Marie Curie a-t-elle \u00e9t\u00e9 la seule femme \u00e0 contribuer \u00e0 la recherche scientifique ? Evidemment non. Pourtant, elle est une des rares femmes \u00e0 \u00eatre pass\u00e9e \u00e0 la post\u00e9rit\u00e9 dans ce domaine. Aujourd\u2019hui, les st\u00e9r\u00e9otypes de genre et l\u2019absence de <\/b>role models <\/i><\/b>emp\u00eachent encore les femmes de se faire une place dans les m\u00e9tiers scientifiques, pourtant m\u00e9tiers d\u2019avenir. Faire savoir que l\u2019histoire des sciences se conjugue aussi (et surtout !) au f\u00e9minin est primordial pour inverser la tendance.<\/b><\/p>\n
Attention \u00e0 ne pas faire de raccourci facile : l\u2019histoire des femmes dans les sciences ne commence pas au XXIe si\u00e8cle. <\/span>En r\u00e9alit\u00e9, de nombreuses femmes scientifiques ont \u00e9t\u00e9 des pionni\u00e8res dans leur domaine d\u00e8s la premi\u00e8re moiti\u00e9 du XIXe si\u00e8cle.<\/span><\/p>\n Alors, pourquoi n\u2019a-t-on que peu de traces de ces femmes scientifiques avant le XXIe si\u00e8cle ? A cause de l\u2019effet Matilda. D\u00e9velopp\u00e9 en 1993 par Margaret Rossiter en hommage \u00e0 la militante f\u00e9ministe Mathilda Gage, ce terme renvoie \u00e0 la minimisation syst\u00e9matique du travail des femmes scientifiques ; leurs d\u00e9couvertes \u00e9tant souvent attribu\u00e9es \u00e0 leurs coll\u00e8gues masculins. L’exemple-type est celui de Rosalind Franklin. Elle est la premi\u00e8re \u00e0 identifier la structure en h\u00e9lice de l\u2019ADN. Pourtant, le prix Nobel de m\u00e9decine de 1962 a \u00e9t\u00e9 attribu\u00e9 \u00e0 ses coll\u00e8gues hommes. La fran\u00e7aise Marthe Gautier en a aussi fait les frais puisqu\u2019elle a eu un r\u00f4le crucial dans la d\u00e9couverte du chromosome responsable de la trisomie 21, d\u00e9couverte qui a pourtant \u00e9t\u00e9 attribu\u00e9e \u00e0 son coll\u00e8gue<\/a><\/strong><\/span>. Dans un article publi\u00e9 en 2009, elle estime avoir \u00e9t\u00e9 \u00ab\u00a0<\/em><\/span>l<\/em>a d\u00e9couvreuse oubli\u00e9e\u00a0\u00bb<\/span><\/i>\u00a0(1)\u2026<\/span><\/p>\n Combien, comme elles, ont \u00e9t\u00e9 des \u00ab\u00a0d\u00e9couvreuses oubli\u00e9es\u00a0\u00bb ? Coup de projecteur sur le domaine de l\u2019informatique, pour y voir plus clair.\u00a0<\/span><\/p>\n L\u2019informatique, une discipline majoritairement f\u00e9minine avant que les st\u00e9r\u00e9otypes de genre ne s\u2019en m\u00ealent<\/b><\/p>\n D\u00e8s ses d\u00e9buts au XIXe si\u00e8cle, l\u2019informatique a \u00e9t\u00e9 profond\u00e9ment marqu\u00e9e par les femmes. On peut notamment citer Ada Lovelace, consid\u00e9r\u00e9e comme la pionni\u00e8re de la programmation, puisqu\u2019elle a cr\u00e9\u00e9 le premier algorithme en 1842-1843. En 1945, ce sont \u00e9galement six femmes qui programment le premier ordinateur \u00e9lectronique, appel\u00e9 ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer). En 1952, Grace Hopper con\u00e7oit le premier compilateur, ce qui permet de transformer du code source en code objet. C\u2019est aujourd\u2019hui indispensable pour pouvoir coder dans certains langages de programmation. Enfin, comment ne pas citer Hedy Lamarr ? Avant tout connue pour sa carri\u00e8re d’actrice, elle a pourtant invent\u00e9 un moyen de coder les transmissions qui est toujours utilis\u00e9 pour les t\u00e9l\u00e9phones portables, les GPS et la wifi.