En Indiana, une jeune femme de 32 ans, Purvi Partel, vient d\u2019\u00eatre reconnue coupable de deux chefs d\u2019accusation contradictoires\u00a0; d\u2019abord d\u2019avoir tu\u00e9 son f\u0153tus (f\u0153ticide) et ensuite d\u2019avoir maltrait\u00e9 une personne \u00e0 charge, en l\u2019occurrence son b\u00e9b\u00e9. Comment est-ce possible\u00a0?<\/p>\n
En Juillet 2013, Purvi Patel a \u00e9t\u00e9 admise \u00e0 l\u2019h\u00f4pital pour des saignements vaginaux abondants. Elle n\u2019ose pas dire qu\u2019elle vient d\u2019expulser un b\u00e9b\u00e9 mort-n\u00e9. Imm\u00e9diatement, l\u2019h\u00f4pital rapporte le fait \u00e0 la police. La conversation avec l\u2019inspecteur de police sera enregistr\u00e9e. Il est clair que Purvi Patel veut expliquer ce qui s\u2019est pass\u00e9 et n\u2019a aucune intention de cacher quoi que ce soit. L\u2019officier lui dit m\u00eame qu\u2019aucune charge ne p\u00e8se contre elle. Elle explique qu\u2019elle ne se savait pas enceinte jusqu’\u00e0 quelques semaines auparavant. Elle ne veut pas parler du p\u00e8re. Il est clair qu\u2019il ne s\u2019agissait pas d\u2019une grossesse voulue. Et puis elle dit que \u00abtout est sorti\u00bb et qu\u2019elle a pris peur.<\/p>\n
Puis, la police saisit son t\u00e9l\u00e9phone portable et trouve un SMS envoy\u00e9 \u00e0 une amie qui disait son intention de se procurer des drogues abortives \u00e0 Hong Kong. L\u2019enqu\u00eate n\u2019a jamais \u00e9tabli clairement si elle avait pris ces m\u00e9dicaments ou non.
\nDurant cette m\u00eame interview, elle pr\u00e9cise qu\u2019elle a mis le corps dans un sac plastique qu’elle a jet\u00e9 dans une poubelle. Elle se pensait enceinte de 2 ou 3 mois, mais apr\u00e8s expertise, le f\u0153tus\u00a0avait entre 20 et 30 semaines. Ces dates sont importantes pour la police qui cherche \u00e0 punir une femme apr\u00e8s une fausse couche. Le f\u0153tus est souvent consid\u00e9r\u00e9 viable avec lourde assistance m\u00e9dicale en dehors du ventre de sa m\u00e8re \u00e0 partir de 23 semaines ce qui nourrit l\u2019argument qu\u2019il devient une personne \u00e0 part enti\u00e8re. Les lois dites f\u0153ticides peuvent \u00eatre ainsi utilis\u00e9es contre les femmes ayant fait des fausses couches.<\/p>\n
LES LOIS FOETICIDES CONTRE LE DROIT DES FEMMES A DISPOSER DE LEUR CORPS<\/strong><\/p>\n
Les lois f\u0153ticides existent dans 38 \u00c9tats. Ce sont des lois perverses, qui sous couvert de prot\u00e9ger les femmes enceintes des violences de leur conjoint pendant leur grossesse ainsi que des abus des avorteurs ill\u00e9gaux, permettent \u00e0 l\u2019\u00c9tat de d\u00e9poss\u00e9der la femme de son statut d\u2019\u00eatre humain capable de d\u00e9cider de son sort lorsqu’elle est enceinte. Ces lois donnent un statut de personne au f\u0153tus\u00a0lui conf\u00e9rant plus de droits que la femme qui le porte. Cette derni\u00e8re peut \u00eatre alors poursuivie pour fausse couche, accouchement d\u2019un mort n\u00e9, etc.<\/p>\n
Certain-e-s pr\u00e9tendent que ces lois n\u2019\u00e9taient pas destin\u00e9es \u00e0 punir les femmes enceintes, mais il semble na\u00eff de croire qu\u2019une loi qui traite du f\u0153tus comme d\u2019un \u00eatre ind\u00e9pendant peut avoir valeur de protection pour la femme enceinte. Il s\u2019agit plut\u00f4t d\u2019instituer un autre niveau de surveillance \u00e0 l\u2019encontre des femmes.
\nLors de son proc\u00e8s, Purvi Partel est rest\u00e9e silencieuse, beaucoup ont parl\u00e9 pour elle, y compris ses parents. La diffusion de l’interrogatoire de police sera en fait le seul moment o\u00f9 les jur\u00e9s pourront entendre sa voix.
