L\u2019\u00e9mission\u00a0Compl\u00e9ment d\u2019enqu\u00eate du 9 avril dernier, sur France 2, \u00ab\u00a0L\u2019amour au temps du confinement\u00a0\u00bb traitait des modes de rencontres et de relations intimes d\u00e9sormais r\u00e9gies par Internet. Force est de constater que l\u2019anonymat permis par le num\u00e9rique r\u00e9v\u00e8le une misogynie destructrice qu\u2019on aurait pu croire d\u00e9pass\u00e9e depuis la deuxi\u00e8me vague f\u00e9ministe et la lib\u00e9ration sexuelle des ann\u00e9es 60-70.<\/b><\/span><\/p>\n Parmi les sites de rencontres, Tinder se place sans ambigu\u00eft\u00e9 dans le cr\u00e9neau des rencontres essentiellement\u00a0 sexuelles. Une journaliste se pr\u00eate au jeu, cr\u00e9e son compte et se rend aux rendez-vous. Dans ce contexte qui pourrait \u00eatre \u00e9galitaire entre adultes consentants, bien des jeunes hommes se croient tout permis et se conduisent avec la brutalit\u00e9 des pr\u00e9dateurs sexuels. La journaliste, qui a tout simplement d\u00e9clin\u00e9 l\u2019invitation au passage \u00e0 l\u2019acte imm\u00e9diat, se fait insulter sur son t\u00e9l\u00e9phone et abreuv\u00e9e d\u2019insultes grossi\u00e8res passibles d\u2019amendes dans un contexte social. Une utilisatrice de l\u2019application explique\u00a0:\u00a0\u00ab j\u2019ai accept\u00e9 son invitation \u00e0 d\u00eener et peu \u00e0 peu, il est devenu brutal et m\u2019a oblig\u00e9e \u00e0 une relation, de peur, j\u2019ai c\u00e9d\u00e9 sans consentir<\/i>.\u00a0\u00bb Une autre ajoute : \u00ab\u00a0en fait, on devient la proie de pr\u00e9dateurs sexuels et en quelque sorte, des prostitu\u00e9es gratuites<\/i>\u00a0\u00bb. <\/span><\/p>\n Et puis, nous entendons le r\u00e9cit d\u2019une jeune femme qui s\u2019est fait s\u00e9duire mani\u00e8re 50 nuances de grey<\/em>, best seller qui s\u2019est vendu \u00e0 des millions d\u2019exemplaires, o\u00f9 les relations se font uniquement en mode pervers. Les deux partenaires sont masqu\u00e9.es, la fille attach\u00e9e. La jeune fille qui s\u2019est pr\u00eat\u00e9e \u00e0 ce jeu avoue avoir \u00e9t\u00e9 victime d\u2019un long lavage de cerveau avant d\u2019accepter la proposition d\u2019aller chez son amant violeur qui va s\u2019av\u00e9rer \u00eatre un homme de 60 ans alors qu\u2019il s\u2019\u00e9tait pr\u00e9sent\u00e9 comme un jeune et beau m\u00e2le. <\/span>S\u2019appuyer sur les ressorts d\u2019un roman \u00e0 la mode qui fait passer pour d\u00e9sirables, un peu risqu\u00e9es, mais branch\u00e9es, des pratiques de perversions sado-masochistes est un jeu facile pour certains hommes. Des jeunes filles emberlificot\u00e9es dans ces injonctions contraires m\u00ealant mode, lib\u00e9ration sexuelle et perversion, tombent dans le panneau. <\/span><\/p>\n \u00a0\u00bb Le revenge porn \u00ab\u00a0<\/span><\/strong><\/p>\n Une autre exp\u00e9rience douloureuse concernant les plus jeunes, est r\u00e9v\u00e9l\u00e9e, celle du \u00ab revenge porn \u00bb o\u00f9 des gar\u00e7ons utilisent les photos qu\u2019ils ont prises dans l\u2019intimit\u00e9 avec ou sans l\u2019accord de leur compagne. Ils inondent alors la toile de ces photos et d\u00e9truisent la vie de leur ex sans aucun scrupule jouissant de l\u2019impunit\u00e9 que leur offre l\u2019informatique. Les filles \u00ab perdent alors leur r\u00e9putation \u00bb. L\u2019\u00e9ternel deux poids deux mesures est de retour : les filles qui couchent sont \u00ab des salopes \u00bb, les gar\u00e7ons qui couchent et d\u00e9truisent leurs anciennes copines sont \u00e0 peine inqui\u00e9t\u00e9s. On se croirait aux si\u00e8cles pass\u00e9s quand on d\u00e9non\u00e7ait les filles \u00ab aux m\u0153urs l\u00e9g\u00e8res \u00bb et montrait du doigt les filles-m\u00e8res. La \u00ab valence diff\u00e9rentielle des sexes \u00bb, concept d\u00e9masqu\u00e9 par Fran\u00e7oise H\u00e9ritier en 1996 est plus que jamais d\u2019actualit\u00e9. <\/span><\/p>\n Un cas de \u00ab Nudes \u00bb est partag\u00e9 \u00e9galement dans l\u2019\u00e9mission : m\u00eame proc\u00e9d\u00e9 que le \u00ab revenge porn \u00bb mais l\u00e0, on est encore un peu plus loin dans l\u2019horreur car certaines photos de filles ne sont pas r\u00e9elles. Des corps d\u00e9nud\u00e9s sont associ\u00e9s \u00e0 des comptes Twitter et Instagram de filles qui n\u2019ont jamais pos\u00e9 pour ces photos. Cela est le cas pour plusieurs jeunes filles dans un lyc\u00e9e \u00e0 Strasbourg, elles d\u00e9cident alors d\u2019aller faire une d\u00e9claration \u00e0 la police qui refuse de prendre leur plainte au pr\u00e9texte qu\u2019elles sont mineures ! Devant ce refus parfaitement ill\u00e9gal, elles vont alors au si\u00e8ge du journal Les nouvelles d\u2019Alsace <\/i>qui va d\u00e9voiler l\u2019affaire, la plainte sera alors prise en compte. Ces exp\u00e9riences sont d\u00e9vastatrices pour des jeunes filles qui parfois doivent d\u00e9m\u00e9nager pour se faire oublier, des cas de suicides sont aussi \u00e0 d\u00e9plorer.<\/span><\/p>\n Une psychanalyste invit\u00e9e de l\u2019\u00e9mission, d\u00e9crypte\u00a0: \u00ab\u00a0on est dans le consum\u00e9risme et la chosification de l\u2019autre\u00a0<\/i>\u00bb. Il y a de toute \u00e9vidence un rapport \u00e0 l\u2019autre qui devient obsc\u00e8ne dit-elle, et l\u2019autre, il faut le pr\u00e9ciser, c\u2019est toujours le f\u00e9minin, avili, et \u00e0 qui l\u2019on d\u00e9nigre le droit de vivre sa sexualit\u00e9 librement.<\/span><\/p>\n Des gar\u00e7ons veulent encore mener la danse et dire qui \u00ab est une fille bien \u00bb et qui peut \u00eatre utilis\u00e9e et jet\u00e9e. Ceux-l\u00e0 ne veulent pas avoir un rapport \u00e9galitaire avec leur compagne et si elles d\u00e9cident de les quitter, elles doivent p\u00e9rir symboliquement et \u00eatre d\u00e9truites sur la toile. C\u2019est malheureusement un mod\u00e8le que l\u2019on conna\u00eet bien, la grande majorit\u00e9 des f\u00e9minicides suit ce sch\u00e9ma : \u00a0\u00bb tu me trompes, tu me quittes, je te tue \u00ab\u00a0. On ne peut consid\u00e9rer les situations de cyberagressions comme anodines, elles font partie du sexisme syst\u00e9mique de nos soci\u00e9t\u00e9s ayant h\u00e9rit\u00e9 des r\u00e9flexes patriarcaux o\u00f9 les femmes \u00e9taient \u00ab la propri\u00e9t\u00e9 \u00bb des hommes.<\/span><\/p>\n Il y a urgence \u00e0 \u00e9duquer \u00e0 l\u2019\u00e9galit\u00e9 et montrer aux jeunes ce que la pornographie fait \u00e0 la sexualit\u00e9 f\u00e9minine et masculine. On sait que les enfants y ont acc\u00e8s gratuitement d\u00e8s l\u2019\u00e2ge de 10 ans et que cet acc\u00e8s n\u2019est toujours pas r\u00e9gul\u00e9 en France.