Plus de 400 militant.es f\u00e9ministes du monde entier s’\u00e9taient r\u00e9uni.es le 9 mai dernier \u00e0 Paris afin de remettre des\u00a0recommandations aux ministres du G7. Objectif de ce 3\u00e9me\u00a0sommet international du Mouvement Women 7 (W7) : pousser les Etats du G7, pr\u00e9sid\u00e9 cette ann\u00e9e par la France, \u00e0 adopter des mesures qui iront au-del\u00e0 des effets d\u2019annonce et constitueront des avanc\u00e9es concr\u00e8tes vers l\u2019\u00e9galit\u00e9 femmes-hommes. A la veille du G7 et alors qu’une forte\u00a0mobilisation contre le sommet s’est mise en place,\u00a0retour sur l’intervention de Sabine\u00a0Reynosa, membre du collectif conf\u00e9d\u00e9ral Femmes-Mixit\u00e9 de la CGT.<\/b><\/p>\n

Les constats<\/strong><\/p>\n

Lorsque l\u2019on \u00e9voque les in\u00e9galit\u00e9s professionnelles, les chiffres fusent, dans une fourchette de 15 \u00e0 27% environ. Mais de quoi parle-t-on donc\u00a0?<\/p>\n

Bien s\u00fbr, on pense imm\u00e9diatement au plafond de verre. Plus dipl\u00f4m\u00e9es que les hommes, les femmes, m\u00eame dans les fili\u00e8res \u00e0 pr\u00e9dominance f\u00e9minine, n\u2019occupent pas les postes de direction dans les m\u00eames proportions\u00a0: elles sont certes 41% parmi les cadres d\u00e9sormais, mais entre 15 et 20% du top management.<\/p>\n

Et puis, les parois de verre\u00a0:\u00a0pr\u00e8s de la moiti\u00e9 des femmes sont concentr\u00e9es dans 10 familles professionnelles sur 86, et plus de 88% d’entre elles sont dans les services\u00a0: assistanat et administration, sant\u00e9, \u00e9ducation, nettoyage, aide \u00e0 domicile\u2026 autant de m\u00e9tiers fortement d\u00e9valoris\u00e9s, dans le priv\u00e9 comme dans le public, avec des\u00a0:<\/p>\n

\n
• dipl\u00f4mes sous-\u00e9valu\u00e9s<\/li>\n
• technicit\u00e9s non reconnues,<\/li>\n
• responsabilit\u00e9s minimis\u00e9es,<\/li>\n
• savoir-faire discrets,<\/li>\n
• conditions de travail et p\u00e9nibilit\u00e9 invisibles.<\/li>\n<\/ul>\n

  D\u2019o\u00f9 les luttes r\u00e9centes\u00a0: assistantes maternelles, Atsem, aides-soignantes, infirmi\u00e8res, femmes de m\u00e9nages des grands h\u00f4tels\u2026etc. L\u2019enjeu est essentiel surtout dans le contexte d\u2019aust\u00e9rit\u00e9 qui vise continuellement \u00ables services publics vitaux.\u00bb Services publics qui emploient majoritairement des femmes.<\/p>\n

  Les \u00e9carts de primes, globalement un quart en moins de primes pour les femmes\u2026 Primes en partie li\u00e9es aux postes (heures suppl\u00e9mentaires, horaires d\u00e9cal\u00e9s)\u2026 mais aussi et encore, \u00e0 la non-reconnaissance et \u00e0 la banalisation de ces contraintes dans les emplois \u00e0 pr\u00e9dominance f\u00e9minine, tels que ceux du commerce et de la sant\u00e9.<\/p>\n

  Le temps partiel<\/b><\/span><\/span><\/span><\/p>\n

  Le temps partiel concerne \u00e0 82% les femmes et porte sur 30% de l\u2019emploi des femmes.<\/p>\n

  En France, le travail \u00e0 temps partiel est surtout le fait des employeur.es, la loi sur le minimum de 24h ayant d\u2019ailleurs \u00e9t\u00e9 contourn\u00e9e, notamment par des accords de branche. Une \u00e9tude europ\u00e9enne montre qu\u2019en France, la part du temps partiel impos\u00e9 est importante (43%) alors qu\u2019en Allemagne par exemple, le temps partiel impos\u00e9 ne correspond qu\u2019a 12%\u00a0!! en sachant que le travail \u00e0 temps partiel impos\u00e9 est statistiquement sous-estim\u00e9\u00a0!!<\/p>\n

