{"id":33729,"date":"2020-02-13T09:22:35","date_gmt":"2020-02-13T08:22:35","guid":{"rendered":"https:\/\/www.50-50magazine.fr\/?p=33729"},"modified":"2020-02-21T09:22:10","modified_gmt":"2020-02-21T08:22:10","slug":"charlotte-bienaime-un-podcast-a-soi","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.50-50magazine.fr\/2020\/02\/13\/charlotte-bienaime-un-podcast-a-soi\/","title":{"rendered":"Charlotte Bienaim\u00e9 – Un Podcast \u00e0 Soi"},"content":{"rendered":"
Charlotte Bienaim\u00e9 est la r\u00e9alisatrice d\u2019un autre podcast natif f\u00e9ministe incontournable : <\/b><\/span>Un Podcast \u00e0 Soi <\/b><\/i><\/span>(Arte Radio). Une fois par mois, la journaliste propose des documentaires passionnants sur des questions de genre, de sexualit\u00e9 ou d\u2019inclusivit\u00e9. <\/b><\/span><\/span><\/p>\n Comment est n\u00e9 le projet de <\/b><\/span>Un Podcast \u00e0 Soi<\/b><\/i><\/span> ? <\/b><\/span><\/span><\/p>\n Pendant plus de dix ans, j\u2019ai travaill\u00e9 pour France Culture<\/em> en tant que r\u00e9alisatrice : j\u2019ai produit de nombreuses \u00e9missions documentaires pour <\/span>Les Pieds sur Terre<\/i><\/span> par exemple, mais aussi pour d\u2019autres \u00e9missions. Je viens vraiment de la radio classique, c\u2019est ce que j\u2019ai tout de suite fait apr\u00e8s mes \u00e9tudes.<\/span><\/span><\/p>\n Cela faisait plusieurs ann\u00e9es d\u00e9j\u00e0 que je r\u00e9alisais presque exclusivement des documentaires sur des questions f\u00e9ministes. J\u2019avais notamment produit une s\u00e9rie d\u2019\u00e9missions sur les f\u00e9ministes du monde arabe, et une autre de plus de dix heures pour <\/span>La Grand Travers\u00e9e, <\/i><\/span>qui dressait des portraits de f\u00e9ministes fran\u00e7aises. C\u2019est dans ce cadre que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 articuler t\u00e9moignages, textes, r\u00e9flexions de chercheuses et ambiances sonores, et je trouvais que cela fonctionnait tr\u00e8s bien. Et surtout, m\u00eame apr\u00e8s ces dix heures d\u2019\u00e9mission, je me suis rendue compte que j\u2019avais \u00e0 peine effleur\u00e9 la surface du sujet et qu\u2019il manquait \u00e9norm\u00e9ment de choses !<\/span><\/span><\/p>\n J\u2019ai donc commenc\u00e9 \u00e0 chercher un lieu pour diffuser cette pens\u00e9e-l\u00e0, et c\u2019est Arte Radio qui a accept\u00e9. J\u2019ai donc construit l\u2019\u00e9mission et fait m\u00fbrir l\u2019id\u00e9e pendant plus d\u2019un an, et le hasard a fait que le premier \u00e9pisode du podcast, intitul\u00e9 Sexisme ordinaire en milieu temp\u00e9r\u00e9<\/em> et qui portait sur le sexisme dans les milieux privil\u00e9gi\u00e9s, est sorti trois semaines avant l\u2019affaire Weinstein.<\/span><\/p>\n Pourquoi avez-vous choisi le format du podcast ?<\/strong> <\/span><\/p>\n J\u2019ai toujours voulu faire du documentaire radio, jamais du visuel. Je voulais faire du long format. Je ne sais jamais quoi r\u00e9pondre quand on me pose cette question, mais je dis souvent que ce qui a d\u00fb jouer, c\u2019est ma relation avec ma grand-m\u00e8re. Ma grand-m\u00e8re \u00e9tait malvoyante, et nous \u00e9changions beaucoup par le biais de cassettes audio. Ma s\u0153ur, mes cousines et moi, nous lui enregistrions\u00a0des cassettes, et elle nous en faisait en retour. Je pense que ce n\u2019est s\u00fbrement pas anodin. <\/span><\/p>\n J\u2019ai, par ailleurs, fait beaucoup de musique, donc je pense aussi que les sonorit\u00e9s et le rythme sont des choses que j\u2019ai apprises en m\u00eame temps que l\u2019\u00e9criture et la lecture. Cela a du m\u2019impr\u00e9gner.<\/span><\/p>\n Comment expliquez-vous le fait que la pens\u00e9e f\u00e9ministe aujourd\u2019hui s\u2019est empar\u00e9e du podcast ?