<\/span><\/p>\n Les femmes afro-am\u00e9ricaines ont \u00e9galement \u00e9norm\u00e9ment contribu\u00e9 au d\u00e9veloppement de l\u2019informatique dans la premi\u00e8re moiti\u00e9 du XXe si\u00e8cle. Par exemple, d\u00e8s 1935, elles ont travaill\u00e9 en tant que calculatrices pour la NASA au sein de la West Area Computers, l\u2019unit\u00e9 de calcul de la zone ouest, uniquement compos\u00e9e de femmes noires en raison de la s\u00e9gr\u00e9gation. Dans cette division, travaillait notamment Melba Roy Mouton, qui a \u00e9t\u00e9 l\u2019une des premi\u00e8res programmatrices de la NASA. Katherine Johnson a \u00e9galement fait partie de cette unit\u00e9 et c\u2019est elle qui, en 1961, a calcul\u00e9 la trajectoire de vol de la premi\u00e8re mission am\u00e9ricaine dans l\u2019espace. Ces femmes ont largement contribu\u00e9 \u00e0 la r\u00e9ussite de la mission Apollo 11 en 1969.\u00a0<\/span><\/p>\n La discipline informatique \u00e9tait alors \u00e9tiquet\u00e9e comme faisant partie du secteur tertiaire, un secteur associ\u00e9 aux femmes. Les femmes y exer\u00e7aient en tant que calculatrices et programmatrices. Cependant, dans les ann\u00e9es 1970-80, l\u2019informatique a fait son entr\u00e9e \u00e0 l’universit\u00e9 et a gagn\u00e9 en prestige. En parall\u00e8le, la chercheuse Isabelle Collet ajoute que \u00ab\u00a0<\/em><\/span>l\u2019\u00e9v\u00e9nement qui a provoqu\u00e9 le d\u00e9clin du nombre de filles dans les sections informatiques, c\u2019est l\u2019arriv\u00e9e et la banalisation du micro-ordinateur dans les foyers<\/span>\u00ab\u00a0<\/span><\/em>\u00a0(2). Elle explique que les gar\u00e7ons \u00e9taient la cible publicitaire des marques de micro-ordinateurs et qu\u2019ils en ont donc \u00e9t\u00e9 dot\u00e9s en premier. Cela leur a donn\u00e9 un avantage de taille dans les fili\u00e8res informatiques \u00e0 l\u2019universit\u00e9. Enfin, la programmation a commenc\u00e9 \u00e0 \u00eatre associ\u00e9e \u00e0 la logique et aux math\u00e9matiques, disciplines r\u00e9serv\u00e9es aux hommes dans l\u2019imaginaire collectif. Cet ensemble de facteurs a eu pour cons\u00e9quence de faire d\u00e9croitre la pr\u00e9sence des femmes dans la discipline.\u00a0<\/span><\/p>\n Quelle place pour les femmes dans l\u2019informatique aujourd\u2019hui ?<\/b><\/p>\n Les st\u00e9r\u00e9otypes de genre li\u00e9s aux sciences perdurent \u00e0 l\u2019heure actuelle. Dans la fiction comme dans les m\u00e9dias, les scientifiques et les d\u00e9veloppeurs (notamment la figure du geek ou du hacker) sont principalement des hommes. <\/span>Ajoutez \u00e0 cela l\u2019effacement des femmes pionni\u00e8res de l\u2019informatique et vous obtenez un cercle vicieux : un secteur d\u00e9pourvu de <\/span>role models<\/span><\/i> f\u00e9minins qui attire donc moins de filles, ce qui confirme l’id\u00e9e re\u00e7ue qui veut que l\u2019informatique soit un domaine r\u00e9serv\u00e9 aux hommes.