  Le temps partiel dit \u00abchoisi\u00bb correspond g\u00e9n\u00e9ralement, de la part des femmes, \u00e0 des choix contraints\u00a0: 70% des t\u00e2ches domestiques et parentales leur incombe toujours, d\u2019o\u00f9 l\u2019importance cruciale que rev\u00eatent les services publics pour les femmes en tant qu\u2019utilisatrices. On pense bien s\u00fbr aux cr\u00e8ches et autres \u00e9quipements accueillant les enfants, mais ajoutons-y la prise en charge des personnes en perte d\u2019autonomie, en situation de handicap, des malades etc – sachant que d\u2019apr\u00e8s un rapport de l\u2019IRES, \u201cla principale raison donn\u00e9e par les femmes de 20 \u00e0 64 ans \u00e0 leur inactivit\u00e9 est le fait d\u2019avoir \u00e0 s\u2019occuper d\u2019un enfant ou d\u2019un proche handicap\u00e9, alors que ce motif n\u2019appara\u00eet quasiment jamais comme une des raisons invoqu\u00e9es par les hommes inactifs de la m\u00eame tranche d\u2019\u00e2ge.\u201d<\/p>\n

  Sans oublier non plus la probl\u00e9matique des transports et de l\u2019urbanisme en g\u00e9n\u00e9ral. Et puis, repensons la question des cong\u00e9s parentaux, sur laquelle la France vient de s\u2019illustrer en bloquant une directive europ\u00e9enne progressiste\u00a0! Enfin, il serait temps de relancer le d\u00e9bat sur une r\u00e9duction collective du temps de travail\u00a0!<\/p>\n

  Au-del\u00e0 du temps partiel, la pr\u00e9carit\u00e9 r\u00e9currente, avec aussi les CDD et l\u2019int\u00e9rim, subis majoritairement par des femmes (70% de femmes) p\u00e8sent aussi sur les retards de carri\u00e8re\u00a0: selon les calculs de Thomas Piketty, l\u2019\u00e9cart tout revenu confondu (y compris allocations ch\u00f4mage et pensions retraite)\u00a0va de 25% \u00e0 25 ans \u00e0\u2026 64% \u00e0 65 ans\u2026<\/p>\n

  Enfin, la discrimination \u00abpure\u00bb , li\u00e9e au poids des st\u00e9r\u00e9otypes et au \u00ab\u00a0soup\u00e7on de maternit\u00e9\u00a0\u00bb qui d\u00e8s l\u2019entr\u00e9e sur le march\u00e9 du travail, va ob\u00e9rer toute la carri\u00e8re\u2026<\/p>\n

  Les in\u00e9galit\u00e9s de retraite<\/strong><\/p>\n

  Et au bout d\u2019une vie professionnelle sem\u00e9e d\u2019emb\u00fbches, comment ne pas \u00e9voquer les in\u00e9galit\u00e9s de retraite, miroir grossissant des in\u00e9galit\u00e9s salariales\u00a0:<\/p>\n

  \n
  • 39% d\u2019\u00e9cart de pension de droit direct, tombant \u00e0 25% gr\u00e2ce aux droits d\u00e9riv\u00e9s (notamment la pension de r\u00e9version).<\/li>\n
  • L\u00e0 encore, on retrouve principalement des femmes parmi les \u00abb\u00e9n\u00e9ficiaires\u00bb de minima, qu\u2019il s\u2019agisse du minimum contributif ou du minimum vieillesse (45% des femmes retrait\u00e9es et 14% des hommes).<\/li>\n
  • Et pourtant, les femmes travaillent en moyenne 1 an de plus que les hommes, et elles sont 21% \u00e0 attendre 67 ans pour \u00e9viter la d\u00e9cote (contre 8% des hommes).<\/li>\n<\/ul>\n