<\/span><\/strong><\/p>\n Le fait d\u2019\u00eatre lib\u00e9r\u00e9es de l\u2019image joue \u00e9norm\u00e9ment. Pour une fois, les femmes n\u2019ont pas d\u2019obligation au para\u00eetre ! Pour moi, le podcast a aussi un autre avantage essentiel : c\u2019est une format qui donne la possibilit\u00e9 de monter ! Il y a un immense travail de montage sonore dans <\/span>Un Podcast \u00e0 Soi<\/i><\/span>, ce qui ne pourrait pas \u00eatre aussi travaill\u00e9 \u00e0 l\u2019image. Enfin, le podcast permet d\u2019\u00eatre sur la longueur, de laisser la possibilit\u00e9 \u00e0 la parole de se d\u00e9ployer. C\u2019est quelque chose que la radio a toujours permis de faire. <\/span><\/span><\/p>\n Le podcast permet une intimit\u00e9. On a besoin d\u2019\u00eatre dans une certaine confiance pour pouvoir entendre ces paroles-l\u00e0, pour s\u2019identifier \u00e0 elles. Ce n\u2019est pas pareil de lire des t\u00e9moignages et de les voir. L\u2019image, souvent, nous s\u00e9pare. Entendre, en revanche, est une exp\u00e9rience physique. Le son rentre dans le corps, fait rire et pleurer, tout en permettant \u00e0 chacun.e de demeurer dans sa propre vie. Le podcast permet des identifications, mais aussi de rendre audibles des t\u00e9moignages qui ne le seraient peut \u00eatre pas autrement : un t\u00e9moignage brut sur des questions comme le viol ou les violences sexuelles, cela peut \u00eatre tr\u00e8s difficile. Dans un podcast, on peut lier cette parole \u00e0 de la po\u00e9sie, et cela permet d\u2019\u00e9viter le sensationnalisme ou la victimisation.<\/span><\/p>\n Une chose que l\u2019on remarque tr\u00e8s vite dans votre \u00e9mission et que l’on trouve rarement ailleurs, c\u2019est la pr\u00e9sence du silence. Quel est son r\u00f4le ? <\/b><\/span><\/span><\/p>\n Les ajouts de silence, c\u2019est pour moi la derni\u00e8re \u00e9tape du montage, la touche finale. Je pense qu\u2019on a besoin des silences, ils nous laissent un moment pour int\u00e9grer les informations. Apr\u00e8s un t\u00e9moignage tr\u00e8s fort par exemple, le silence nous permet de laisser infuser les \u00e9motions que nous avons re\u00e7ues dans notre corps et dans notre esprit. Permettre ces temps-l\u00e0 m\u2019importe beaucoup. C\u2019est aussi un moment pour se retrouver soi, faire l\u2019aller-retour entre le podcast et notre propre vie. Dans <\/span>Un Podcast \u00e0 Soi<\/i><\/span> il y a quand m\u00eame une multitude de sons : les t\u00e9moignages, les textes, les commentaires des chercheuses, les musiques. Le silence laisse le temps de dig\u00e9rer. <\/span><\/span><\/p>\n Dans le g\u00e9n\u00e9rique de l\u2019\u00e9mission, vous avez ins\u00e9r\u00e9 l\u2019expression \u00ab\u00a0r\u00e9volution f\u00e9ministe\u00a0\u00bb. Selon vous, ce que nous sommes en train de vivre, c\u2019est une r\u00e9volution f\u00e9ministe ? <\/b><\/span><\/span><\/p>\n Je pense qu\u2019effectivement, nous sommes dans un moment extr\u00eamement important, historique. Il y a une \u00e9bullition folle en termes d\u2019actions sur le terrain, de diffusion du savoir, et les m\u00e9dias <\/span>mainstream <\/i><\/span>s\u2019int\u00e9ressent aux sujets f\u00e9ministes. Les choses sont en train de changer, on le voit tr\u00e8s bien dans les discussions de famille ou chez les jeunes. Je parle souvent avec des personnes de 17-18 ans qui ont des discours construits sur le f\u00e9minisme, que je n’avais absolument pas \u00e0 leur \u00e2ge !