{"id":17135,"date":"2012-11-16T12:44:42","date_gmt":"2012-11-16T11:44:42","guid":{"rendered":"http:\/\/www.50-50magazine.fr\/_?p=17135"},"modified":"2012-11-16T12:44:42","modified_gmt":"2012-11-16T11:44:42","slug":"le-blog-de-patric-jean-penser-limpensable","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.50-50magazine.fr\/2012\/11\/16\/le-blog-de-patric-jean-penser-limpensable\/","title":{"rendered":"Le blog de Patric Jean : Penser l’impensable"},"content":{"rendered":"
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On parle souvent de la socialisation des femmes et des hommes dans le sens d’une construction sociale, culturelle des deux genres. Le terme peut laisser croire que non seulement la construction des genres r\u00e9pond \u00e0 des sch\u00e9mas sociaux mais aussi leur expression. On peut ainsi penser par erreur que seules les interactions syst\u00e9miques d’ordre social sont ainsi constitu\u00e9es: travail, r\u00e9partition des t\u00e2ches, richesse, pouvoir, etc.<\/p>\n
Or, on voit bien que la construction des genres planifie \u00e9galement des interactions psychologiques selon des syst\u00e8mes et des codes qui se reproduisent en g\u00e9n\u00e9rant de la domination et des st\u00e9r\u00e9otypes de psych\u00e9.<\/p>\n
On sait que la plupart des cultures attribuent une valeur diff\u00e9rente aux filles et aux gar\u00e7ons d\u00e8s la naissance. Les premi\u00e8res sont encore tu\u00e9es dans certaines r\u00e9gions du monde quand les codes civiques \u00e9crits ou oraux r\u00e9servent aux seconds des privil\u00e8ges d\u00e9lirants.<\/p>\n
Cette valeur diff\u00e9rente entra\u00eene, on peut le deviner, un traitement diff\u00e9renci\u00e9 des enfants organis\u00e9 selon une hi\u00e9rarchie justifi\u00e9e biologiquement. Fran\u00e7oise H\u00e9ritier raconte comment elle a observ\u00e9 des femmes africaines laisser pleurer leurs b\u00e9b\u00e9s filles alors qu’elles s’arr\u00eataient de travailler au premier sanglot des gar\u00e7ons. La raison \u00e9tait issue d’une croyance dans la fragilit\u00e9 du coeur des b\u00e9b\u00e9s m\u00e2les lorsqu’ils pleuraient. Leurs pleurs les mettaient en danger. Les filles au contraire devait \u00eatre endurcies, on devine pourquoi.<\/p>\n
Pour prendre une cons\u00e9quence extr\u00eame, dans les cas de violence conjugale, les exemples de femmes \u00e0 qui leur m\u00e8re leur a conseill\u00e9 de subir, comme elle-m\u00eame l’avait toujours fait, sont assez nombreux pour \u00eatre \u00e9loquents.<\/p>\n
Nous les hommes n’avons pas ce destin. Il a longtemps \u00e9t\u00e9 celui de la brutalit\u00e9 de la guerre \u00e0 laquelle il fallait donner son sang. Mais pour le reste, une perfusion d’amour, d’estime, d’admiration, de valorisation de la part de nos m\u00e8res puis de nos compagnes \u00e9tait la norme, pour ne pas dire la consigne.<\/p>\n
Surtout, cette relation \u00e0 notre m\u00e8re nous a longtemps \u00e9t\u00e9 d\u00e9crite comme presque amoureuse, sorte de r\u00e9p\u00e9tition de ce que nous conna\u00eetrions plus tard avec une compagne (que la m\u00e8re verrait d’ailleurs peut-\u00eatre comme une concurrente). Cette l\u00e9gende amoureuse est tellement ancr\u00e9e dans notre culture que l’on peut l’observer parfois avec des animaux transferts. On sait que le chien de compagnie est parfois un ersatz d’enfant (on lui parle m\u00eame de \u00ab\u00a0papa\u00a0\u00bb et de \u00ab\u00a0maman\u00a0\u00bb) dont le comportement est sexualis\u00e9 par son ma\u00eetre. On a souvent vu des familles o\u00f9 l’on consid\u00e9rait que la chienne \u00e9tait jalouse de sa ma\u00eetresse vis \u00e0 vis du ma\u00eetre ou l’inverse, au moment de se glisser dans le lit conjugal o\u00f9 l’animal est invit\u00e9.<\/p>\n
