Ce que la Grèce fait aux femmes
En 2010, la Grèce apparaissait aux yeux des Européen-ne-s comme la source de tous les malheurs de cette économie de la dette qui régit l'économie mondiale. La Grèce était coupable d'avoir laissé exploser sa dette publique, là était bien le discours dominant. La sentence fut la mise sous tutelle de la Grèce par la Troïka organisme non élu et créé de toute pièce pour orchestrer les politiques d’austérité. Les femmes ont été les premières victimes des mesures d'austérité.
Les plans de restructuration ou mémoranda n’ont eu de cesse de démanteler la structure sociale de la société grecque, prenant pour cibles les services publics, le système de santé, l’environnement, les régimes de retraites, et prônant une privatisation sans merci de tous les secteurs de la société et même de ses lieux publics.
Les violentes mesures d’austérité ont fait de nombreuses victimes; les femmes ont été les premières précarisées par les baisses et suppressions de prestations sociales. De fait, elles sont fortement utilisatrices des services publics liés à l’emploi et à la famille mais aussi à leur santé sexuelle et reproductive. Les salaires des femmes en Grèce comme ailleurs sont systématiquement inférieurs à ceux des hommes, aussi lorsque les salaires baissent d’environ 40 % les conséquences pour les femmes sont énormes.
En matière de santé, Sofia Tzitzikou, vice-présidente de l’UNICEF grec et pharmacienne, a repris du service à la tête de l’un des 12 dispensaires d’Athènes. Elle témoigne de l’horreur du démantèlement du système de santé: impossibilité d’accoucher dans un hôpital public, appauvrissement extrême des femmes et de leurs enfants avec une augmentation des cas de malnutrition, une population toujours plus nombreuse qui n'a plus accès aux soins de base. La crise sanitaire remonte jusqu’aux centres d’accueil des migrant-e-s.
Fortes de l’expérience des femmes du Sud qui avaient fait face aux plans d’ajustement structurels, Sonia Mitralias et Voula Taki avaient compris qu’il fallait créer des espaces où les femmes pourraient se regrouper et partager leurs expériences et souffrances. Nous avons rendu visite à la maison de la solidarité des femmes de Thessaloniki. Qu'elles aient perdu leur travail, l’électricité, leur maison et même parfois le goût de vivre, elles sont maintenant plus fortes grâce à cette maison d’où elles organisent de nombreuses actions. Leur maitre mot : Solidarité.
Les mouvements de résistance ont aussi été portés par des artistes comme Nena Venetsanou qui a toujours lié son art à son engagement. Elle défend l'indépendance de l’art dans un moment où les politiques oublient la place civilisatrice de la culture.
L’élection de Syriza en janvier dernier avait redonné espoir à une société grecque abattue même si beaucoup avaient remarqué que le nouveau gouvernement était un gouvernement d’union masculine. Une partie de l’espoir des femmes qui s’étaient mobilisées pour cette élection reposait sur une femme d’exception, Zoe Konstantopoulou, élue présidente du parlement hellénique avec une large majorité des voix. Entre janvier 2015 et octobre 2015, elle a symbolisé un changement d’approche, invitant des femmes au Parlement comme les femmes de ménage du ministère des Finances. Elle a aussi défendu la notion d’Etat de droit en luttant contre la corruption, et combattu les oukases de la Troïka en mandatant l’audit de la dette grecque grâce à la commission pour la dette grecque.
Ces femmes témoignent que l’espoir de voir refleurir des valeurs démocratiques, qui incluraient les femmes et les hommes, existe encore. Elles portent haut et fort la puissance de la solidarité dont nous avons tout-e-s tant besoin.
Marie-Hélène Le Ny, Brigitte Marti et Eleni Panousi 50-50 magazine
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