Rashida Shemseldin est une r\u00e9fugi\u00e9e soudanaise. Militante f\u00e9ministe et activiste politique, elle a \u00e9t\u00e9 contrainte de fuir son pays en septembre 2018, et d\u2019abandonner ses proches, pour sauver sa propre vie. Depuis Paris, o\u00f9 elle essaye depuis des mois d\u2019obtenir le statut de r\u00e9fugi\u00e9e politique, Rashida Shemseldin continue de militer quotidiennement. Elle raconte son exp\u00e9rience de la guerre-civile au Soudan.<\/strong><\/p>\n Comment se sont pass\u00e9s votre d\u00e9part du Soudan et votre arriv\u00e9e en France ?<\/strong><\/p>\n Je suis arriv\u00e9e \u00e0 Paris d\u00e9but septembre 2018. J\u2019ai eu la grande chance de pouvoir venir en France de mani\u00e8re l\u00e9gale et rapide, par avion, et donc d\u2019\u00e9viter le parcours traumatique des immigrant.es clandestin.nes. J\u2019\u00e9tais invit\u00e9e ici dans le cadre d\u2019une conf\u00e9rence, ce qui m\u2019a permis d\u2019obtenir un visa tr\u00e8s facilement. Je ne suis jamais repartie. Le statut de r\u00e9fugi\u00e9e politique reste tout m\u00eame tr\u00e8s difficile \u00e0 obtenir. Depuis que je suis arriv\u00e9e, j\u2019ai des rendez-vous presque quotidiens pour l’avoir.<\/p>\n Pourquoi avez-vous pris la d\u00e9cision de ne pas rentrer ?<\/strong><\/p>\n C\u2019est une d\u00e9cision que j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 prise avant mon d\u00e9part. J\u2019ai quitt\u00e9 mon pays pour plusieurs raisons, mais principalement pour des raisons politiques. Au Soudan, \u00e0 cause de mon militantisme, j\u2019ai \u00e9t\u00e9 emprisonn\u00e9e \u00e0 plusieurs reprises. Je recevais des menaces de mort presque quotidiennes. Le gouvernement a essay\u00e9 de me tuer plus d\u2019une fois. Je n\u2019avais pas d\u2019autre choix que de partir.<\/p>\n Qu\u2019est-ce qui vous a pouss\u00e9 \u00e0 entrer dans l\u2019activisme politique ?<\/strong><\/p>\n Beaucoup de choses. Depuis tr\u00e8s petite, j\u2019ai vu la situation des femmes empirer \u00e0 cause de l\u2019arriv\u00e9e au pouvoir d\u2019un dictateur islamiste(1). Mais ce n\u2019est que plus tard, gr\u00e2ce \u00e0 mes quatre ann\u00e9es d\u2019\u00e9tudes en \u00e9conomie et sciences politiques, que je me suis r\u00e9ellement rendue compte de la situation tr\u00e8s grave de mon pays.<\/p>\n Vous \u00eates une militante f\u00e9ministe. Que vivent les femmes soudanaises aujourd\u2019hui ?<\/strong><\/p>\n Les femmes de mon pays n\u2019ont que tr\u00e8s peu de droits. A cela s\u2019ajoutent toutes les contraintes de la loi islamique, la Charia. Apr\u00e8s des ann\u00e9es de lutte, les femmes ont r\u00e9ussi \u00e0 obtenir quelques avanc\u00e9es vers une plus grande \u00e9galit\u00e9. Par exemple, nous avons obtenu une certaine \u00e9galit\u00e9 salariale. Mais il reste \u00e9norm\u00e9ment d\u2019injustices. Cela fait tr\u00e8s longtemps que les femmes se battent au Soudan, et la plupart des grandes avanc\u00e9es sociales ont \u00e9t\u00e9 gagn\u00e9es gr\u00e2ce \u00e0 elles.<\/p>\n Les femmes ont une place primordiale dans le conflit actuel. Il est facile de comprendre pourquoi : elles souffrent au sein de la famille et au travail. Elles sont constamment opprim\u00e9es.<\/p>\n Quelles formes prenait votre militantisme au Soudan ?<\/strong><\/p>\n Au d\u00e9part, mon militantisme n\u2019\u00e9tait pas particuli\u00e8rement concentr\u00e9 sur l\u2019\u00e9galit\u00e9 des sexes. Mon activisme politique a d\u00e9marr\u00e9 \u00e0 la suite d\u2019une augmentation tr\u00e8s importante du co\u00fbt des produits de premi\u00e8re n\u00e9cessit\u00e9 et du co\u00fbt de la vie en g\u00e9n\u00e9ral. Les prix ont explos\u00e9. C\u2019est un peu plus tard, il y a quelques ann\u00e9es, que j\u2019ai cr\u00e9\u00e9 une association f\u00e9ministe pour lutter pour les droits des femmes, \u00abNo to Women\u2019s Oppression.\u00bb<\/p>\n Continuez-vous \u00e0 militer depuis Paris ?