Articles récents \ France \ Sport France Nathalie Gerbe : «un cours femmes, c’est un ensemble de paramètres, une vraie richesse, le tout dans la joie et la bonne humeur»

De plus en plus de Françaises choisissent la pratique d’un sport de combat, bien souvent dans l’optique de se protéger des agressions dans la rue puisque 86% en ont déjà subies (violences physiques et / ou verbales). Le krav maga, arrive en tête des disciplines choisies, ce sport utilisant des techniques d’autodéfense et de contre-attaque inspirées de la boxe, de la lutte, du ju-jitsu et du judo. Fondateur officiel de cette discipline, Imi Lichtenfeld ouvre sa 1ère école en 1964 en Israël. Ce lutteur, boxeur et militaire s’est inspiré des combats de rue qu’il a connus dans les années 30 à Bratislava lorsque la communauté juive devait se défendre contre les attaques des groupes fascistes. Le krav-maga se distingue des arts martiaux par l’absence de règles qui limiteraient l’usage de la violence. Nathalie Gerbe enseigne le krav-maga, principalement à Lyon, au profit de femmes désirant se sentir à leur aise dans la rue, dans leur corps et dans leur tête.

Pourquoi le krav-maga est-il devenu un sport de combat populaire auprès des femmes ?

De plus en plus de femmes franchissent les portes du club, soit pour des cours mixtes, soit pour un package Femmes, soit pour des cours privés. Quand j’ai débuté, nous avions des profils plus sportifs, maintenant les femmes se sentent de plus en plus en insécurité et veulent des réponses pour se sécuriser.

Quels sont les principes fondamentaux de ce sport ?

Contrairement à ce qu’on peut penser, le krav-maga civil a pour objectif de se mettre en sécurité. On apprend à regarder, à étudier pour éviter les situations dangereuses et surtout à pouvoir y faire face. Le krav-maga est basé sur les réflexes si bien qu’en très peu de cours on peut parvenir à se sortir de situations dangereuses. On joue beaucoup sur l’effet de surprise, nous ne voulons surtout pas de kata (1). Dans notre pratique, nous collons à la réalité. Ainsi, nous demandons aux élèves agresseurs de vraiment agresser (sans bien sûr frapper) afin que les élèves réagissent au plus vite et s’adaptent.

Vous êtes professeure de Krav-maga depuis plus de 20 ans.  Y-avait-il beaucoup de femmes lors de votre formation initiale ?

J’ai commencé le sport en général. Et les arts martiaux très jeune. J’ai démarré par le judo et à l’époque j’étais la seule fille. Les choses ont bien évolué de par une nécessité sociétale qui s’impose à nous. Je suis la femme la plus gradée en 21 ans d’existence du club de mon conjoint.

Les femmes ne sont pas compétitrices, elles recherchent la sécurité et la confiance en elles. J’ai été la première Française à obtenir mon diplôme en Israël afin d’éviter toute remise en question de mes compétences d’instructrice. Les mœurs ont peu évolué sur ce plan et une femme doit toujours en faire plus en prouvant qu’elle détient les diplômes et l’expérience. Cela a représenté 3 semaines de sport intensif avec bien sûr de la pédagogie, les premiers secours etc… mais ce n’était pas une découverte puisque je donnais des cours comme assistante. Lors de ma formation, seules deux jeunes filles de 16 et 19 ans étaient présentes car elles voulaient s’enrôler dans l’armée israélienne. Sur les 16 participantes, les autres étaient des hommes, militaires ou ex-militaires.

Quel âge a votre public ? Pourquoi viennent-elles prendre des cours de combat?

Mon public va de la jeune adolescente qui se fait embêter à des personnes de plus de 60 ans. J’accompagne aussi des plus jeunes pour le harcèlement scolaire.
Il n’y a pas d’âge pour se sentir en sécurité pour connaître ses droits en matière de légitime défense. Dire qu’elles viennent à des cours de combats est réducteur : les femmes viennent rechercher comme un package, c’est-à-dire rétablir la confiance en elles, apprendre les codes des agresseurs, apprendre à être vigilantes pour éviter les agressions, apprendre à connaître les lois, apprendre à se remettre en forme, apprendre les techniques de krav-maga qui se déclinent comme un couteau suisse, et enfin combattre.

Il y a souvent un aspect blessure à guérir ou du moins à surmonter ou une peur de toucher l’autre puisque dans un combat, on se touche.
Et puis, il faut leur apprendre la confiance en elles si besoin.
Bref un cours femmes, c’est un ensemble de paramètres, une vraie richesse, le tout dans la joie et la bonne humeur et avec beaucoup de bienveillance.

Quelles sont encore aujourd’hui les idées reçues sur ce genre de sport ?

Souvent le krav-maga est perçu comme un sport extrême et hyper violent. En fait, nos réponses sont adaptées aux attaques. Une attaque au couteau, c’est violent. Mais c’est ta vie ou la sienne…. Pour autant ce n’est pas toi qui tiens le manche, toi tu es une personne agressée donc il faut survivre.

Quels sont les bienfaits de ces sports sur le corps, le cœur et l’esprit ?

Apprendre à se connaître, repousser nos limites, retrouver un cardio, se sentir en sécurité (sur le mental c’est fondamental), retrouver de la confiance en soi, soigner ses blessures psychologiques, et enfin passer un bon moment tout en apprenant des techniques efficaces. On en ressort plus humble mais grandi !

Pensez-vous qu’un jour, le krav-maga, sera proposé aux Jeux Olympiques ?

Il me paraît compliqué de garder l’esprit Krav-maga pour un sport olympique. En effet au krav, il n’existe pas de règles. Pour rappel, il a été inventé pour permettre à des civil·es de survivre lors de la Shoah. De plus, on apprend à se défendre face à des armes à feu, à des couteaux… et garder cet esprit de réalisme pour construire un sport plus codifié de présentation olympique, n’a aucun sens. Il existe déjà moult disciplines avec des kata: karaté, judo,… Je pense que chaque sport est adapté à des besoins précis. Le krav-maga est un outil de survie, impliquant par ailleurs divers sports car son fondateur pratiquait plusieurs disciplines. Mais ce dernier en a fait une synthèse efficace où l’on n’a pas besoin de s’entraîner pendant des années pour pouvoir se sentir en sécurité. Le retour d’expériences des pratiques est très important car il nous permet d’évoluer et d’adapter cette discipline en permanence. Il y a une vraie résilience…

Propos recueillis par Laurence Dionigi 50-50 Magazine

1  Un kata est une série de mouvements appris par cœur qui ne tient pas compte du positionnement ou de la position initiale de l’agresseur

 

 

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