L’histoire d’amour racont\u00e9e entre le fils et sa m\u00e8re constitue donc un d\u00fb que l’homme pourra ensuite percevoir aupr\u00e8s de sa compagne transform\u00e9e en distributeur d’estime de soi. Celle-ci doit le rassurer (amour, valorisation, soumission) et selon des codes pr\u00e9cis que le dominant mettra en place selon les d\u00e9tails de sa culture et de ses \u00ab\u00a0besoins\u00a0\u00bb.<\/p>\n
Chantage, reproche et parfois violence psychologique ou physique. Que l’homme s’att\u00e8le \u00e0 sa g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9, celle-ci pourra ult\u00e9rieurement \u00eatre monnay\u00e9e en terme de valorisation, de reconnaissance voire d’admiration (la femme dans le m\u00eame cas ne fait que jouer son r\u00f4le). Voire, lors d’une dispute, il pourra rappeler son ou ses gestes et prouver ses m\u00e9rites justifiant ses exigences.<\/p>\n
Beaucoup d’entre nous (les hommes) ont peur de la solitude. Jadis, un homme veuf ne pouvait rester seul, incapable qu’il \u00e9tait d’\u00e9lever ses enfants, voire de subvenir \u00e0 ses propres besoins m\u00e9nagers. Il arrive \u00e9videmment que le hasard heureux mette sur notre chemin une rencontre qui g\u00e9n\u00e8re un r\u00e9el sentiment amoureux.<\/p>\n
Mais aujourd’hui encore, la fin d’un couple peut parfois entra\u00eener chez l’homme la recherche effr\u00e9n\u00e9e de la prochaine compagne qui parfois ressemblera en tout points \u00e0 la pr\u00e9c\u00e9dente (on a vu des similarit\u00e9s physiques surprenantes) et avec qui reproduire le sch\u00e9ma: notre d\u00fb d’amour, de r\u00e9assurance et donc de valorisation et d’estime.<\/p>\n
Seuls, nous voici parfois handicap\u00e9s, coup\u00e9s de notre goutte \u00e0 goutte, infirmes, ralentis, souffrants.<\/p>\n
Souvent, les th\u00e9rapies des hommes violents passent par l’\u00e9vocation de l’enfance, des rapports \u00e0 la m\u00e8re en termes de traumas. Les agresseurs sont alors (un classique du cycle de la violence conjugale) de pauvres victimes bless\u00e9es qui s’auscultent le nombril alors que leur violence ne peut s’analyser que par des vecteurs sociologiques: \u00eatre le chef, le plaisir du pouvoir et la jouissance qui en d\u00e9coule, contr\u00f4le, possession etc<\/p>\n
Comme tout homme a son d\u00fb de reconnaissance, de valorisation affective sur laquelle il b\u00e2tit son amour propre, il se sent en droit de l’exiger de sa compagne y compris par la domination.<\/p>\n
La remise en question de ce rapport peut-elle passer par une analyse des traumas? Nous savons bien que nos souvenirs sont aussi partiellement des histoires que l’on se raconte et que l’on reconstruit \u00e0 notre guise et parfois en fonction de nos privil\u00e8ges \u00e0 prot\u00e9ger.<\/p>\n
Ne s’agit-il pas plut\u00f4t d’une prise de conscience du sch\u00e9ma de domination qui se joue et se r\u00e9sume par la question unique: qu’est-ce qui nous emp\u00eache d’arr\u00eater imm\u00e9diatement? J’ai film\u00e9 un homme violent qui un jour, apr\u00e8s avoir battu maintes femmes s’est, pour une raison inconnue de moi, r\u00e9veill\u00e9 comme un homme violent: \u00ab\u00a0je suis violent\u00a0\u00bb. Cette prise de conscience ahurissante a boulevers\u00e9 son rapport aux femmes.<\/p>\n
Il avait jusque l\u00e0 cherch\u00e9 dans leurs d\u00e9fauts et faiblesses (facile \u00e0 trouver chez tout \u00eatre humain) les raisons de ses col\u00e8res. Tout \u00e0 coup, il ne pouvait plus puisqu’il avait compris que le probl\u00e8me, c’\u00e9tait lui.<\/p>\n
