\n Alban Jacquemart<\/strong><\/p>\n (1)<\/em> Lib\u00e9ration des femmes. Ann\u00e9e 0, Partisans, n\u00b054-55, juillet-octobre 1970. Cette publication militante est consid\u00e9r\u00e9e comme un des actes fondateurs du MLF.<\/em><\/p>\n —<\/span><\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Le sociologue Alban Jacquemart r\u00e9fute les discours selon lesquels la mixit\u00e9 femmes-hommes serait un trait caract\u00e9ristique de la g\u00e9n\u00e9ration militante f\u00e9ministe apparue depuis la fin des ann\u00e9es 1990. Pour lui, jusqu’au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle les hommes se sont davantage engag\u00e9s dans le f\u00e9minisme…<\/p>\n","protected":false},"author":5,"featured_media":9802,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[101],"tags":[],"yoast_head":"\n
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