<\/span><\/span><\/p>\n Ce qui me fait peur, c\u2019est le retour de b\u00e2ton qui va indubitablement arriver. Il y a quelques ann\u00e9es, le mot \u00ab\u00a0<\/span>f\u00e9ministe<\/i><\/span>\u00a0\u00bb inspirait de mauvaises r\u00e9actions. Aujourd\u2019hui, quand on se dit f\u00e9ministe, on nous r\u00e9torque souvent \u00ab<\/span>\u00a0t\u2019es f\u00e9ministe parce que c\u2019est \u00e0 la mode\u00a0<\/i><\/span>\u00bb. Je trouve cela encore pire. On court le risque que le f\u00e9minisme soit r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 par le capitalisme, le lib\u00e9ralisme, et que la pens\u00e9e soit \u00e9dulcor\u00e9e. Il ne peut pas y avoir de r\u00e9volution sans un changement total de syst\u00e8me politique et \u00e9conomique. En ce sens, on est encore tr\u00e8s loin d\u2019une r\u00e9volution f\u00e9ministe. <\/span><\/span><\/p>\n J\u2019alterne \u00e9norm\u00e9ment entre des moments d\u2019extr\u00eame excitation et d\u2019engouement, et des moments o\u00f9 nous nous retrouvons confront\u00e9.es \u00e0 la situation du monde dans lequel nous vivons, qui ne peut pas \u00eatre compatible avec le f\u00e9minisme. Quand on voit notamment Marl\u00e8ne Schiappa qui voulait enlever le droit de s\u00e9jour \u00e0 des personnes d\u2019origine \u00e9trang\u00e8re parce qu\u2019ils auraient \u00e9t\u00e9 agresseurs\u2026 encore une fois, on est loin de la r\u00e9volution. <\/span><\/p>\n R\u00e9aliser <\/b><\/span>Un Podcast \u00e0 Soi<\/b><\/i><\/span>, est-ce un acte militant ? <\/b><\/span><\/span><\/p>\n Non, je n\u2019emploierais pas ce mot l\u00e0. Il y a une diff\u00e9rence pour moi entre la notion de militantisme et celle d\u2019engagement. Bien s\u00fbr que le militantisme f\u00e9ministe est extr\u00eamement important et indissociable de la pens\u00e9e f\u00e9ministe. Je donne d\u2019ailleurs \u00e0 entendre les paroles de plusieurs militant.es dans le podcast. Mais je qualifierais plut\u00f4t mon travail de documentariste engag\u00e9e. Mon but est de faire entendre ces questions-l\u00e0 avec une certaine mise \u00e0 distance du militantisme, justement pour pouvoir explorer les diff\u00e9rents questionnements, la multitude de positionnements et de courants qui traversent le f\u00e9minisme.<\/span><\/p>\n Savez-vous qui \u00e9coute <\/b><\/span>Un Podcast \u00e0 Soi ?<\/b><\/i><\/span><\/span><\/p>\n Nous n\u2019avons pas de donn\u00e9es pr\u00e9cises. Cela dit, les retours que je re\u00e7ois me permettent de dire que les femmes sont plus nombreuses \u00e0 m\u2019\u00e9couter que les hommes, m\u00eame si j\u2019ai tout de m\u00eame beaucoup d\u2019auditeurs. Ce qui est s\u00fbr, c\u2019est que les personnes qui \u00e9coutent l\u2019\u00e9mission appartiennent plut\u00f4t \u00e0 la classe moyenne sup\u00e9rieure et aux classes sociales les plus ais\u00e9es. <\/span><\/p>\n Par contre, je pensais avoir un public principalement citadin, alors qu\u2019en fait pas du tout, c\u2019est tr\u00e8s partag\u00e9 \u00e0 ce niveau-l\u00e0. Ce qui me touche, c\u2019est la certitude que le podcast a d\u00e9pass\u00e9 le r\u00e9seau militant f\u00e9ministe. <\/span><\/p>\n C\u2019est l\u2019une des raisons qui font que le podcast est un outil g\u00e9nial : il permet de toucher des personnes qui ont moins acc\u00e8s aux actions militantes et au savoir. <\/span><\/p>\n Propos recueillis par L\u00e9onor Gu\u00e9noun <\/b><\/span>50-50 Magazine<\/b><\/span><\/span><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Charlotte Bienaim\u00e9 est la r\u00e9alisatrice d\u2019un autre podcast natif f\u00e9ministe incontournable : Un Podcast \u00e0 Soi (Arte Radio). Une fois par mois, la journaliste propose des documentaires passionnants sur des questions de genre, de sexualit\u00e9 ou d\u2019inclusivit\u00e9. Comment est n\u00e9 le projet de Un Podcast \u00e0 Soi ? 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