{"id":25944,"date":"2018-05-25T08:59:49","date_gmt":"2018-05-25T06:59:49","guid":{"rendered":"http:\/\/www.50-50magazine.fr\/?p=25944"},"modified":"2019-06-12T17:30:49","modified_gmt":"2019-06-12T15:30:49","slug":"melanie-siehen-parfois-il-y-a-des-femmes-dont-la-seule-demande-est-de-pouvoir-deposer-la-souffrance-quelles-ressentent","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.50-50magazine.fr\/2018\/05\/25\/melanie-siehen-parfois-il-y-a-des-femmes-dont-la-seule-demande-est-de-pouvoir-deposer-la-souffrance-quelles-ressentent\/","title":{"rendered":"M\u00e9lanie Siehen : "Parfois, il y a des femmes dont la seule demande est de pouvoir d\u00e9poser la souffrance qu\u2019elles ressentent""},"content":{"rendered":"
Nous sommes en Seine et Marne qui compose presque 50 % de la surface de la r\u00e9gion Ile de France, et pourtant les r\u00e9alit\u00e9s sociales de ce d\u00e9partement, dont les violences conjugales font parties, sont m\u00e9connues. L\u2019association Solidarit\u00e9 Femmes Le Relais 77 est en premi\u00e8re ligne pour le sud de la Seine et Marne dans l\u2019accompagnement et l\u2019h\u00e9bergement des femmes victimes de violences. M\u00e9lanie Siehen, sa directrice depuis 2011, expose les sp\u00e9cificit\u00e9s de la lutte contre les violences conjugales dans cette r\u00e9gion situ\u00e9e entre ruralit\u00e9 et extension urbaine.<\/strong> Nous sommes en Seine et Marne qui compose presque 50 % de la surface de la r\u00e9gion Ile de France, et pourtant les r\u00e9alit\u00e9s sociales de ce d\u00e9partement, dont les violences conjugales font parties, sont m\u00e9connues. L\u2019association Solidarit\u00e9 Femmes Le Relais 77 est en premi\u00e8re ligne pour le sud de la Seine et Marne dans […]<\/p>\n","protected":false},"author":2,"featured_media":0,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[117,197,230],"tags":[84,14],"yoast_head":"\n
\nComment est n\u00e9e l\u2019association et \u00e0 quels besoins r\u00e9pond-elle ?<\/strong>
\nL\u2019Association a une histoire atypique dans le monde f\u00e9ministe des associations, puisque ce sont les \u00e9lu.e.s de la ville nouvelle de Melun-S\u00e9nart qui ont cr\u00e9\u00e9 en 1985 une premi\u00e8re structure d\u2019h\u00e9bergement pour de femmes en difficult\u00e9s pour la r\u00e9gion de Melun sous l\u2019impulsion de Line Magne, l\u2019actuelle maire de Moissy Cramayel, qui \u00e9tait \u00e0 l\u2019\u00e9poque la directrice du syndicat d\u2019agglom\u00e9rations nouvelles. L\u2019\u00e9quipe en place au d\u00e9but avait remarqu\u00e9 que beaucoup de femmes qu\u2019elles recevaient avaient subi des violences conjugales et d\u00e9cide de se sp\u00e9cialiser dans l\u2019accueil des femmes victimes de violences conjugales. La structure, Le Relais 77, a, de ce fait, adh\u00e9r\u00e9 \u00e0 la F\u00e9d\u00e9ration Nationale Solidarit\u00e9 Femmes (FNSF) pour \u00e9changer sur les pratiques et la probl\u00e9matique des violences contre les femmes.
\nAu d\u00e9part cette structure n\u2019\u00e9tait pas une association, elle \u00e9tait un service de la collectivit\u00e9 territoriale. Le Relais 77 est devenu association en 1996 et autonome en 2000. L\u2019association s\u2019est sp\u00e9cialis\u00e9 dans la lutte contre les violences conjugales.
\nEn 2006, la direction D\u00e9partementale des Affaires Sanitaires et sociales de la D\u00e9l\u00e9gation D\u00e9partementale aux Droits des Femmes demande la cr\u00e9ation d\u2019un deuxi\u00e8me \u00e9tablissement pour couvrir les besoins du sud du d\u00e9partement zone tr\u00e8s rurale de l\u2019Ile de France. C\u2019est ainsi que la Maison des Femmes- le Relais s\u2019installe \u00e0 Montereau au centre d\u2019une zone qui s\u2019\u00e9tend de Provins \u00e0 Fontainebleau. C\u2019\u00e9tait un territoire compl\u00e8tement d\u00e9pourvu de structures d’aide aux femmes, celles qui sont venues avaient plus de 30 ans de violences derri\u00e8re elles. On a constat\u00e9 des violences graves, parfois avec des maris chasseurs pr\u00e9sence d\u2019armes \u00e0 la maison, etc.
