Article publi\u00e9 dans <\/em>Altermondes n\u00b0 30.
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Nour \u00a9 Sabreen Al\u2019Rassace<\/em><\/p>\n

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\u00ab\u00a0Le fait d\u2019\u00eatre lesbienne et de vivre en Arabie Saoudite est un enfer qu\u2019on ne peut pas comprendre, sauf si on le vit et si on go\u00fbte \u00e0 ses flammes. \u00bb<\/em> C\u2019est par ces mots que Nour a commenc\u00e9 son r\u00e9cit de demande d\u2019asile \u00e0 l\u2019Ofpra (1) le 27 mars dernier.<\/p>\n

26 ans, 1m50, les yeux p\u00e9tillants, un visage aux traits doux, un sourire radieux, elle affiche l\u2019expression malicieuse d\u2019une jeune femme qui s\u2019est d\u00e9brouill\u00e9e comme une reine pour fuir l\u2019Arabie Saoudite, un pays o\u00f9 les filles ne peuvent passer les fronti\u00e8res sans l\u2019autorisation de leur p\u00e8re.<\/p>\n

Il y a encore quelques mois, Nour \u00e9tudiait la sociologie \u00e0 l\u2019universit\u00e9 du Roi Abdelaziz, au sud de Djeddah. Pourquoi s\u2019enfuir en France ? Pour y vivre en toute libert\u00e9 sa vie de femme, sa vie de lesbienne.<\/p>\n

D\u00e8s l\u2019\u00e2ge de 13 ans, Nour a pris conscience de son attirance pour les filles : \u00abJ\u2019avais le c\u0153ur qui battait tr\u00e8s fort quand je voyais une fille belle et douce. Je m\u2019imaginais me rapprocher d\u2019elle, la sentir et l\u2019embrasser. Je nous imaginais finir nos vies ensemble.\u00bb<\/em><\/p>\n

Des pens\u00e9es fleur bleue ici, dangereuses l\u00e0-bas. En Arabie Saoudite, l\u2019homosexualit\u00e9 est consid\u00e9r\u00e9e comme une \u00abmaladie mentale\u00bb et punie d\u2019incarc\u00e9ration et de coups de fouet.<\/p>\n

A 17 ans, au lyc\u00e9e, Nour rencontre S. \u00ab Tout en elle me plaisait : son esprit, son attitude. Elle \u00e9tait cultiv\u00e9e et avait d\u00e9j\u00e0 un discours politique. \u00bb<\/em> Elles vont vivre leur amour, discr\u00e8tement, pendant plusieurs ann\u00e9es : \u00ab Nous nous tenions par la main d\u2019une fa\u00e7on intime ou bien nous nous embrassions sur la joue ce qui a suscit\u00e9 quelques rumeurs. \u00bb<\/em><\/p>\n

Un matin, alors qu\u2019elles se prom\u00e8nent, la directrice ordonne de confisquer leurs sacs. \u00abElle a agi suite \u00e0 la plainte d\u00e9pos\u00e9e par l\u2019une des \u00e9tudiantes qui nous traitaient de chaddhat (perverses). \u00bb<\/em> Dans le sac de Nour, des manuels scolaires et son journal intime. La directrice menace d\u2019informer leurs parents, de les assigner devant une commission disciplinaire voire de les fouetter. S. prend la parole et la convainc qu\u2019il ne s\u2019agit que d\u2019une \u00ab b\u00eatise d\u2019adolescentes, rien de plus \u00bb<\/em>. Le pire est \u00e9vit\u00e9. Momentan\u00e9ment.<\/p>\n

Nour va alors se radicaliser. \u00ab J\u2019ai cess\u00e9 de faire la pri\u00e8re. Elle ne repr\u00e9sentait plus rien pour moi, si ce n\u2019est des instructions qui m\u2019interdisaient de sortir de chez moi sans mon p\u00e8re ou mon fr\u00e8re. Ma famille m\u2019a s\u00e9questr\u00e9e \u00e0 plusieurs reprises. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 penser au suicide. \u00bb<\/em><\/p>\n

La situation devient invivable et sa relation avec S. intenable. A la faveur d\u2019un concours, encourag\u00e9e par Nour, S. part \u00e9tudier le droit au Canada. Nous sommes en 2009. Nour et S. ne se sont plus revues depuis. La m\u00eame ann\u00e9e, \u00e0 24 ans, Nour devient ath\u00e9e : \u00abJe d\u00e9teste cette religion qui incrimine mon identit\u00e9 sexuelle, qui la condamne, qui m\u2019encha\u00eene. La soci\u00e9t\u00e9 et ma propre famille n\u2019ont cess\u00e9 de me poursuivre en son nom, de me promettre l\u2019enfer. \u00bb<\/em> (2)<\/p>\n

Alors, quand son fr\u00e8re H. tente de la tuer, en l\u2019\u00e9tranglant, apr\u00e8s l\u2019avoir entendue \u00e9changer via skype avec S., Nour d\u00e9cide de partir. Une semaine plus tard, elle arrive en France. \u00ab Je n\u2019avais jamais imagin\u00e9 fuir mon pays et encore moins pour ne plus y revenir. Je pensais finir mes jours au Royaume. \u00bb<\/em> Connaissait-elle la France auparavant ? \u00ab Je ne connaissais que deux choses : la culture fran\u00e7aise et la r\u00e9pression envers les immigr\u00e9s et les \u00e9trangers. \u00bb<\/em><\/p>\n

Sept mois aujourd\u2019hui que Nour vit en France : \u00ab C\u2019est une sensation grisante de pouvoir s\u2019approprier dans les faits le mot libert\u00e9, de se d\u00e9placer en tant que femme, sans subir de harc\u00e8lement ni d\u2019agression. \u00bb<\/em> Et quand on lui demande quels sont maintenant ses projets, elle r\u00e9pond sans ambages : \u00ab Maintenant, je vais vivre ! \u00bb\u00a0<\/em><\/p>\n

Sabreen Al’Rassace<\/strong> \u2013 Lesbiennes of Color (3)<\/p>\n

(1) Office fran\u00e7ais de la protection des r\u00e9fugi\u00e9s et apatrides<\/em><\/p>\n

(2) C\u2019est cette double discrimination (lesbienne et ath\u00e9e) qui motive sa demande d\u2019asile en France.<\/em><\/p>\n

(3) Lesbiennes of Color est une association f\u00e9ministe de lesbiennes originaires d\u2019Afrique, des Am\u00e9riques, des Antilles, des Cara\u00efbes, du Moyen-Orient et de l\u2019Asie. En savoir plus : www.espace-locs.fr<\/a><\/em><\/p>\n

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Le 19 octobre 2011, celle qui se fera appeler Nour dans cet article est arriv\u00e9e en France, fuyant l\u2019Arabie Saoudite, sa soci\u00e9t\u00e9 et sa famille, pour pouvoir vivre telle qu\u2019elle est, une femme qui aime les femmes, une lesbienne. Portrait.<\/p>\n","protected":false},"author":5,"featured_media":13744,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[1],"tags":[7,13,3],"yoast_head":"\n