La question de la discrimination des femmes dans l\u2019\u00c9glise catholique, c\u2019est-\u00e0-dire de leur non acc\u00e8s aux responsabilit\u00e9s de gouverner, d\u2019enseigner et de sanctifier, en fonction de l\u2019appartenance sexuelle, peut-elle se traiter par une meilleure mise en conformit\u00e9 de cette \u00c9glise aux principes m\u00eames d\u2019\u00e9galit\u00e9 de sexes qu\u2019elle soutient ?<\/p>\n
Ne faudrait-il pas envisager plut\u00f4t, compte tenu des immobilismes et raidissements de l\u2019institution, une action qui repose sur la mise en avant d\u2019arguments \u00ab s\u00e9culiers \u00bb ou juridiques comme celui de l\u2019\u00e9galit\u00e9 des sexes ? Ne faut-il pas, autrement dit entreprendre pour une remise en cause de l\u2019inapplicabilit\u00e9 du principe d\u2019\u00e9galit\u00e9 des sexes aux groupements religieux ? C\u2019est \u00e0 dire interroger le principe de \u00ab\u00a0libert\u00e9 de religion\u00a0\u00bb, qui comprend en droit la libert\u00e9 d\u2019organisation des groupements religieux ?<\/p>\n
La \u00ab libert\u00e9 de religion \u00bb exon\u00e8re aujourd\u2019hui, de fait, l\u2019\u00c9glise catholique d\u2019une r\u00e9vision de ses dispositions et argumentaires relatifs \u00e0 l\u2019exclusion des femmes des fonctions culturelles. Ce principe paralyse, malgr\u00e9 la valeur du principe de non-discrimination sexuelle, l\u2019interdiction des discriminations sexuelles concernant l\u2019exclusion des femmes des fonctions de Pape, de cardinal d\u2019 \u00e9v\u00eaque, de pr\u00eatre et de diacre.<\/p>\n
Mais peut-\u00eatre est-il temps et n\u00e9cessaire de mettre le doigt sur l\u2019incompatibilit\u00e9 de l\u2019exclusion des femmes des responsabilit\u00e9s de gouverner, d\u2019enseigner et de sanctifier avec les droits qui affirment et promeuvent l\u2019\u00e9galit\u00e9 des sexes\u00a0?<\/p>\n
Les \u00c9tats, au travers de leurs instances communes, l\u2019Europe, n\u2019ont-ils pas le devoir de prot\u00e9ger les femmes contre les violations de leurs droits faites \u00ab\u00a0au nom de Dieu\u00a0\u00bb\u00a0? Comment peut-on encore , en mati\u00e8re de droits des femmes, \u00ab\u00a0c\u00e9der\u00a0\u00bb au \u00ab\u00a0religieux\u00a0\u00bb\u00a0?<\/p>\n
Cette approche juridique ne serait-elle finalement la seule possible pour venir \u00e0 bout des r\u00e9sistances et strat\u00e9gies de refus de l\u2019\u00e9galit\u00e9 des sexes dans l\u2019\u00c9glise catholique\u00a0? Et mettre ainsi un terme aux tensions insupportables et d\u00e9cr\u00e9dibilisantes entre un principe d\u2019\u00e9galit\u00e9 affirm\u00e9 et l\u2019extension r\u00e9elle de celui-ci \u00e0 toutes les fonctions dans l\u2019\u00c9glise catholique\u00a0?<\/p>\n
Le principe d\u2019autonomie des groupements religieux peut-il valablement \u00eatre soutenu quand se pose avec une telle gravit\u00e9 la question de la discrimination des femmes dans l\u2019\u00c9glise catholique, c\u2019est-\u00e0-dire de leur non acc\u00e8s aux fonctions cultuelles, sacramentelles et gouvernementales?<\/p>\n