\nComment les femmes prennent-elles contact avec vous et quels sont les situations qui les conduisent \u00e0 vous ?<\/strong>
\nEn g\u00e9n\u00e9ral le premier contact est avec la permanence t\u00e9l\u00e9phonique. Il y a une premi\u00e8re \u00e9coute, puis il leur est propos\u00e9 un accueil \u00e9coute-orientation. Elles seront re\u00e7ues par deux personnes de l\u2019\u00e9quipe \u00e9ducative, qui vont aussi \u00e9valuer le danger et les accompagner dans ce qu\u2019elles souhaiteront mettre en place. Parfois, il y a des femmes dont la seule demande est de pouvoir d\u00e9poser la souffrance qu\u2019elles ressentent. Il y en a d\u2019autres qui se rendent compte que cela ne peut plus durer et ont un projet de s\u00e9paration du conjoint violent.
\nOn les informe sur leurs droits et sur toutes les d\u00e9marches qu\u2019elles vont entreprendre, d\u00e9p\u00f4t de plainte, avoir un.e avocat.e, trouver un m\u00e9decin pour faire les certificats, et toutes les d\u00e9marches qui leur permettront d\u2019acter la s\u00e9paration.
\nEnsuite on a diff\u00e9rents dispositifs de mise en s\u00e9curit\u00e9, mise en h\u00e9bergement.
\nNotre association, avec nos deux \u00e9tablissements, est r\u00e9f\u00e9rente sur les violences sur la moiti\u00e9 sud du d\u00e9partement.
\nParfois, il y a des femmes qui ne se rendent pas compte qu\u2019il y a violence conjugale. Par exemple s\u2019il n\u2019y a pas de violences physiques, elles n\u2019ont pas conscience que ce qu\u2019elles vivent est de la violence conjugale. Notre travail c\u2019est de les aider \u00e0 prendre conscience qu\u2019elles ne sont pas responsables de ce qui leur arrive, parce que beaucoup ont une culpabilit\u00e9, c\u2019est parce que je ne suis pas assez comme ci ou comme \u00e7a. La strat\u00e9gie de l\u2019auteur des violences est de renverser la culpabilit\u00e9 sur la femme et le moindre pr\u00e9texte va \u00eatre utilis\u00e9 pour faire passer le passage \u00e0 l\u2019acte violent. Lui il va se justifier et faire porter la responsabilit\u00e9 sur elle, en disant par exemple, \u00ab moi je suis tr\u00e8s stress\u00e9 en ce moment et quand j\u2019arrive \u00e0 la maison et que le m\u00e9nage n\u2019est pas fait, que le repas n\u2019est pas pr\u00eat, tu comprends je p\u00e8te\u00a0un plomb<\/em>. \u00bb La femme se dit alors qu\u2019elle aurait d\u00fb faire plus. Mais de toute fa\u00e7on, \u00e7a ne va jamais.\u00a0 Le moindre pr\u00e9texte va \u00eatre utilis\u00e9 pour justifier le passage \u00e0 l\u2019acte violent. Au final, c\u2019est tout cela que nous allons d\u00e9cortiquer avec elle pour qu\u2019elle finisse par prendre conscience que le responsable ce n\u2019est pas elle mais lui et que ce qui leur arrive, arrive \u00e0 une femme sur 10. Si leur histoire leur est singuli\u00e8re, c\u2019est la m\u00eame histoire pour 10% des femmes dans notre pays.
\nQue faudrait-il faire pour am\u00e9liorer la lutte contre les violences conjugales ?<\/strong>
\nDans un premier temps, il faudrait que la justice reconnaisse les femmes victimes de violences. J\u2019ai fait une \u00e9tude l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re sur toutes les femmes que nous avons h\u00e9berg\u00e9 en 2016 seulement 2\/3 avaient d\u00e9pos\u00e9 plainte contre l\u2019auteur des violences. D\u00e9j\u00e0 un 1\/3 n\u2019ont pas \u00e9t\u00e9 condamn\u00e9s par la justice. En 2016, on a eu 49 femmes qui ont d\u00e9pos\u00e9 plainte et seulement 7 plaintes ont \u00e9t\u00e9 suivies, 42 femmes n\u2019ont pas eu de suite \u00e0 leur plainte. Donc la justice s\u2019est prononc\u00e9e pour un petit nombre d\u2019entre elles. Donc la justice ne suit pas.