    Le projet de r\u00e9forme s\u2019appuyant sur un syst\u00e8me \u00e0 points aggravera la situation des femmes, comme toutes les mesures tendant \u00e0 renforcer le\u00a0caract\u00e8re contributif du syst\u00e8me au d\u00e9triment de la solidarit\u00e9:<\/p>\n

    \n
    • La prise en compte de toute la carri\u00e8re, au lieu des 25 meilleures ann\u00e9es qui sont d\u00e9j\u00e0 p\u00e9nalisantes depuis 1993, et la fin des 6 derniers mois pour les fonctionnaires qui constitue une catastrophe pour toute la cat\u00e9gorie C (majoritairement f\u00e9minine) qui a en plus a tr\u00e8s peu\/pas de primes\u2026<\/li>\n
    • Prenons garde aussi \u00e0 la remise en cause des pensions de r\u00e9version et autres droits familiaux, qui risque d\u2019aggraver encore la situation des femmes tant qu\u2019il y a des in\u00e9galit\u00e9s\u00a0!!<\/li>\n<\/ul>\n

      Ainsi, comme le rappelle Oxfam (rapport de d\u00e9cembre 2018)\u00a0: les femmes sont en premi\u00e8re ligne\u00a0face au risque de pauvret\u00e9 au travail. Risque aggrav\u00e9, bien s\u00fbr, pour les m\u00e8res seules, dont 1\/4 sont des travailleuses pauvres. Mais il y a un effet de dissimulation de la pauvret\u00e9 f\u00e9minine dans les statistiques portant sur les revenus des m\u00e9nages. De m\u00eame, la familialisation des politiques fiscales ou de certains dispositifs comme la prime d\u2019activit\u00e9\u00a0n\u2019est pas sans effets pour les femmes dont les conjoints gagnent davantage.<\/p>\n

      Avec des cons\u00e9quences en mati\u00e8re d\u2019autonomie \u00e9conomique\u2026 Et on en revient aux pol\u00e9miques autour de l\u2019\u00e9valuation des \u00e9carts\u2026\u00a0 que dit l\u2019invisibilisation du quart en moins sur les r\u00e9mun\u00e9rations, tout confondu\u00a0?<\/p>\n

      Au-del\u00e0 des enjeux de communication, cela revient \u00e0 nier l\u2019enjeu principal, qui est bel et bien l\u2019autonomie \u00e9conomique des femmes. Certes insuffisante pour s\u2019extraire d\u2019un rapport de domination, mais comment quitter un partenaire violent sans acc\u00e9der \u00e0 cette autonomie \u00e9conomique\u00a0? Ce n\u2019est pas un hasard, si les conjoints violents cherchent \u00e0 emp\u00eacher les femmes de travailler. Et comment construire une position de force, face aux violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail, tout en \u00e9tant en situation d\u2019in\u00e9galit\u00e9s professionnelles tous azimuts\u00a0?<\/p>\n

      Une seule loi visant l\u2019\u00e9galit\u00e9 a \u00e9t\u00e9 \u00e9t\u00e9 vraiment appliqu\u00e9e, c’est celle qui impose 40% de femmes dans les Conseils d\u2019Administration des grands groupes. On est \u00e0 43%, bien s\u00fbr pas dans toutes les entreprises, et pas dans les vrais lieux de d\u00e9cisions. (Comex et Codir o\u00f9 l\u2019on est \u00e0 15-20% de femmes)\u2026 Cette loi, qui rappelle la th\u00e9orie du ruissellement, est \u00e0 l\u2019image d\u2019une approche \u00e9litiste et individualiste. Certes, elle permet la promotion de quelques premi\u00e8res de cord\u00e9e, tout en creusant les \u00e9carts entre femmes, lesquelles font dans leur ensemble les frais des politiques publiques d\u2019aust\u00e9rit\u00e9 et de d\u00e9tricotage des protections collectives. Pire, demandons-nous jusqu\u2019\u00e0 quel point certains discours ne risquent pas de d\u00e9velopper complexes et culpabilit\u00e9 parmi celles qui ne font pas partie des \u00abwinners\u00bb\u2026<\/p>\n

      Sabine\u00a0Reynosa CGT<\/strong><\/p>\n

      Sabine Reynosa est \u00e0 droite sur la photo<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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