France \ Société Il est dangereux de ne parler de la sexualité et de la vie affective de nos ados qu’à la maison dans certaines familles !

Pourquoi, encore en 2025, aborder la reproduction et les changements pubertaires à l’école crispent l’opinion publique ?

Depuis 2022, Anabelle (1) intervient essentiellement en classe de 5ème dans les collèges pour le compte de deux associations composées essentiellement de psychologues ou de spécialistes du genre dans le cadre d’un atelier Espace de Vie Affective Relationnelle et Sexuelle (EVARS). Au début gêné·es, les jeunes finissent par se sentir à l’aise et posent de nombreuses questions qu’elles/ils n’osent pas d’aborder avec leurs parents. De manière générale, les ados méconnaissent le rôle des hormones sexuelles et leurs actions au niveau de leur corps et l’intervention les intéresse vraiment. L’intervenante sait aussi que certain·es élèves qui ont déjà été abusé·es sans l’avoir jamais dit à personne, vont avoir envie de pleurer ou vomir, tellement le sujet leur est sensible.

A la question,  » Madame on n’est pas trop jeunes pour parler de sexualité? «  la pression retombe lorsqu’Anabelle rapporte que des jeunes filles sont venues la voir à la fin de son atelier, enceintes à 13 ans et ne sachant pas comment l’annoncer à leurs parents ou qu’une jeune fille de 12 ans s’est confiée sur le comportement incestueux de son beau-père. A ce moment-là, elle capte leur attention et une discussion s’en suit sur la reproduction, la notion de consentement, l’intégrité du corps des mineur·es et la nécessité d’une contraception.

Beaucoup de garçons ont déjà vu des vidéos pornos mais sont incapables de comprendre le fonctionnement de leur corps ainsi que celui des filles. Certain·es n’ont toujours pas fait le lien entre un rapport sexuel et une grossesse et n’ont jamais entendu parler de fécondation.

« J’ai des filles qui me soutiennent mordicus qu’une femme peut avoir un enfant toute seule grâce à l’intervention d’Allah. C’est le même discours chez certains courants catholiques avec la vierge Marie devenue enceinte par l’opération du Saint-Esprit. Les religions continuent de maintenir nos ados dans une ignorance malsaine et d’alimenter les tabous autour du corps » s’insurge Anabelle devant l’éducation donnée par certains parents.

Lors de ces ateliers, elle projette des échographies de bébés d’animaux en insistant sur le côté naturel de la reproduction chez les mammifères comme chez les insectes, les volatiles, les poissons… ainsi que les plantes. L’atelier se déroule en demi-groupe, la première heure est non mixte et la deuxième est mixte permettant la libération de la parole. Puis, un questionnaire anonyme leur est soumis avec un retour positif à 95%, les jeunes étant gêné·es en début d’intervention et plus à l’aise avec ce sujet au bout de deux heures.

A 12 ans, beaucoup d’enfants ignorent encore comment on fait des bébés même si certain·es ont déjà vu du porno. Certains garçons pensent que l’enfant sort par l’anus. Il est essentiel d’expliquer le fonctionnement physiologique de la fille et du garçon avec les changements pubertaires ainsi bien au niveau du corps qu’au niveau cognitif constate Anabelle.

« J’explique le fonctionnement des règles, les symptômes de l’endométriose, la virginité, la dimension écologique des protections périodiques ainsi que la notion de précarité menstruelle. Je m’appuie sur des schémas qui montrent l’appareil reproducteur. Parfois, des jeunes filles mettent leur pull sur la tête pour ne pas les voir ou des garçons se bouchent les oreilles en début de séance. Mais rapidement, les élèves écoutent car elles/ils ont envie d’apprendre. Il est arrivé qu’un·e élève reste le dos tourné pendant 2 heures. Je les laisse afin de ne pas les bousculer car je sais qu’elle/il écoute ce que je raconte. Généralement, je vais les voir et légitime leur gêne tout en leur expliquant qu’apprendre son appareil reproducteur doit être mis sur le même plan d’égalité que le système digestif ou le fonctionnement d’un œil. »

Beaucoup de garçons découvrent qu’ils ne font pas pipi au lit mais qu’ils ont eu une éjaculation nocturne liée à la production de spermatozoïdes et se retrouvent ainsi rassurés. Ces ateliers EVARS permettent d’aborder également les violences intra-familiales, les préjugés et l’égalité entre les filles et les garçons. Les mutilations génitales sont également abordées. « Une jeune fille m’a expliqué que retirer le clitoris était normal car ça ne servait à rien » se rappelle Anabelle, outrée de constater qu’aujourd’hui encore des familles continuaient d’exciser leurs filles. Anabelle leur rappelle la loi et les sanctions pénales en insistant que nul n’a le droit de mutiler le corps d’un·e enfant.

« A plusieurs reprises, j’ai eu des filles comme des garçons qui se sont évanoui·es car ces jeunes ont revécu certains faits insupportables, d’autres se sont effondré·es en larmes ou certain·es demandent à aller aux toilettes pour vomir. Des signalements sont effectués, à ce moment-là, et une prise en charge réalisée d’où l’importance de maintenir ces espaces de parole. »

En deuxième heure, Anabelle propose aussi bien aux filles qu’aux garçons, de piocher dans un sac les différentes protections réutilisables et jetables. Au début, les ados sont géné·es de toucher une culotte menstruelle ou un tampon biodégradable mais très vite, la pioche se transforme en divertissement collectif. Les filles posent davantage de questions sur la grossesse et les garçons sur la masturbation ou la pornographie. Des quizz sont ensuite proposés pour bien ancrer les connaissances.

Certaines professeuses se prêtent au jeu en racontant des anecdotes sur leurs premières règles ou sur la douleur psychologique et physique d’une fausse couche ou encore en mentionnant qu’en cas de besoin, elles ont à disposition des protections périodiques. Il est arrivé qu’à la suite de ces interventions des parents offusqués écrivent à l’infirmière ou que des tracts soient distribués par des associations d’ultra-catholiques devant les collèges.

Annabelle insiste sur la dangerosité de ne parler de la sexualité et de la vie affective de nos ados qu’à la maison, dans certaines familles. Ces cours obligatoires sont essentiels pour une meilleure santé mentale de nos jeunes et une meilleure connaissance du fonctionnement de leur corps. En classe de 4ème et 3ème puis au lycée, la contraception et la reproduction d’un point de vue hormonale sont approfondies.

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

1 Le prénom a été modifié

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