<\/span><\/p>\n Par cons\u00e9quent, aujourd\u2019hui, femmes comme hommes peuvent avoir acc\u00e8s \u00e0 un ordinateur, mais ce sont les usages les moins nobles qui sont r\u00e9serv\u00e9s aux femmes. Dans son article, Isabelle Collet explique : <\/span>\u00ab\u00a0Toutes les secr\u00e9taires utilisent d\u00e9sormais un ordinateur, et la bureautique s\u2019adresse essentiellement aux femmes. Pour autant, cette grande familiarit\u00e9 avec la machine ne changera en rien la fr\u00e9quentation des \u00e9coles en informatique. [\u2026] Les femmes sont de grandes utilisatrices d\u2019ordinateurs con\u00e7us, param\u00e9tr\u00e9s, install\u00e9s, programm\u00e9s, en un mot, contr\u00f4l\u00e9s par les hommes. On retrouve ici le mod\u00e8le d\u00e9crit par Paola Tabet (1998) : des hommes con\u00e7oivent des outils dont ils abandonnent aux femmes les usages les moins prestigieux, tout en en conservant la ma\u00eetrise\u00a0\u00bb <\/span><\/i>(2).<\/span><\/p>\n Lutter contre les st\u00e9r\u00e9otypes gr\u00e2ce \u00e0 la sensibilisation d\u00e8s le plus jeune \u00e2ge\u00a0<\/b><\/p>\n D\u00e8s l\u2019\u00e9cole primaire, il est important de sensibiliser les filles sur les m\u00e9tiers et formations scientifiques et de leur permettre de rencontrer des <\/span>role models<\/span><\/i> f\u00e9minins. <\/span>Pour ce f<\/span>aire, l\u2019association <\/span>WAX Science<\/a><\/strong><\/span>, par exemple, propose des ressources en ligne ainsi que des ateliers dans les \u00e9coles. L\u2019association rappelle que les in\u00e9galit\u00e9s genr\u00e9es dans les sciences <\/span>\u00ab\u00a0sont des choses qui ne sont pas inn\u00e9es mais acquises par l\u2019exp\u00e9rience\u00a0\u00bb <\/span><\/i>et que <\/span>\u00ab\u00a0la mani\u00e8re dont sont enseign\u00e9es les sciences \u00e0 l\u2019heure actuelle est d\u00e9l\u00e9t\u00e8re\u00a0\u00bb<\/span><\/i>.<\/span><\/p>\n Dans le domaine de l\u2019informatique, la start-up <\/span>Divers-IT (anciennement IT4Girls)<\/a> <\/strong><\/span>organise, quant \u00e0 elle, des ateliers pour apprendre aux enfants de primaire \u00e0 coder<\/a><\/strong><\/span>, en veillant \u00e0 ce qu\u2019il y ait toujours au moins 50% de filles. Ces ateliers se basent sur le logiciel <\/span>Scratch<\/a><\/strong>, <\/span><\/span>d\u00e9velopp\u00e9 par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui permet d\u2019apprendre \u00e0 programmer de fa\u00e7on simple et ludique. D\u2019autres associations proposent \u00e9galement des formations \u00e0 la programmation destin\u00e9es aux femmes de tous \u00e2ges, d\u00e9butantes, autodidactes ou autres. C\u2019est le cas notamment du programme <\/span>\u00ab\u00a0\u00c0 mon tour de programmer !\u00a0\u00bb<\/a>\u00a0<\/strong><\/span>lanc\u00e9 par l\u2019association <\/span>Ladies of Code<\/a><\/strong><\/span>, association qui a pour but de d\u00e9velopper la sororit\u00e9 entre les femmes qui travaillent dans le secteur de l\u2019informatique.<\/span><\/p>\n Enfin, transmettre <\/span>l\u2019histoire des grandes femmes scientifiques, d\u00e8s le plus jeune \u00e2ge, serait un premier pas pour que les femmes se r\u00e9approprient les sciences et qu\u2019elles s’assurent ainsi une place dans les<\/span> m\u00e9tiers d\u2019avenir, une place qui leur permette de ne plus \u00eatre rel\u00e9gu\u00e9es aux seconds r\u00f4les.<\/span><\/p>\n Maud Charpentier, 50-50 Magazine<\/b><\/p>\n