\nLa justice doit reconna\u00eetre qu\u2019il y a une victime et un coupable.
\nNous avons fait un travail avec la justice. Nous qui connaissons l\u2019histoire des femmes puisque nous les suivons, quand nous avons acc\u00e8s \u00e0 la plainte, nous nous apercevons que dans la plainte il y a 10 % de ce qu\u2019elles ont v\u00e9cu. Le procureur se saisit sur la base de ce qu\u2019il y a dans la plainte, mais si la plainte ne d\u00e9crit pas tout, il n\u2019y a pas assez d\u2019\u00e9l\u00e9ments pour donner suite. Nous souhaitons am\u00e9liorer notre accompagnement aux femmes, au moment du d\u00e9p\u00f4t de plainte.
\nNous intervenons aussi en direction des partenaires en faisant des formations, depuis 2004, parce qu\u2019il y a une m\u00e9connaissance quasi g\u00e9n\u00e9rale de ce que sont les violences. Nous nous sommes dit que pour que la justice se saisissent des dossiers, pour que les femmes soient accueillies correctement dans les commissariats, pour que lorsqu’une femme va faire une demande de logement on puisse identifier que derri\u00e8re il y a une situation de violence conjugale, pareil dans l\u2019emploi. Nous nous sommes dit qu\u2019il fallait une culture commune contre les violences conjugales bien plus importante qu\u2019elle l’est aujourd’hui et donc nous avons propos\u00e9 de la formation \u00e0 tous les professionnels de tous secteurs.
\nQuelles sont les difficult\u00e9s sp\u00e9cifiques que rencontrent les femmes victimes de violence en milieu rural ?<\/strong>
\nC\u2019est le paradoxe que je mets en avant. Dans un village, tout le monde se connait.
\nEntreprendre des d\u00e9marches en toute discr\u00e9tion est beaucoup plus compliqu\u00e9. Et puis l\u2019homme peut \u00eatre une personne consid\u00e9r\u00e9e comme \u00e9tant tr\u00e8s avenante, tr\u00e8s sympathique. Souvent, nous avons eu des femmes qui nous ont dit, \u00ab si vous connaissiez mon mari vous ne me croiriez pas.<\/em> \u00bb
\nC\u2019est beaucoup plus compliqu\u00e9 pour les femmes dans les secteurs ruraux de faire appel \u00e0 nous pour des questions pratiques et de mobilit\u00e9. Pour venir nous rencontrer du fin fond de la Seine et Marne, il faut qu\u2019elles viennent \u00e0 Montereau, cela veut dire qu\u2019il faut avoir un moyen de transport, il faut avoir le temps de faire ce d\u00e9placement. Les femmes victimes de violences conjugales sont souvent contr\u00f4l\u00e9es dans leur d\u00e9placement, s\u2019il y a 45 minutes aller et 45 minutes retour, plus le temps de l\u2019entretien cela prend la demi journ\u00e9e, et c\u2019est compliqu\u00e9.
\nNous assurons des permanences \u00e0 Provins, Nemours, Fontainebleau de fa\u00e7on \u00e0 aller au plus pr\u00e8s.
\nC\u2019est pour ces femmes une difficult\u00e9 suppl\u00e9mentaire. Elles sont beaucoup plus isol\u00e9es si elles veulent entreprendre une d\u00e9marche, par exemple si la permanence est \u00e0 la mairie le mardi matin si des gens les voit entrer, elles seront rep\u00e9r\u00e9es. Parfois, elles pr\u00e9f\u00e8rent ne rien faire car elles sont trop rep\u00e9rables dans le village o\u00f9 elles habitent.
\nCela nous oblige \u00e0 adapter notre mode de fonctionnement. Par exemple si nous avons une femme de Nemours, nous ne pouvons pas l\u2019h\u00e9berger sur notre centre de Nemours, elle peut \u00eatre trop facilement reconnue, et la nouvelle rapport\u00e9e au mari violent, m\u00eame de fa\u00e7on innocente.
