Brèves La France, toujours une exception démographique en Europe ?
On a beaucoup parlé récemment de la baisse de la fécondité en France. Qu’en est-il dans les pays voisins ? Les auteurs replacent cette diminution dans le contexte européen de la dernière décennie et examinent à l’aide de projections si les évolutions démographiques de 2023 pourraient annoncer une décroissance de la population en France à l’horizon 2070.
Une baisse de la fécondité…
Au 1er janvier 2024, la France compte 68,4 millions d’habitants, soit 0,3 % de plus qu’un an auparavant. Le nombre de naissances a quant à lui fortement diminué en 2023 par rapport à 2022, 678 000 contre 726 000, soit 52 000 naissances de moins (−7 %). Avec 1,79 enfant par femme en 2022, la France conservait toujours l’indicateur de fécondité le plus élevé de l’Union européenne et probablement aussi en 2023, malgré sa baisse (1,68 enfant). Si l’on considère l’ensemble de l’Europe, la fécondité est plus homogène qu’elle ne l’était il y a 10 ans – malgré un « choc Covid-19 » aux effets inégaux. La tendance de la fécondité est à la baisse dans presque tous les pays depuis 2010, comme dans beaucoup d’autres régions du monde.
… mais un solde naturel positif
Contrairement à celui de la plupart des autres pays européens où il est négatif (21 pays sur les 27 de l’UE), le solde naturel (différence entre les naissances et les décès) est positif en France en 2023, bien que faible (47 000). La baisse du nombre de décès tient à la forte hausse de l’espérance de vie à la naissance entre 2022 et 2023, avec un gain de 0,7 an pour les hommes et 0,6 an pour les femmes. Le solde migratoire (différence entre les entrées et les sorties du territoire), est également positif et estimé à 183 000 en 2023 par l’Insee, ce qui contribue de façon plus importante à la croissance de population que le solde naturel (pour 4/5 en 2023).
Fécondité plus basse, solde migratoire plus élevé : quelles conséquences ?
L’Insee a publié en novembre 2021 des projections de population pour la France à l’horizon 2070 fondées sur les tendances démographiques des années précédentes. Dans le scénario central de l’Insee, la population de la France continuait d’augmenter jusqu’à un maximum de 69,3 millions en 2044 puis diminuait ensuite jusqu’à 68,1 millions en 2070. Or, les évolutions observées depuis la publication de ces projections ont conduit les chercheurs de l’Ined, auteurs de ce numéro, à en faire de nouvelles. Ils ont ainsi fait l’hypothèse d’une stabilité de la fécondité au niveau de 2023, soit 1,68 enfant par femme (au lieu de 1,8 enfant, niveau du scénario central de l’Insee) et d’une stabilité du solde migratoire à 180 000 par an (au lieu de 70 000 dans le scénario central 2021 de l’Insee). Concernant la mortalité, les chercheurs ont repris l’hypothèse de hausse de l’espérance de vie sans la modifier.
Les évolutions futures sont incertaines, mais selon le scénario présenté par les auteurs, le solde migratoire élevé ferait plus que compenser la moindre fécondité si les deux se maintiennent au niveau de 2023 ; à l’horizon 2070, la population continuerait de croître jusqu’à 72,1 millions.
Auteur·es : Anne Solaz (Ined), Laurent Toulemon (Ined), Gilles Pison (Muséum national d’histoire naturelle, Ined)