Les canons de l\u2019\u00c9glise catholique romaine qui organisent et maintiennent les discriminations peuvent-ils \u00eatre jug\u00e9s intouchables , inattaquables au pr\u00e9texte du principe de \u00ab\u00a0libert\u00e9 de religion\u00a0\u00bb comprenant en droit la libert\u00e9 d\u2019organisation de ladite religion\u00a0? Les exigences discriminatoires, telle que l\u2019appartenance au sexe masculin pour exercer les fonctions cultuelles, sacramentelles et gouvernementales dans l\u2019\u00c9glise catholique peuvent-elles \u00eatre valablement reconnues comme des \u00ab\u00a0exigences professionnelles essentielles\u00a0\u00bb quand elles impliquent le respect de la libert\u00e9 de religion\u00a0?<\/p>\n
Nombre catholiques , hommes et femmes , ont constat\u00e9 et d\u00e9nonc\u00e9 \u00ab l\u2019asym\u00e9trie \u00bb et les in\u00e9galit\u00e9s existantes entre le r\u00f4le religieux de la femme et celui de l\u2019homme dans l\u2019\u00c9glise catholique.\u00a0Elles\/Ils ont dit que la non-admission des femmes au sacerdoce dans l\u2019\u00c9glise catholique \u00e9tait une discrimination \u00e0 l\u2019\u00e9gard des femmes, pour la raison qu\u2019il n\u2019y a pas \u00ab d\u2019alternative \u00e9quivalente \u00bb concernant les femmes ; que cette exclusion impliquait une \u00ab d\u00e9marcation infranchissable entre les fid\u00e8les \u00bb fond\u00e9e sur le sexe et le statut la\u00efc\/clerc \u00ab structurant \u00bb l\u2019organisation eccl\u00e9siale ; que la d\u00e9termination fonctionnelle suivant l\u2019appartenance sexuelle entravait l\u2019\u00ab \u00e9panouissement humain et religieux \u00bb des femmes sans facult\u00e9s de changement.<\/p>\n
Elles\/ils ont montr\u00e9, assez et depuis longtemps, qu’aucun des arguments du magist\u00e8re ne justifie l’exclusion des femmes des responsabilit\u00e9s de gouverner, d\u2019enseigner et de sanctifier. Nombre de femmes et d\u2019hommes, inform\u00e9s par leurs travaux historiques, ex\u00e9g\u00e9tiques, th\u00e9ologiques, doctrinaux, ont valablement d\u00e9montr\u00e9 qu\u2019aucun argument ne pouvait valablement arr\u00eater que \u00ab la femme \u00bb ne serait pas destin\u00e9e \u00e0 avoir dans l\u2019\u00c9glise des fonctions hi\u00e9rarchiques de magist\u00e8re et de minist\u00e8re \u00bb. Inspir\u00e9 par \u00a0le \u00ab sens commun \u00bb, le \u00ab flair des fid\u00e8les \u00bb, elles\/ils ont affirm\u00e9, soutenu , d\u00e9fendu que rien de solide et d\u00e9finitif ne pouvait l\u00e9gitimer que \u00ab seul un homme baptis\u00e9 \u00bb puisse validement recevoir \u00ab l\u2019ordination sacr\u00e9e \u00bb.<\/p>\n
Elles\/ils ne sont pas entendues. Bien que rejoints par des pr\u00eatres, des \u00e9v\u00eaques m\u00eames. Leurs adresses et motions \u00e9labor\u00e9s dans des synodes dioc\u00e9sains, sont rest\u00e9es sans r\u00e9ponse, si tent\u00e9 qu\u2019elles aient \u00e9t\u00e9 envoy\u00e9es aux instances romaines qui ont cru pouvoir interdire que la question puisse continuer \u00e0 \u00eatre abord\u00e9e.<\/p>\n
En s\u2019inscrivant dans le sillage des actes transgressifs symboliques (candidatures de sept femmes \u00e0 diverses fonctions qui leur sont\u00a0interdites au sein de l’\u00c9glise catholique dans la continuit\u00e9 du geste d’Anne Soupa , elle-m\u00eame candidate \u00e0 succ\u00e9der au cardinal Philippe Barbarin \u00e0 la t\u00eate du dioc\u00e8se de Lyon) , ne pourrait-on pas entreprendre juridiquement\u00a0?<\/p>\n
