On frappe \u00e0 la porte. Tiens, une distraction bienvenue. C\u2019est mon jeune voisin chouchou, Gabriel, 18 ans, qui vient me demander du sel. Nous devisons gaiement lorsqu\u2019il avise un faire part de mariage qui tra\u00eene sur mon bureau. Je l\u2019avais ouvert sans y porter attention. Je ne connais personne qui se marie, et puis je n\u2019ai pas un amour inconsid\u00e9r\u00e9 pour cette v\u00e9n\u00e9rable institution. Il le lit et \u00e9clate de rire. \u00ab\u00a0Tu peux m\u2019expliquer ce que \u00e7a veut dire, j\u2019y comprends rien, mais alors rien\u00a0?\u00bb demande t-il. Me voil\u00e0 \u00e0 mon petit bureau en recherche d\u2019inspiration. J\u2019ai un papier \u00e0 \u00e9crire sur la d\u00e9pression chez le lion. Pas \u00e9tonnant que mes coll\u00e8gues se soient d\u00e9fauss\u00e9-e-s et m\u2019aient refil\u00e9e le b\u00e9b\u00e9. Je suis journaliste, moi pas \u00e9thologue\u00a0! On frappe \u00e0 la porte. Tiens, une distraction bienvenue. C\u2019est mon jeune voisin chouchou, Gabriel, 18 […]<\/p>\n","protected":false},"author":5,"featured_media":19447,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[117,8],"tags":[],"yoast_head":"\n
\nIl est \u00e9crit, sur un beau papier satin\u00e9 d\u2019au moins 300 grammes\u00a0:
\nMadame Jean Durand
\nMadame Jacques Dupont Monsieur
\net Madame Pierre Legrand
\nsont heureux de vous faire part du mariage de leur petit-fils et fils, Monsieur Bernard Durand.
\nJe regarde plus attentivement, en effet ce n’est pas tr\u00e8s clair.\u00a0\u00ab\u00a0 Pourquoi les dames ont-elles des pr\u00e9noms d\u2019hommes\u00a0\u00bb demande Gabriel\u00a0 innocemment? Et pourquoi c\u2019est \u00e9crit Monsieur en premier dans la troisi\u00e8me ligne\u00a0? \u00c7a fait un baille qu\u2019on dit Madame, Monsieur, et non pas le contraire\u00a0\u00bb. Je vois que Gabriel n\u2019est sans doute pas rest\u00e9 insensible \u00e0 l\u2019\u00e9ducation de sa m\u00e8re f\u00e9ministe car il trouve \u00e7a choquant.
\nOn r\u00e9fl\u00e9chit ensemble, on en conclut que Messieurs Jean Durand et Jacques Dupont sont morts. Mais leurs noms restent.\u00a0\u00ab\u00a0 Et les pr\u00e9noms alors\u00a0?\u00a0\u00a0\u00bb poursuit Gabriel\u00a0\u00a0\u00bb.\u00a0\u00ab\u00a0 Les femmes quand elles meurent elles n\u2019ont plus de pr\u00e9noms\u00a0? On dira jamais Monsieur Jacqueline Durand, par exemple\u00bb rench\u00e9rit-il. Ils sont compl\u00e8tement ouf, ces vieux, conclut-il, d\u00e9sabus\u00e9.
\nOn retourne le carton, m\u00eame chose de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9, mais cette fois y en a qu\u2019un qui est mort et c\u2019est Madame Christian Martin qui ouvre le bal des maris d\u00e9c\u00e9d\u00e9s et des \u00e9pouses qui perdent officiellement leur pr\u00e9nom \u00e0 jamais.
\n\u00ab\u00a0T\u2019as des dr\u00f4les de fr\u00e9quentations quand m\u00eame\u00a0\u00bb me dit Gabriel \u00bb je ne savais pas que t\u2019\u00e9tais une bourge.\u00a0\u00bb Me voila vex\u00e9e.\u00a0\u00ab\u00a0 Je te dis que je ne sais pas qui c\u2019est. Tiens regarde mieux le nom de la fianc\u00e9e. C\u2019est une \u00ab\u00a0de\u00a0\u00bb, une aristo, quoi\u00a0!\u00a0\u00bb \u00ab\u00a0D\u2019accord \u00bb, r\u00e9pond Gabriel \u00a0\u00bb je te crois. En effet, t\u2019as pas l\u2019air d\u2019\u00eatre d\u2019une famille d\u2019aristo. Je peux garder le papier\u00a0? Je vais le montrer \u00e0 mes copains, on va se marrer. Et \u00e0 ma m\u00e8re, elle va \u00e0 coup s\u00fbr me faire un expos\u00e9 sur la question de la discrimination s\u00e9mantique envers les femmes\u00a0; allez salut, je retourne sur mon ordi.\u00a0\u00bb
\nVoil\u00e0, cet \u00e9change m\u2019a distraite, et je vais peut-\u00eatre me plonger avec plus d\u2019enthousiasme sur le psychisme des lions. Leur g\u00e9n\u00e9alogie et la fa\u00e7on dont les femelles sont nomm\u00e9es, ce sera pour une prochaine fois.
\n
\nEmmanuelle Barbaras 50-50<\/strong><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"