Articles récents \ France \ Société Du cyber-harcèlement à l’agression sexuelle, il n’y a qu’un passage à l’acte

Les réseaux numériques et NTIC décuplent de façon exponentielle les échanges privés et publics. Le harcèlement sexuel en ligne touche une majorité écrasante de filles et de femmes. Les agresseurs étant à 97% masculins : insultes, menaces, diffusion d’images intimes, contrôle d’un conjoint, prise de pouvoir sur une personne qu’on isole. L’anonymat et l’impunité facilitent ces actes criminels. Les mots tuent aussi. Et poussent aux actes violents.

Le cyber-harcèlement est un crime : en 1993, la Déclaration de l’ONU sur l’élimination des violences faites aux  femmes évoque, outre le viol et l’agression sexuelle, le cyber-harcèlement. En 2010, la loi française punit le cyber-harcèlement de 2 ans de prison avec 30 000 à 60 000  euros d’amende, le « raid», cyber-harcèlement organisé contre une personne, de 3 ans de prison (art. 222-4-3 du code pénal)

Pourquoi ?

Multiplier les critiques, les humiliations sur le physique ou le comportement sexuel, les menaces ou intimidations, diffuser des images intimes sans consentement, créent de toute pièce une victime, en portant atteinte à sa dignité, et même à son intégrité, quand la répétition devient acharnement. Les victimes : 73% de femmes (rapport ONU, 2015), une fille sur 4 (Centre Hubertine Auclert, enquête en Ile de France, 2016). La loi française sanctionne l’ « incitation à la haine » à l’œuvre dans le cyber-harcèlement.

Le cyber-harcèlement sexuel prolonge et amplifie le harcèlement de rue (87% de femmes dans les transports publics : campagne RATP, 2024), au travail (55% de femmes, enquête Casden, 2024). C’est un harcèlement sexiste. Les effets sur les victimes sont délétères. Les humiliations collent à la peau : 97% des cyber-harcelées connaissent une « détresse émotionnelle », des troubles psychologiques, neurologiques, professionnels. Beaucoup de jeunes sont dépressives, parfois se scarifient, parfois se suicident.

Le cyber-harcèlement s’inscrit dans un continuum de violences sexistes. 

Or, La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, art.3 stipule : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté ».

L’espace public est dangereux, l’espace privé tout autant.

Tout se passe comme si les femmes n’avaient pas un réel accès à l’espace public, dans la rue, au travail, sur les réseaux sociaux : 8 femmes sur 10 ont peur de rentrer seules le soir (rapport HCE ,2023), beaucoup autocensurent leur expression sur les réseaux sociaux. Une stratégie d’évitement qui les prive d’une réelle liberté, et gare aux féministes qui osent dénoncer des crimes sexistes ! Elles sont les cibles privilégiées de raids (1), comme des féministes qui avaient dénoncé les représentations dégradantes de femmes dans la salle de garde du CHU de Clermont, en 2017.

9/10 femmes victimes de violences au foyer sont victimes de violences en ligne, une handicapée sur 5. Et rappelons le, les viols d’enfants se font 9 fois sur 10 dans le foyer, 4 filles sur 5 enfants, tout comme les images pédopornographiques portent sur 87% de petites filles. 85 millions d’images pédopornographiques circulent aujourd’hui dans le monde (rapport HCE, 2023). Et la consommation de ces vidéos pousse à l’acte pédocriminel.

De la parole à l’acte

Quelle est la stratégie du harceleur ? 1:  isoler la victime 2 : la dévaloriser 3:  inverser la culpabilité 4 : instaurer un climat de peur 5 : souvent recruter des alliés et divulguer. C’est la tactique du conjoint violent : le cyber-contrôle, les reproches, la dévalorisation de la femme font d’elle une coupable méritant les coups.

Le harceleur-prédateur, par des messages répétés et progressifs recrute en ligne des jeunes filles pour leur extorquer des photos de leur corps dénudé, ou des femmes pour des tournages de vidéos pornographiques, (avec viols collectifs et sévices bien réels, insoutenables, la victime étant souvent sédatée) pour les divulguer ensuite. Ce sont des techniques criminelles de proxénètes.

