France \ Économie Astrid Lamberts : «En France, en astrophysique, les 5 dernières années les recrutements de fonctionnaires se sont faits à parité »

Selon les chiffres du CNRS, 34,5% des chercheurs sont des femmes. Bien que les questions de parité soient davantage prises en considération, la représentation des chercheuses peine à progresser. Pourtant elles détiennent toutes les capacités pour travailler dans les sciences. Astrid Lamberts est l’une d’entre elles.

Vous avez vécu dans un village de 200 habitant.es dans la Drome. Etes-vous tombée dans la marmite des étoiles grâce à votre famille ?

Non, mes parents étaient exploitants chambre d’hôtes. J’ai toujours aimé comprendre les choses comme les volcans, les séismes, les étoiles, les glaciers, le climat… Ma famille m’a soutenue et encouragée avec l’achat de nombreux livres et de visites d’exposition. Mais il n’y a pas de chercheurs ou de scientifiques dans ma famille proche.

Quels ont été vos freins dans le cadre de vos études ?

Je n’ai pas de souvenir de difficultés particulières avec des professeurs. Ça ne veut pas dire que j’étais traitée comme les garçons en revanche, c’est juste que ça ne m’a pas marquée. En revanche, j’ai connu des problèmes de harcèlement sexuel pendant ma thèse par un autre doctorant. Également, lors de la 1ère année où j’ai passé le concours pour être chercheuse au CNRS, aucune femme n’était classée parmi les 10 premiers candidats. Douche froide absolue et je me suis demandé si ça valait la peine de continuer. C’était il y a moins 10 ans, les choses ont évolué. Maintenant c’est plutôt le bon moment si on est une femme et qu’on est compétente pour concourir. Je note une sorte de rattrapage, comme un équilibre, donc les portes peuvent s’ouvrir assez facilement. Cela dit, je remarque, encore de temps un temps, de vieux collègues grincheux qui se demandent pourquoi j’ai « tout » alors qu’ils n’ont « rien ».

En quoi consiste votre métier ?

Je suis astrophysicienne, chargée de recherche au CNRS. Mes recherches se concentrent sur les étoiles qui se forment à deux, et comment elles évoluent ensemble tout au long de leur vie, jusqu’à parfois laisser derrière elles des restes (trous noirs, étoiles à neutrons, naines blanches) très rapprochés et très intéressants à étudier. Dans la pratique mon métier inclut beaucoup d’autres activités comme encadrer un groupe de jeunes chercheurs (doctorants, postdoctorants), demander des financements pour pouvoir continuer à recruter pour développer l’équipe, et construire une communauté qui a envie de travailler ensemble autour du même sujet que moi. Je suis aussi co-responsable française de la mission spatiale LISA, et j’ai donc des responsabilités de gestion de projet par exemple.

Vous approchez la quarantaine et vous avez, déjà, décroché la médaille de bronze du CNRS, une distinction qui récompense les scientifiques qui font avancer la recherche. Avez-vous remarqué plus de chercheuses depuis quelques années dans les laboratoires d’astrophysique en France ? Est-ce le même constat que dans les autres pays dans lesquels vous travaillez ?

En France, en astrophysique, les 5 dernières années les recrutements de fonctionnaires se sont faits à parité. Cependant, ça ne fait pas beaucoup de différence localement, vu les déséquilibres existants. Il y a aussi une forte volonté de soutenir la progression de carrière des femmes, et plus de femmes dans mon laboratoire ont accédé récemment à des grades supérieurs. C’est encourageant !

Je ne peux pas vraiment comparer à d’autres pays, où souvent les équilibres sont issus de volontés locales comme les universités et pas forcément nationales. Pendant mon postdoctorat j’étais la femme la plus séniore d’un groupe de recherche. Malheureusement, il n’y avait pas une seule femme avec un poste permanent dans le groupe.

Rencontrez-vous du sexisme ordinaire dans votre profession ou avez-vous rencontré du sexisme ordinaire ?

Oui ! J’en rencontre très peu maintenant, les gens me prennent au sérieux, mon CV « impose ». Localement je suis très soutenue par mes collègues et ma hiérarchie. J’ai aussi le luxe, à présent, de choisir avec qui je veux travailler… ou pas. Cela dit, il arrive encore, de façon assez inconsciente je pense (par exemple, je propose une idée, on me dit que ce n’est pas terrible. Un collègue la propose, et tout d’un coup c’est une bonne idée), avec des gens avec qui je ne travaille pas au quotidien. Je prends note.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles qui s’engagent dans les filières scientifiques ?

Amusez-vous ! Persistez ! Trouvez des modèles et des mentores

Propos recueillis par Laurence Dionigi 50 -50 Magazine

 

 

Mission spatiale LISA (Laser Interferometer Space Antenna) est une mission spatiale internationale chargée de détecter les ondes gravitationnelles émises par les évènements les plus violents de l’Univers

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