Les chr\u00e9tien nes ont le droit de participer pleinement \u00e0 la vie sacramentelle de l\u2019\u00c9glise sans \u00ab consid\u00e9ration de sexe \u00bb et \u00ab sans consid\u00e9ration de sexe \u00bb ont le droit d\u2019\u00eatre d\u00e9sign\u00e9es pour toutes les fonctions et tous les minist\u00e8res et comme candidats \u00e0 l\u2019\u00e9lection pour toutes les assembl\u00e9es. Femmes et hommes, ni les unes ni les autres, n\u2019ont \u00e0 \u00eatre exclues d\u2019aucun service de l\u2019\u00c9glise<\/p>\n
L\u2019exclusion des femmes aux fonctions cultuelles, aux responsabilit\u00e9s de gouverner, d\u2019enseigner et de sanctifier peut \u00eatre qualifi\u00e9e de discrimination et doit faire l\u2019objet d\u2019une interdiction en droit.<\/p>\n
Certains droits et libert\u00e9s fondamentaux comme la libert\u00e9 de religion ne doivent plus faire obstacle \u00e0 l\u2019interdiction des discriminations sexuelles dans la sph\u00e8re religieuse et tout particuli\u00e8rement \u00e0 la non-admission des femmes aux fonctions de Pape, d\u2019\u00e9v\u00eaque, de cardinal, de pr\u00eatre, de diacre.<\/p>\n
Le principe d\u2019interdiction des discriminations, affirm\u00e9 en droit international, en droit europ\u00e9en est \u00ab un principe transversal \u00e0 tous les droits de la personne humaine \u00bb. Il est li\u00e9 aux principes d\u2019\u00e9galit\u00e9 et de dignit\u00e9 des personnes . Sur le plan juridique, la discrimination sexuelle est consid\u00e9r\u00e9e comme \u00e9tant incompatible avec la dignit\u00e9 humaine et la discrimination \u00e0 l\u2019\u00e9gard des femmes, du fait qu\u2019elle nie ou limite l\u2019\u00e9galit\u00e9 des droits de la femme avec l\u2019homme, regard\u00e9e comme fondamentalement injuste et constituant une atteinte \u00e0 la dignit\u00e9 humaine. La discrimination \u00e0 l\u2019encontre des femmes viole les principes de l\u2019\u00e9galit\u00e9 des droits et du respect de la dignit\u00e9 humaine \u00bb. Dans le Code p\u00e9nal fran\u00e7ais, on le sait, les discriminations sexuelles sont trait\u00e9es comme des atteintes \u00e0 la dignit\u00e9 de la personne. Selon l\u2019article 225-1 du Code p\u00e9nal, \u00ab constitue une discrimination toute distinction op\u00e9r\u00e9e entre les personnes physiques \u00e0 raison de leur sexe \u00bb. Le sexe figure, sur le plan juridique, parmi les points de diff\u00e9renciation estim\u00e9s ill\u00e9gitimes<\/p>\n
L\u2019exclusion des femmes des fonctions cultuelles, sacramentelles et gouvernementales n\u2019 implique-t-elle pas une discrimination, la diff\u00e9renciation des r\u00f4les entre les sexes contenant en elle-m\u00eame une \u00ab in\u00e9galit\u00e9 de conditions \u00bb ? Les distinctions de fonctions entre les hommes et les femmes dans l\u2019\u00c9glise ne sont -elles sont discriminatoires car r\u00e9servant les \u00ab positions de pouvoir \u00bb aux hommes et limitant \u00ab la gamme des options \u00bb de choix de vie des femmes ?<\/p>\n
Le statut st\u00e9r\u00e9otyp\u00e9 des femmes ne va-t-il pas \u00e0 l\u2019encontre du principe de l\u2019\u00e9galit\u00e9 entre les hommes et les femmes , en maintenant la s\u00e9paration des responsabilit\u00e9s entre les sexes suivant des conceptions patriarcales et cl\u00e9ricales\u00a0?<\/p>\n