Il lui restait \u00e0 metter en place des strat\u00e9gies pour perdre ses habitudes (col\u00e8re, attitudes…) puisque ses actes ne pouvaient plus trouver justifications m\u00eame \u00e0 ses propres yeux. Le plus dur \u00e9tait fait. Il avait mis vingt ans \u00e0 se produire. Dans la plupart des cas, il ne se produit jamais…<\/p>\n
Dans le rapport affectif o\u00f9 l’exigence masculine peut faire violence \u00e0 la femme et la contraindre (j’ai besoin de tes marques d’affection et d’attention qui me rassurent et me placent au centre de notre couple mais aussi de ce que tu es toi en tant que femme), l’homme va devoir se regarder en face dans la nudit\u00e9 des rapports qu’il entretient avec sa compagne et accepter de regarder quel r\u00f4le il y joue.<\/p>\n
Mais cherchant l’estime de soi dans la r\u00e9assurance que sa femme peut lui apporter, il lui est impensable de se voir en situation de violence (douce ou dure) puisque celle-ci le d\u00e9valoriserait (pas de quoi \u00eatre fier en effet). Il va donc chercher lui aussi dans ses d\u00e9fauts \u00e0 elle les raisons de son malaise, de sa col\u00e8re, de son m\u00e9contentement, de son propre d\u00e9s\u00e9quilibre qu’il lui fera payer comptant. Elle est coupable et il souffre, il a donc toutes les raisons de se plaindre et de la punir, ne serait-ce que symboliquement.<\/p>\n
Jusqu’au jour o\u00f9, par miracle, non seulement une femme aim\u00e9e lui opposera sa propre conscience des rapports de domination mais aussi \u00e0 un moment de son parcours et de son \u00e9volution o\u00f9 il sera en situation de l’entendre. Une v\u00e9ritable prise de conscience du sch\u00e9ma ainsi mis en place peut ressembler \u00e0 un coup de tonnerre pour l’homme qui se croyait au-dessus de tout soup\u00e7on sur le plan affectif en terme de domination. Voil\u00e0 que son amour, son affection, sa passion m\u00eame, se jouaient \u00e9galement dans des r\u00e9p\u00e9titions les plus caricaturales du patriarcat…<\/p>\n
Une fois la structure \u00e9clair\u00e9e pour lui, il ne pourra plus fermer les yeux. On peut m\u00eame penser que sa prise de conscience est le r\u00e9sultat d’un processus inconscient qui l’a plac\u00e9 l\u00e0 puisqu’il aurait tout aussi bien pu rechercher la compagnie d’une femme plus soumise et qui ne lui aurait oppos\u00e9 aucun refus.<\/p>\n
Cette prise de conscience soudaine est sans doute le r\u00e9sultat de l’\u00e9tape la plus plus longue, la plus improbable, la plus incertaine, la plus complexe. Elle peut se vivre, \u00e9galement pour l’homme, comme une lib\u00e9ration puisqu’il va pouvoir tenir debout sans la fable initiale qu’il reproduisait au d\u00e9pens de celles qui partagent son quotidien.<\/p>\n
Il restera alors \u00e0 b\u00e2tir des strat\u00e9gies afin de d\u00e9construire les habitudes maintenant vid\u00e9es de leur sens. Consid\u00e9rer que ce qui semblait impensable ne l’\u00e9tait tout simplement pas.<\/p>\n
Patric Jean<\/strong><\/p>\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" On parle souvent de la socialisation des femmes et des hommes dans le sens d’une construction sociale, culturelle des deux genres. Le terme peut laisser croire que non seulement la construction des genres r\u00e9pond \u00e0 des sch\u00e9mas sociaux mais aussi leur expression. <\/p>\n","protected":false},"author":2,"featured_media":0,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[8],"tags":[58],"yoast_head":"\n