\nAinsi nous avons un secteur d\u2019h\u00e9bergement tr\u00e8s grand pour justement essayer de garantir leur s\u00e9curit\u00e9 dans les lieux o\u00f9 elles vont \u00eatre h\u00e9berg\u00e9es. Pour l\u2019\u00e9quipe ,les temps de d\u00e9placement sont tr\u00e8s importants, quand il faut aller \u00e0 Provins ou Nemours, les distances sont grandes.
\nL\u2019\u00e9quipe est de 41 salari\u00e9es et nous pourrions \u00eatre 45.\u00a0 Nous l\u2019avons \u00e9t\u00e9 en 2016.
\nUn r\u00e9cent rapport demande \u00ab ou est l\u2019argent pour les droits des femmes ? \u00bb qu\u2019en est-il du financement du Relais 77 ?<\/strong>
\nLa r\u00e9gion nous avait bien soutenues de 2012 \u00e0 2014. Nous avons \u00e9t\u00e9 financ\u00e9s dans le cadre d\u2019une convention triennale avec 50 000 \u20ac par an pendant 3 ans et puis cette convention est arriv\u00e9e \u00e0 \u00e9ch\u00e9ance et elle n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 renouvel\u00e9 par la nouvelle pr\u00e9sidente de r\u00e9gion? Val\u00e9rie P\u00e9cresse.
\nNous avons r\u00e9pondu \u00e0 des appels \u00e0 projet en 2015 et avons re\u00e7u un petit montant, mais en 2016 plus rien, z\u00e9ro \u20ac, l\u2019ann\u00e9e m\u00eame o\u00f9 les violences conjugales \u00e9taient la grande cause r\u00e9gionale.
\nJ\u2019ai alert\u00e9 Madame P\u00e9cresse d\u2019autant qu\u2019elle \u00e9tait venue nous rencontrer \u00e0 l\u2019union r\u00e9gionale Solidarit\u00e9 Femmes au moment de la campagne \u00e9lectorale nous disant que ce n\u2019\u00e9tait pas une bonne chose d\u2019\u00eatre financ\u00e9 par appel \u00e0 projet car cela rendait les financements trop incertains et qu\u2019il fallait que nos associations soient financ\u00e9es de fa\u00e7on p\u00e9renne.
\nJ\u2019ai donc fait un courrier a madame P\u00e9cresse en 2017, puisqu\u2019en 2016 \u00e0 la suite \u00e0 la suppression de financements et une demande croissante, nous avions atteint un d\u00e9ficit de 250 000 \u20ac.
\nNous avons aussi des charges qui augmentent, les charges d\u2019h\u00e9bergement avec augmentation des loyers, des couts de l\u2019\u00e9nergie, etc.
\nNous avons aussi perdu les fonds sociaux europ\u00e9ens. Dans la pr\u00e9c\u00e9dente programmation, il y avait un axe sur la r\u00e9insertion professionnelle des femmes victimes de violences conjugales qui n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 repris dans la nouvelle programmation. Ce qui a entra\u00een\u00e9 un licenciement \u00e9conomique de la charg\u00e9e d\u2019insertion professionnelle. Pour la premi\u00e8re fois dans l\u2019histoire de notre association nous avons licenci\u00e9 pour un tel motif une salari\u00e9e qui a 55 ans et qui un an apr\u00e8s le licenciement est aujourd\u2019hui sur le carreau.
\nSachant que l\u2019insertion professionnelle est une des conditions pour sortir durablement des violences conjugales sans emploi;\u00a0 les femmes sans emploi n\u2019ont pas d\u2019ind\u00e9pendance financi\u00e8re.\u00a0 L\u2019absence d\u2019emploi stable est une des raisons pour rester sous la domination du conjoint violent.
\nEn 2017 nous avons retrouv\u00e9 quelques fonds r\u00e9gionaux et pour 2018 nous avons une subvention de 34000 \u20ac de la r\u00e9gion pour la formation des professionnelles. Nous ne sommes pas revenues \u00e0 la hauteur de ce que nous avions.
\nEn 2017 nos financements droits des femmes de la D\u00e9l\u00e9gation R\u00e9gionale aux Droits des Femmes ont diminu\u00e9.
\nJ\u2019ai pour habitude de dire qu\u2019\u00e0 partir du 15 novembre je commence \u00e0 me d\u00e9tendre parce que c\u2019est \u00e0 cette date que j\u2019ai des r\u00e9ponses \u00e0 mes demandes de financements.
\n
\nPropos recueillis par Brigitte Marti 50-50 magazine<\/strong>
\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"