Cette diff\u00e9renciation des r\u00f4les entre les sexes dans l\u2019\u00c9glise ne suppose-elle pas une autre in\u00e9galit\u00e9, tenant \u00e0 la conception du f\u00e9minin et du masculin ? La diff\u00e9rence de valeur que l\u2019on accorde \u00e0 l\u2019un et l\u2019autre sexe, la distinction du f\u00e9minin et du masculin, les diff\u00e9rences naturelles affirm\u00e9es, ne conduisent-elles pas au maintien d\u2019in\u00e9galit\u00e9s \u00e0 tous les niveaux ?<\/p>\n
L\u2019exclusion des femmes en tant qu\u2019elles appartiennent \u00e0 un groupe d\u00e9fini par des caract\u00e9ristiques intrins\u00e8ques, \u201cnaturelles\u201d, sur lesquelles les int\u00e9ress\u00e9es n\u2019ont pas prise, telles que \u00ab le sexe \u00bb n\u2019est-elle pas \u00e0 prohiber ?\u00a0 Les distinctions fond\u00e9es sur le sexe ne sont-elles pas \u00e0 interdites dans l\u2019\u00c9glise en tant que discriminations, parce qu\u2019elles mettent en cause des attributions de l\u2019\u00ab\u00a0\u00eatre vivant\u00a0\u00bb\u00a0?<\/p>\n
La voie juridique pour mettre fin aux discriminations dans l\u2019\u00c9glise ? Une voie peut-\u00eatre puisque l\u2019\u00c9glise pers\u00e9v\u00e8re \u00e0 justifier le non acc\u00e8s des femmes aux charges cultuelles, sacramentelles et gouvernementales.<\/p>\n
Une voie que chaque baptis\u00e9.e pourrait choisir en \u00e9crivant, en France, par exemple , \u00e0 la d\u00e9fenseure des droits, Claire H\u00e9don, journaliste, pr\u00e9sidente du mouvement ATD Quart Monde de 2015 \u00e0 2020, ou en effectuant aupr\u00e8s d’elle une pr\u00e9-plainte en ligne.<\/p>\n
Motifs de la plainte\u00a0: autoritarisme d\u2019 eccl\u00e9siastiques en position de pouvoir\u00a0; entretien d\u2019\u00e9valuation d\u00e9motivant, manipulateur, hypocrite, suffisant\u00a0; absence de soutien, abus de pouvoir et emprises spirituelles \u00a0\u00a0; responsabilit\u00e9 visiblement confi\u00e9e par int\u00e9rim, ou suppl\u00e9ance, conc\u00e9d\u00e9e pour cause de p\u00e9nurie\u00a0d\u2019hommes\u00a0; services b\u00e9n\u00e9vole m\u00e9sestim\u00e9\u00a0; vie consacr\u00e9e corv\u00e9able \u00e0 merci\u00a0; comp\u00e9tences non reconnues\u00a0; appel \u00e0 \u00ab\u00a0candidatures\u00a0\u00bb pour la pr\u00eatrise r\u00e9serv\u00e9s aux seuls hommes\u00a0; choix des seuls gar\u00e7ons pour enfants de ch\u0153ur\u00a0; des seuls hommes pour distribuer la distribuer la communion, lire les \u00c9criture\u00a0; publication de livret pour les c\u00e9l\u00e9brations liturgiques prescrivant que lors de la c\u00e9r\u00e9monie du Lavement de pied, le Jeudi saint, on ne choisissent que des pieds d’hommes…\u00a0 pr\u00e9dications qui soutiennent que \u00ab\u00a0l\u2019homme est la t\u00eate et la femme est le c\u0153ur\u00a0\u00bb\u00a0; choix misogyne des textes des c\u00e9l\u00e9brations\u2026 etc.<\/p>\n
Un geste transgressif symbolique ? Oui. Certainement. Mais un jour viendra o\u00f9 l\u2019\u00c9glise catholique sera regard\u00e9e comme une institution dont il faut instruire le proc\u00e8s et faire condamner.<\/p>\n
Patrice Dunois-Canette journaliste<\/strong><\/p>\n (1) Anne Soupa, th\u00e9ologienne, journaliste, \u00e9crivaine et pr\u00e9sidente du Comit\u00e9 de la jupe, a d\u00e9pos\u00e9 en mai 2020 sa candidature \u00e0 la charge pastorale du dioc\u00e8se de Lyon<\/a><\/span><\/strong>. Elle est la premi\u00e8re femme \u00e0 imposer un tel acte de r\u00e9sistance aux archa\u00efques et masculines structures cl\u00e9ricales fran\u00e7aises.<\/p>\n