<\/span><\/p>\n Un fantasme pervers masculin<\/span><\/strong><\/p>\n Dans une partie \u00e9difiante de l\u2019\u00e9mission, un \u00e9ducateur, membre d\u2019une association, explique qu\u2019il est impossible pour une jeune fille de se construire en tant que femme devant des sc\u00e8nes pornographiques ou des filles sont baff\u00e9es, fess\u00e9es et trait\u00e9es de\u00a0\u00ab\u00a0putes\u00a0\u00bb.<\/span><\/p>\n La pornographie, si elle n\u2019est pas r\u00e9gul\u00e9e, doit absolument \u00eatre expliqu\u00e9e aux enfants : c\u2019est dans l\u2019immense majorit\u00e9 des cas, un fantasme pervers masculin qui r\u00e9duit les filles et femmes \u00e0 des r\u00e9ceptacles pour des actes malsains, maltraitants, hyper violents et d\u00e9valorisants pour les femmes. R\u00e9pr\u00e9hensibles l\u00e9galement, ils sont, dans le cadre de la pornographie, pr\u00e9sent\u00e9s comme normaux et d\u00e9sir\u00e9s par les femmes qui en jouiraient, comble de la perversion des hommes. <\/span><\/p>\n Ceci n\u2019a rien \u00e0 voir avec une sexualit\u00e9 \u00e9panouie o\u00f9 chacun.e est d\u00e9sirant.e, respectueuse\/respectueux du d\u00e9sir de l\u2019autre et veut donner et recevoir du plaisir sans contrainte.<\/span><\/p>\n Devant ces ph\u00e9nom\u00e8nes de cyberharc\u00e8lement qui touchent toutes les classes sociales, il y a urgence \u00e0 faire respecter l\u2019obligation de donner des cours d\u2019\u00e9ducation sexuelle dans les \u00e9coles, des cours ne se contentant pas de pr\u00e9venir des risques de grossesse et de SIDA comme c\u2019est souvent le cas, mais enseignant un vrai respect entre les sexes. Ce que ne dit pas l\u2019\u00e9mission, c\u2019est que l\u2019\u00e9ducateur interview\u00e9 est un intervenant ext\u00e9rieur \u00e0 l\u2019\u00e9cole. Il est inadmissible que ce soit des b\u00e9n\u00e9voles d’ associations qui assurent \u00e0 leur mesure, c\u2019est-\u00e0-dire limit\u00e9e, un service qui devrait \u00eatre garanti et g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9 par l\u2019Etat.<\/span><\/span><\/p>\n Si l\u2019on veut vraiment construire une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 la r\u00e9putation des filles et des gar\u00e7ons soit \u00e9quivalente, o\u00f9 les gar\u00e7ons n\u2019estiment plus que les filles puissent \u00eatre des proies sexuelles mais des compagnes jouissant des m\u00eames droits et pr\u00e9rogatives qu\u2019eux, il faut changer les mentalit\u00e9s. Les facteurs cl\u00e9 pour fabriquer un environnement social r\u00e9gulateur sont d\u2019abord l\u2019\u00e9ducation mais aussi les m\u00e9dias qui sont autant d\u2019influenceurs sociaux : utilis\u00e9s \u00e0 bon escients, ils peuvent devenir des garde-fous aux d\u00e9rives sexistes, num\u00e9riques ou pas. <\/span><\/p>\n Roselyne Segalen 50-50 magazine<\/b><\/span><\/p>\n \n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" L\u2019\u00e9mission\u00a0Compl\u00e9ment d\u2019enqu\u00eate du 9 avril dernier, sur France 2, \u00ab\u00a0L\u2019amour au temps du confinement\u00a0\u00bb traitait des modes de rencontres et de relations intimes d\u00e9sormais r\u00e9gies par Internet. 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