Plus généralement, quand on sait que 55% des hommes regardent ces vidéos pornocriminelles, et 51% de jeunes garçons parfois dès12 ans, (rapport HCE 2023), on mesure l’influence de cette diffusion à grande échelle sur les pratiques sexuelles qui s’ensuivent. La violence sexiste est banalisée jusqu’au viol, voire le féminicide.

La question du consentement

« Quand une femme dit non, c’est non », clament les féministes, qu’on n’entend guère : la culture du viol est la culture du silence des femmes. Qui ne dit mot consent. Pire, comment dire non au harcèlement en ligne, ou en actes ? Phénomène de meute le plus souvent : les harceleurs ont isolé leur proie. Le piège est déjà refermé, et sonne l’hallali.

Le consentement suppose une clarté dans la relation, un échange libre de paroles, la médiation du langage, on le sait, est signe de civilisation sinon de civilité. Le consentement formulé serait déjà un progrès dans un jeu de séduction inégal. Précisément, le jeu est souvent inégal : le prédateur -harceleur, d’abord cyber-harceleur, n’a que faire du consentement, il suit sa pulsion primaire jusqu’à la violence, jusqu’au viol. Le viol n’est pas une relation sexuelle, n’est pas une relation du tout, puisque sans empathie avec l’autre. S’il y avait empathie, il n’y aurait pas de viol. Or justement les contacts internet et le cyber-harcèlement déconnectent de la réalité humaine sensible, facilitent cette propension à ne pas reconnaître l’humanité de l’autre. Devenu·e simple corps.

Et chez les plus pervers, l’acte sexuel est acte de domination, prise de pouvoir, prise, non seulement le consentement n’est pas souhaité, mais bien plus le violeur fantasme sa toute puissance sur un corps défait ( viols collectifs, viol arme de guerre, ou avec soumission chimique). Le corps de la femme comme « poupée de chiffon », Gisèle Pellicot, au procès de Mazan, explique « je suis une femme totalement détruite »).

En fait la notion de consentement fait peser une fois de plus la responsabilité, voire la culpabilité, sur la victime. Au lieu de chercher du côté du criminel : l’homme agresseur, le seul coupable.

En France, la Cour de cassation reconnaît d’ailleurs, le 11 sept 2024 : « Le consentement de la victime ne peut être déduit de l’état de sidération causé par l’atteinte sexuelle » (voir le travail de Muriel Salmona sur l’amnésie traumatique). Lien 

Le corps des femmes : une obsession

Qu’on le dénude ou qu’on le cache, le corps féminin est un enjeu de pouvoir masculin : corps dénudé car désiré (voir l’expo Publicité, tu t’es trompée d’histoire d’amour, Paris, 1983) dans une vision androcentrée et égocentrée. Corps voilé car désiré et possédé par un seul homme, dans une idéologie patriarcale, une logique d’appropriation masculine, qui tend à réduire la femme à son corps. Contrôler le corps des femmes, c’est l’objectif premier des religions, des théocraties, du patriarcat. Le corps de la femme est au service de l’homme, pour son plaisir, son confort, sa progéniture : la domination du père exprime la volonté de contrôler qu’il est bien le père, le propriétaire de la progéniture, et d’assurer ainsi la transmission de ses biens. Dans le même mouvement, il s’agit pour lui de contrôler la virginité de sa femme, qu’elle est bien sa femme, fidèle et vouée à son service. Le patriarcat est une prise de pouvoir sur la moitié de l’humanité qui détient la puissance procréatrice : la femme. On veut contrôler sa volonté, ses désirs, sa parole, sa liberté.

Pourtant, en société démocratique où prévaut le principe d’égalité :la femme est un sujet de droit, non un objet appropriable et possédé, ni un corps à disposition.

D’où la question : virilisme ou virilité ?

48% d’hommes de moins de 35 ans trouvent acceptable la diffusion d’images pornocriminelles

6/10 hommes pensent que les féministes en font trop.

21 % des hommes de 25-34 ans pensent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter (rapport HCE, 2023)

Et pourquoi un conjoint dont la femme gagne plus que lui, a-t-il des problèmes d’érection ? (enquête diffusée par Arte, 2024)

La balle est dans le camp des hommes !

Edith Payeux 50-50 Magazine

1 Raid : harcèlements collectif planifié.

 

 

 

 

 

 

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