\nLes m\u00e9dias locaux ont insist\u00e9 sur des d\u00e9tails sordides comme le sexe de son f\u0153tus\u00a0ou le fait que le corps avait \u00e9t\u00e9 jet\u00e9 dans un sac plastique focalisant l\u2019attention sur le f\u0153tus\u00a0comme victime d\u2019un crime. Mais personne n\u2019a pos\u00e9 les questions qui comptent.<\/p>\n
Pourquoi a-t-elle \u00e9t\u00e9 \u00e0 ce point isol\u00e9e\u00a0? Est-ce parce qu\u2019elle vient d\u2019une famille tr\u00e8s conservatrice avec un p\u00e8re qui affirme son contr\u00f4le sur la vie sexuelle de sa fille\u00a0? Ou est-ce parce que dans l\u2019\u00c9tat tr\u00e8s conservateur de l\u2019Indiana, les femmes qui veulent avorter sont diabolis\u00e9es et que les femmes qui perdent leur f\u00e9tus peuvent \u00eatre envoy\u00e9es en prison\u00a0?<\/p>\n
JUSTICE PARTIALE, ARGENT PUBLIC GACHE\u00a0: L’ETAT DE L’INDIANA EN CAUSE<\/strong><\/p>\n
L\u2019\u00c9tat de l\u2019Indiana n\u2019en n\u2019\u00e9tait pas \u00e0 son premier coup d\u2019essai en la mati\u00e8re.<\/p>\n
En 2010, Bei Bei Shuan, une jeune femme enceinte de 33 ans a tent\u00e9 de mettre fin \u00e0 ses jours \u00e0 la suite de sa s\u00e9paration brutale avec le p\u00e8re du b\u00e9b\u00e9. Elle fut sauv\u00e9e, mais pas son enfant. L\u2019\u00c9tat de l\u2019Indiana l\u2019a donc accus\u00e9e de f\u0153ticide. Apr\u00e8s 435 jours d\u2019incarc\u00e9ration, elle fut lib\u00e9r\u00e9e sous caution.
\nCette fois, pour Purvi Patel, rien ne devait \u00eatre laiss\u00e9 au hasard afin d’obtenir une condamnation exemplaire. Pour la s\u00e9lection du jury, la juge a convoqu\u00e9 trois fois plus de personnes que pour le proc\u00e8s d\u2019un crime violent. Pr\u00e9textant que ce proc\u00e8s n\u2019\u00e9tait pas li\u00e9 \u00e0 l\u2019avortement, la juge n\u2019a pas exclu les jur\u00e9-e-s potentiel-le-s qui avaient d\u00e9clar\u00e9 leur opposition \u00e0 l\u2019avortement.
\nApr\u00e8s sept jours de d\u00e9bats, Purvi Patel a \u00e9t\u00e9 reconnue coupable de ces deux chefs d\u2019accusation sans qu\u2019aucune preuve\u00a0n\u2019ait pu \u00e9tablir qu’elle avait pris des drogues abortives ou que le b\u00e9b\u00e9 \u00e9tait n\u00e9 vivant. Mais la cour n\u2019en n\u2019\u00e9tait pas \u00e0 une contradiction pr\u00e8s\u00a0: Purvi Patel devait \u00eatre condamn\u00e9e publiquement. La sentence sera rendue dans un mois et peut aller de 6 \u00e0 50 ans de prison.<\/p>\n
La d\u00e9pression de Bei Bei Shuan n\u2019\u00e9tait pas au centre des pr\u00e9occupation de l\u2019\u00c9tat\u00a0; la d\u00e9tresse de Purvi Patel apr\u00e8s sa fausse couche ne r\u00e9clamait aucune autre attention qu\u2019une poursuite en justice ! L\u2019argent public qui a \u00e9t\u00e9 engag\u00e9 dans ces poursuites judiciaires, tr\u00e8s m\u00e9diatis\u00e9es, et qui est aussi d\u00e9pens\u00e9 pour l\u2019emprisonnement de ces femmes, qui sont des femmes de couleur, serait bien mieux utilis\u00e9 \u00e0 fournir les moyens n\u00e9cessaires pour veiller au respect des droits sexuels et reproductifs et permettre aux femmes d\u2019avoir acc\u00e8s aux soins n\u00e9cessaires.<\/p>\n
En Indiana comme dans 37 autres \u00c9tats, les femmes enceintes sont sous haute surveillance et les risques d\u2019emprisonnement sont r\u00e9els, en particulier lorsqu\u2019elles sont pauvres et\/ou de couleur.<\/p>\n
Brigitte Marti 50-50 magazine collaboratrice USA\u00a0<\/strong><\/p>\n
Dessins Pierre Colin-Thibert<\/strong><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
Alors que le \u00a0114\u00e8me congr\u00e8s am\u00e9ricain,\u00a0nouvellement \u00e9lu s’est fortement droitis\u00e9, avec une majorit\u00e9 r\u00e9publicaine venue du Tea Party, les droits sexuels et reproductifs continuent a \u00eatre mis \u00e0 mal \u00c9tat par \u00c9tat. En Indiana, une jeune femme de 32 ans, Purvi Partel, vient d\u2019\u00eatre reconnue coupable de deux chefs d\u2019accusation contradictoires\u00a0; d\u2019abord d\u2019avoir tu\u00e9 son […]<\/p>\n","protected":false},"author":5,"featured_media":20012,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[69,124],"tags":[32],"yoast_head":"\n