Dans son dernier livre Un quart en moins, des femmes se battent pour en finir avec les in\u00e9galit\u00e9s de salaires<\/em>, pr\u00e9fac\u00e9 par Michelle Perrot, Rachel Silvera, \u00e9conomiste, universit\u00e9 Paris X Nanterre, membre du r\u00e9seau MAGE (march\u00e9 du travail et genre) et du Conseil sup\u00e9rieur \u00e0 l’\u00e9galit\u00e9 professionnelle revient sur l’histoire des salaires f\u00e9minins et donne la parole \u00e0 des travailleuses.<\/strong><\/p>\n Parle-t-on encore de salaire d\u2019appoint aujourd’hui\u00a0?<\/strong> Que font les syndicats sur la question des in\u00e9galit\u00e9s salariales ?<\/strong> Quelles sont vos propositions pour que l’\u00e9galit\u00e9 salariale avance ?<\/strong> Justement, les t\u00e9moignages que vous relatez dans votre livre sont tr\u00e8s forts, parlez-nous de ceux qui vous ont le plus touch\u00e9.<\/strong> Propos recueillis par Caroline Flepp, 50-50 magazine<\/strong><\/p>\n Rachel Silvera. Un quart en moins\u00a0: des femmes se battent pour en finir avec les in\u00e9galit\u00e9s salariales<\/em>. Ed La d\u00e9couverte 2014.<\/p>\n Article publi\u00e9 le 4 d\u00e9cembre 2014<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Dans son dernier livre Un quart en moins, des femmes se battent pour en finir avec les in\u00e9galit\u00e9s de salaires, pr\u00e9fac\u00e9 par Michelle Perrot, Rachel Silvera, \u00e9conomiste, universit\u00e9 Paris X Nanterre, membre du r\u00e9seau MAGE (march\u00e9 du travail et genre) et du Conseil sup\u00e9rieur \u00e0 l’\u00e9galit\u00e9 professionnelle revient sur l’histoire des salaires f\u00e9minins et donne […]<\/p>\n","protected":false},"author":5,"featured_media":19776,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[117,4,19],"tags":[5,38,6],"yoast_head":"\n
\nOn ne parle plus de salaire d’appoint aujourd’hui mais certains y pensent encore. Il y a toujours des st\u00e9r\u00e9otypes qui jouent. Plus ou moins consciemment, on s’appuie sur l\u2019histoire qui consistait \u00e0 dire qu’il \u00e9tait \u00ab\u00a0normal\u00a0\u00bb de ne pas payer autant les femmes que les hommes. Dans toute notre histoire, l’id\u00e9e est ancr\u00e9e que l’autonomie financi\u00e8re n’est pas indispensable \u00e0 une femme puisque derri\u00e8re elle, il y a toujours un homme – son p\u00e8re ou son mari – pour subvenir \u00e0 ses besoins. De la norme sociale qu’est le mariage, on a fait une norme \u00e9conomique g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e, alors m\u00eame que de nombreuses femmes ne vivent que de leur salaire.
\nC\u2019est le cas par exemple du travail \u00e0 temps partiel court, celui que subissent de nombreuses femmes dans le nettoyage ou le commerce\u00a0: on estime que ce n’est pas grave que ces femmes re\u00e7oivent la moiti\u00e9 du SMIC par mois car elles ont s\u00fbrement un mari. Or parmi elles, beaucoup sont en r\u00e9alit\u00e9 \u00ab\u00a0cheffes de famille\u00a0\u00bb et \u00e9l\u00e8vent seules leurs enfants. Elles ont bien souvent du mal \u00e0 s\u2019en sortir et sont proches ou en dessous des seuils de pauvret\u00e9.
\nIl existe encore des sous-entendus sur l’id\u00e9e les femmes ne travaillent pas \u00e0 part enti\u00e8re. Les femmes ont des \u00ab\u00a0comp\u00e9tences naturelles\u00a0\u00bb, \u00e0 quoi bon les payer plus\u00a0!<\/p>\n
\nLes syndicats ont un r\u00f4le essentiel \u00e0 jouer, en impulsant des n\u00e9gociations sur l\u2019\u00e9galit\u00e9, en soutenant individuellement des femmes en cas de discrimination salariale. Bien s\u00fbr c\u2019est difficile, car il faut que l\u2019\u00e9galit\u00e9 soit reconnue comme un vrai enjeu syndical et que les femmes prennent toutes leurs places dans ces organisations.
\nOn peut dire qu\u2019il y a eu des progr\u00e8s importants, mais encore insuffisants. Ainsi, aujourd’hui il existe dans toutes les organisations syndicales des commissions femmes\u00a0; elles sont parfois en r\u00e9gression mais elles existent.
\nLa part des femmes syndiqu\u00e9es progresse, dans un contexte, rappelons le, de faible syndicalisation g\u00e9n\u00e9rale. Des mesures pour favoriser leur pr\u00e9sence dans les lieux de d\u00e9cision syndicaux sont en cours (quotas \u00e0 la CFDT, parit\u00e9 \u00e0 la direction de la CGT\u2026).