<\/strong><\/p>\n Oui, absolument. Je suis en contact quotidien avec les femmes de l\u2019association. Le contexte est particuli\u00e8rement difficile en ce moment. Par exemple, la leadeuse de la r\u00e9bellion, Alaa Salah, a \u00e9t\u00e9 emprisonn\u00e9e pendant quatre mois. Mais nous r\u00e9ussissons tout de m\u00eame \u00e0 organiser des manifestations. Les femmes sur place ont notamment eu un r\u00f4le essentiel dans le sit-in (2).<\/p>\n Le gouvernement utilise tous les moyens pour r\u00e9primer cette r\u00e9bellion. Est-il particuli\u00e8rement violent contre les femmes mobilis\u00e9es ?<\/strong><\/p>\n C\u2019est certain ! Cet immense investissement des femmes dans la mobilisation terrifie le pouvoir en place, qui utilise tous les moyens pour nous emp\u00eacher d’y participer. La police n\u2019h\u00e9site pas \u00e0 violer les femmes, m\u00eame les femmes m\u00e9decins qui soignent les civil.es. Le gouvernement diffuse une s\u00e9rie de mensonges sur les femmes rebelles pour salir leur r\u00e9putation, notamment que ce sont des femmes qui couchent \u00e0 droite \u00e0 gauche avec beaucoup d\u2019hommes. Toutes ces strat\u00e9gies visent \u00e0 nous faire peur, on veut nous confiner \u00e0 la maison et nous emp\u00eacher d\u2019aller manifester.<\/p>\n Que souhaiteriez-vous que les Europ\u00e9en.nes connaissent sur le conflit au Soudan ?<\/strong><\/p>\n En Europe, les gens sont tr\u00e8s peu inform\u00e9s sur la guerre civile. La fin du sit-in a \u00e9t\u00e9 un massacre. C\u2019est un vrai g\u00e9nocide. Personne ne le dit. Depuis deux semaines, il n\u2019y a plus internet, plus de reporter.es \u00e9tranger.es, donc l\u2019information ne circule plus. Pourtant, tout le monde devrait savoir ce qu\u2019il se passe : des manifestant.es ont \u00e9t\u00e9 br\u00fbl\u00e9.es, tu\u00e9.es par balle. Leurs corps sont jet\u00e9s dans le Nil. Un nombre incalculable de personnes ont disparu, et il est tr\u00e8s difficile m\u00eame pour les gens sur place de savoir ce qui leur est arriv\u00e9. Au sein de notre association, trois femmes ont \u00e9t\u00e9 tu\u00e9es.<\/p>\n Pensez-vous qu\u2019une r\u00e9solution positive de ce conflit soit encore possible ?<\/strong><\/p>\n Les choses qui se sont pass\u00e9es ces derniers jours sont atroces pour le peuple soudanais. Mais le changement que l\u2019on esp\u00e8re obtenir est un changement radical, et malheureusement il faut en payer le prix par le sang et par les morts.<\/p>\n L\u2019objectif de r\u00e9ussir \u00e0 cr\u00e9er les conditions pour un avenir meilleur est la seule chose qui nous donne espoir et maintient notre engagement.<\/p>\n <\/p>\n Propos recueillis par L\u00e9onor Gu\u00e9noun, 50-50 Magazine<\/strong><\/p>\n 1. Omar el-Beshir arrive au pouvoir au Soudan en 1989 apr\u00e8s avoir organis\u00e9 un coup d\u2019Etat. Tr\u00e8s rapidement\u00a0en tant que Chef d\u2019Etat, il supprime les partis politiques et instaure la loi un code national l\u00e9gal islamique.<\/p>\n 2. Le 6 avril 2018, les manifestant.es soudanais.es ont d\u00e9but\u00e9 un sit-in pacifique devant les b\u00e2timents du Conseil Militaire pour protester contre l’arriv\u00e9e de l’arm\u00e9e au pouvoir. Le 3 juin, les forces arm\u00e9es ont d\u00e9log\u00e9s les militant.es de mani\u00e8re tr\u00e8s violente, causant plus de 128 morts.<\/p>\n Un grand remerciement \u00e0 Hamdi, lui aussi r\u00e9fugi\u00e9 soudanais, qui a \u00e9t\u00e9 notre interpr\u00e8te.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Rashida Shemseldin est une r\u00e9fugi\u00e9e soudanaise. Militante f\u00e9ministe et activiste politique, elle a \u00e9t\u00e9 contrainte de fuir son pays en septembre 2018, et d\u2019abandonner ses proches, pour sauver sa propre vie. Depuis Paris, o\u00f9 elle essaye depuis des mois d\u2019obtenir le statut de r\u00e9fugi\u00e9e politique, Rashida Shemseldin continue de militer quotidiennement. Elle raconte son exp\u00e9rience […]<\/p>\n","protected":false},"author":13,"featured_media":0,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[234,117,49],"tags":[53,10,14],"yoast_head":"\n