Monde En Syrie, les femmes font ce que les journalistes ne peuvent plus faire
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Dès le début de la révolution syrienne, les femmes sont sorties dans les rues pour manifester, ce qu’elles ne faisaient jamais auparavant. Nombre d’entre elles se sont retrouvées aux premiers rangs des luttes. Mais tombent aussi sous les balles des soldats de Bachar Al-Assad ou des snipers, sont emprisonnées, disparaissent, sont torturées ou violées.
Pour Mohammad Ben Hussein, journaliste jordanien (*), les femmes font ce que les journalistes, interdits d’entrée dans le pays depuis des semaines, ne peuvent plus faire. Elles prennent des risques pour témoigner, elles filment la terreur qui s’est abattue sur le pays.
Invité par la Fondation des femmes pour la Méditerranée, lors d’un colloque le 8 décembre dernier à Paris, le journaliste montre une vidéo, réalisée par une femme, qui témoigne des exactions du régime de Bachar Al-Assad.
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Mohammad Ben Hussein explique que la femme voilée que l’on voit sur les images avec son coran a été violée par cinq hommes devant ses enfants. « Sans les vidéos réalisées par ces femmes, nous ne saurions pas ce qui se passe en Syrie », dit-il.
Le journaliste jordanien parle aussi de villes entières vidées de leurs femmes par crainte des viols et des tortures. Il témoigne qu’elles continuent à descendre dans les rues pour protester, qu’elles aident les rebelles, soignent les blessé-e-s et que, face à un régime d’une rare violence, elles assument tous les rôles.
Une Syrienne réfugiée en France depuis trois mois témoigne également de la violence du régime.
Invitée par la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) le 5 décembre dernier, Samar Yazbek explique que le régime s’attaque aux femmes et aux enfants pour provoquer une guerre civile. Elle insiste sur le fait que les manifestations sont pacifiques et que l’on tire sur des manifestant-e-s désarmé-e-s.
Samar Yazbek raconte que les femmes sont à la tête du mouvement de contestation, qu’elles ont organisé et coordonné de nombreuses manifestations et que certaines d’entre elles sont membres du Conseil de salut national, élu par les opposant-e-s syriens en juillet 2011.
Mais lorsqu’on lui pose la question de leur place et de leur rôle dans une Syrie démocratique, elle répond : « Les problèmes viendront après la chute du régime. »
Caroline Flepp – EGALITE
(*) Mohammad Ben Hussein est journaliste à Thomson Reuters News, correspondant étranger de l’agence de presse italienne Ansa et cinéaste. Il a travaillé avec CNN pendant la guerre en Irak en 2003. Il a couvert la chute de Mouammar Kadhafi en Libye et couvre actuellement la révolution syrienne, à partir d’Amman. Il a reçu le prix Lorenzo Natali de la Commission européenne pour son article sur les crimes dits « d’honneur » en Jordanie en 2007.