Monde \ Sport Vibeke Brask Thomsen : «Il faut arrêter de comparer le sport au féminin et au masculin»
En Europe, le foot reste le sport le plus populaire aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Or, peu de personnes connaissent le nom des footballeuses contrairement à leurs homologues masculins. Force est de constater que leur médiatisation n’est pas identique malgré la pression des mouvements féministes sur les différentes fédérations sportives et sur leurs sponsors.
En 2021, le sport féminin ne représentait que 4,8 % des retransmissions sportives, contre 74 % pour le sport masculin et 21 % pour les compétitions mixtes (ex : les Jeux Olympiques). En 2023, dans son rapport, l’ARCOM, le régulateur de l’audiovisuel français, insistait sur l’urgence de féminiser le journalisme sportif. Même si les compétitions deviennent de plus en plus partitaires, les programmes sportifs sont ceux qui représentent le moins les femmes à la télévision et à la radio, avec seulement 21% de présence en plateau et 11% du temps de parole. Sur les compétitions masculines, les femmes représentent seulement 9% des journalistes qui s’expriment, contre 91 % d’hommes, et d’une manière générale, la programmation des événements sportifs met toujours plus en lumière les compétitions masculines. Une invisibilisation du sport féminin persistante et toujours d’actualité.
L’association monégasque, SHECAN HECAN, a décidé de forcer les portes des clubs de sport dans la Principauté en offrant aux jeunes licenciées de foot des paquets de cartes représentant les plus grandes joueuses internationales. Cette association anime, en parallèle, des ateliers pédagogiques sur les stéréotypes et les préjugés dans le sport. Une manière de vulgariser dès le plus jeune âge le nom de ses grandes joueuses, de proposer des modèles inspirants pour les générations futures et de faire tomber les résistances patriarcales. Vibeke Brask Thomsen, est présidente, fondatrice de l’association SheCan HeCan.
Depuis quand distribuez vous vos cartes à collectionner ? Comment avez-vous eu cette idée ?
Les cartes collector de football féminin ont été créées à l’occasion de la Journée Internationale de la Fille, le 11 octobre 2021. J’ai eu cette idée en voyant dans les kiosques les albums collectors de football masculin, mais impossible de trouver des cartes collectors des joueuses. Nous avons donc décidé de lancer ce projet à Monaco, afin de sensibiliser sur le sport féminin et notamment le football, trois ans après que la Coupe du Monde féminine ait eu lieu en France. L’objectif est quadruple : rendre visible le sport féminin, encourager les jeunes filles à participer à des sports, et notamment des sports d’équipes, et valoriser les athlètes féminines de la même façon que les athlètes masculins et finalement, remettre en question le sexisme dans le sport.
Où peut-on les acheter ?
Ce sont des cartes à édition très limitées, seulement 500 paquets, contenant 24 cartes chacun, ont été produits. La plupart ont déjà été vendus, il ne reste que très peu d’exemplaires aujourd’hui mais, heureusement il est possible de se les procurer en se contactant via notre site internet ou sur Instagram.
Vous accompagnez la distribution de ces paquets de cartes par des ateliers pédagogiques. Quelles sont les questions les plus posées par les filles ?
La question du financement public du sport féminin est souvent soulevée par les filles. Dans de nombreux clubs, notamment à Monaco, le club féminin n’a pas le même accès que leurs homologues masculins aux lieux d’entrainements, au financement ni à la même visibilité dans les médias. De nombreuses joueuses professionnelles sont obligées de garder un autre emploi car elles ne gagnent pas suffisamment en tant que joueuses, ce qui est impensable au niveau professionnel masculin.
Il faut aussi arrêter de comparer le sport au féminin et au masculin. Les athlètes n’ont pas la même capacité physique et de fait, leur jeu sera différent. Cela ne signifie pas que regarder les femmes jouer est moins intéressant que les hommes, c’est simplement différent et pas comparable.
Quel constat faites-vous sur la médiatisation du sport féminin ?
Le sport féminin reste encore peu médiatisé, et beaucoup moins que le sport masculin, dans presque toutes les disciplines. Il y a des exceptions bien sûr, et cela dépend du pays, mais globalement, les sportifs masculins gagnent plus, sont plus connus et ont accès à beaucoup plus de financement. De plus, dès leur jeune âge, les filles sont formatées pour regarder le sport masculin alors qu’on n’encourage pas les garçons à regarder et suivre le sport féminin.
Cette action a été soutenue par le gouvernement et le Comité des droits des femmes monégasque. Ne faudrait-il pas élargir cette médiatisation dans les établissements scolaires ?
Absolument, ces cartes collectors ont été produites avec le soutien du Comité des Droits des Femmes. Nous œuvrons aussi en Principauté afin de visibiliser le sport féminin, et nous appelons les pouvoirs publics à augmenter le financement du sport féminin et œuvrer afin qu’elles aient accès aux mêmes infrastructures que leurs homologues masculins. Finalement, des ateliers dans les écoles sont importants aussi afin d’encourager les filles à se projeter en tant que sportives de haut niveau et de savoir qu’elles seront soutenues dans cette démarche.
Propos recueillis par Laurence Dionigi 50-50 Magazine