\nDe m\u00eame, des d\u00e9marches sur l’\u00e9galit\u00e9 femmes\/hommes se d\u00e9veloppent, comme par exemple des programmes de formation \u00e0 la n\u00e9gociation de l\u2019\u00e9galit\u00e9. Mais cela ne suffit pas, il faut sans cesse se battre pour que l\u2019\u00e9galit\u00e9 soit int\u00e9gr\u00e9e, ce n\u2019est toujours pas une d\u00e9marche \u00abnaturelle\u00a0\u00bb. Nous sommes donc au milieu du gu\u00e9.<\/p>\n
\nTout d’abord, il est indispensable que les lois soient appliqu\u00e9es. L’ancienne ministre des Droits des femmes, Najat-Vallaud Belkacem a fait un bout de chemin. Il y a aujourd’hui une dizaine de grandes entreprises sanctionn\u00e9es et huit cent mises en demeure sont en cours. Disons qu’il y a un fr\u00e9missement mais \u00e0 ce rythme, il faudra encore un si\u00e8cle pour arriver \u00e0 l’\u00e9galit\u00e9 salariale. Il faut donc que les partenaires sociaux et notamment les syndicats passent \u00e0 la vitesse sup\u00e9rieure et que l\u2019\u00e9galit\u00e9 soit vraiment n\u00e9goci\u00e9e.
\nIl existe aussi une volont\u00e9 de syndicats de d\u00e9velopper le recours aux actions de groupe dans le domaine de la discrimination et pas uniquement dans le secteur de la consommation, mais cette mesure n\u2019a malheureusement pas \u00e9t\u00e9 retenue dans la derni\u00e8re loi sur l\u2019\u00e9galit\u00e9 du 4 ao\u00fbt 2014. Ces actions de groupe permettraient que les cas individuels de discriminations dont je parle dans mon livre ne restent pas des cas isol\u00e9s, souvent difficiles \u00e0 vivre pour ces femmes, avec des risques de licenciement.<\/p>\n
\nLe t\u00e9moignage de Maria est un de ceux qui m’ont le plus boulevers\u00e9e. Cette ouvri\u00e8re, aujourd’hui retrait\u00e9e, travaillait chez un fabricant de composants \u00e9lectrom\u00e9caniques pour l’a\u00e9ronautique. Elle a toujours donn\u00e9 satisfaction, ne s\u2019est jamais plainte de quoi que ce soit. Il a fallu un plan social et des d\u00e9parts anticip\u00e9s \u00e0 la retraite pour qu\u2019un syndicaliste prenne contact avec elle : \u00ab il s’\u00e9tait aper\u00e7u que ma retraite \u00e9tait tr\u00e8s faible, que je n\u2019avais pas gagn\u00e9 beaucoup, apr\u00e8s toutes ces ann\u00e9e. Il voulait me d\u00e9fendre \u00bb, raconte-t-elle. Comme des salari\u00e9s venaient d’obtenir r\u00e9paration pour discrimination syndicale, le c\u00e9g\u00e9tiste lui propose d’adopter la m\u00eame d\u00e9marche.
\nD\u00e9monstration est faite que les hommes ont tous des r\u00e9mun\u00e9rations sup\u00e9rieures \u00e0 celles des femmes, 1805 euros en moyenne, contre 1651 euros. La cour d’appel de Paris donne raison \u00e0 Maria, le 16 juin 2011, et condamne l’entreprise \u00e0 lui verser 53 700 euros au titre du pr\u00e9judice (retards de salaire et de retraite) et 35000 euros de dommages et int\u00e9r\u00eats pour pr\u00e9judice moral. Une victoire contre une discrimination salariale \u00e0 l’\u00e9tat pur, car si Maria est rest\u00e9e \u00ab OS 3 \u00bb plus de vingt-trois ans, c’est bien parce qu’elle \u00e9tait une femme, et qu’elle n’avait rien exig\u00e9.
\nEt puis on peut \u00e9voquer aussi le cas d’Anne, femme de service dans un lyc\u00e9e. Elle parle de son travail qu\u2019elle aime bien, alors qu\u2019elle se sent invisible\u00a0: \u00ab\u00a0personne ne parle aux blouses bleues\u00a0\u00bb dans un lyc\u00e9e, sauf si le m\u00e9nage n\u2019est pas bien fait. \u00bb Pourtant, elle abat un boulot \u00e9norme, souvent tr\u00e8s dur (comme le passage des monobrosses). Et puis, elle assure des fonctions que l\u2019on ignore totalement, aupr\u00e8s des lyc\u00e9ens\u00a0: \u00ab\u00a0il m\u2019arrive d\u2019intervenir aupr\u00e8s des \u00e9l\u00e8ves quand on entend pleurer aux toilettes. Cela arrive souvent. On est plus proches des \u00e9l\u00e8ves que les profs ou que l\u2019administration. \u00bbMais tout cela n\u2019est absolument pas reconnu. A la diff\u00e9rence des ouvriers sp\u00e9cialis\u00e9s dans les lyc\u00e9es (cuisinier, jardinier\u2026), l\u2019entretien n\u2019est pas un vrai m\u00e9tier pour les responsables, il n\u2019y a aucune \u00e9volution possible.
\nCes femmes t\u00e9moignent dans mon livre, pour sortir de l\u2019ombre, pour que l\u2019on reconnaissance enfin qu\u2019\u00eatre femme de m\u00e9nage, auxiliaire de vie ou assistante de direction, ce sont des vrais m\u00e9tiers\u00a0!<\/p>\n