Articles récents \ Monde \ Afrique Amee : « il n’y avait pas de femme ivoirienne dans le slam »

Avec des textes saisissants, Aminata Bamba alias Amee nous plonge dans son univers poétique. Artiste engagée et curieuse du monde, ses titres “Ose”, “Femme poème”, “Au commencement” ou encore “Allo ici la terre”,  ne passent pas inaperçus en matière de Slam en Côte d’Ivoire et dans les pays voisins. Rencontre avec Amee, « l’amie des mots », figure emblématique du slam féminin ivoirien.

Comment vous définiriez vous ? Qui est Amee ?

Je me définis comme une créative et curieuse du monde. Une apprentie humaine.

Comment naît votre passion pour le slam ?

J’ai un don pour les arts et tous ce qui est manuel et créatif . J’ai commencé par la danse, le chant, le dessin, la peinture, l’écriture. Je rêvais d’être chanteuse. J’ai remporté une compétition de chant RnB en 2009. Un ami m’a dit que j’avais une belle écriture et que je devrais m’intéresser davantage au slam vu qu’il n’y avait pas de femme ivoirienne dans le slam. Comme je l’ai mentionné plutôt j’écrivais déjà et j’aimais la poésie. J’ai donc décidé de mettre mes textes en avant. En 2010 je fais ma première performance slam à l’issue d’un atelier d’écriture et en 2013 j’ai été sélectionnée parmi les 10 meilleurs slameusde/slameurs de Côte d’Ivoire au concours  »The Spoken Word Project ».

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans les mots ?

Ils sont un bon canal de transmission des émotions à l’état brut en plus d’être le moyen de communication par excellence.

D’où tirez-vous vos inspirations ?

Je tire mon inspiration de la vie. La vie est un recueil géant de poème que je me contente de répéter.

Quelles sont les aptitudes à avoir pour être un bon slameur / bonne slameuse ?

Pour être un bon Slameur/ une bonne slameuse, il faut être un·e bon·ne écrivain·e, connaître quelques règles de la poésie, écrire de bons textes, avoir une belle diction, avoir une bonne présence scénique.

Vous abordez plusieurs thématiques comme l’amour ou encore la motivation… Pourquoi, c’est important pour vous d’en parler ?

J’aborde essentiellement la condition de la femme, suivi de l’amour, la motivation, la conscientisation et autres sans oublier des sujets plus légers et amusants. Tout ça fait partie de la vie. Ce sont mes inspirations du moment et qui répondent à des besoins d’expression ponctuel pour moi même et ou pour mon environnement. Il y a dans mes textes un peu de thérapie aussi.

Pouvez-vous nous parler du texte poignant « Adam et Ève », que vous avez joué lors de votre premier concert spectacle en avril dernier ?

C’est mon deuxième texte écrit quand je me suis lancée dans l’écriture. Je l’ai écrit en réponse à mon regard sur la condition de la femme en société. Prouver que la femme n’est pas le sexe faible en utilisant les mêmes codes dont la plupart se sert pour traiter la femme comme une sous créature.

Dans “Ose” vous dites, « Tu peux être bien plus qu’une femme, (…) Deviens ce qu’on ne t’a pas appris à vouloir être ! Ose, révéler cette puissance qui fait trop peur, peut-être, ose, être une Anne Marie Raggi ou une Marie Goré, toutes ces autres femmes dont les pas ont fait trembler le pont de la victoire quelque part à Bassam… » en citant ces deux figures de proue, militantes qui ont marché contre l’administration coloniale à Bassam, en Côte d’ivoire. Ce texte est, de plus engagé, en faveur des femmes. Pouvez-vous nous parler des conditions dans lesquelles vous l’avez écrit ?

Je ne m’en souviens plus véritablement parce que j’écris presque tous les jours et comme je l’ai dit tantôt. L’essentiel de mes textes traitent de la condition de la femme donc c’est un texte parmi d’autres sur le sujet mais qui s’inscrit dans une dynamique de motivation. Les femmes ont besoin qu’on leur dise qu’elles peuvent plus, parce que comme je l’ai dit dans le texte, on ne leur apprend pas souvent à vouloir être là où sont prises les plus grandes décisions.

Quel est donc votre rapport au féminisme ? L’êtes-vous ?

Selon la définition du féminisme le propos que je tiens dans mes textes fait de moi une féministe. Donc je le suis. Mon rapport avec le mouvement est celui d’une femme qui souhaite voir s’améliorer la condition de la femme. Je l’étais avant même de savoir que ça existait, depuis l’enfance quand j’ai commencé à me poser des questions.

Quel est le premier texte slam féministe que vous avez écrit ? D’où vous est venue l’idée ?

Adam et Ève. L’idée est venue de l’observation de la société depuis l’enfance.

Il y a de plus en plus de slameuses qui excellent, la sororité est-elle présente dans le milieu ? Quels sont vos rapports avec les autres femmes poètes ?

Les rapports entre les slameuses sont comme entre tous les slameurs et slameuses. Il y a la sororité et la fraternité. Chacun.e ses occupations et ambitions professionnelles et personnelles qui varient et rendent chacun·e disponible ou moins. Mais nous évoluons en communauté pour l’ensemble de nos activités, associations, fédérations, championnats(nationaux, régionaux, continentaux mondiaux), festivals, concerts, spectacles. Nous sommes une sorte de famille mondiale au-delà des genres et des pays. Nous nous entendons tous et toutes bien. C’est la communauté et les valeurs que transmet le slam (écoute, partage, amabilité, humilité, respect) qui a fait en sorte que le slam soit aujourd’hui ce qu’il est.

En tant que figure du slam féminin ivoirien, qu’est ce qui manque selon vous pour vulgariser cet art ?

Il manque de grands moyens financiers pour faire de la promotion à une échelle plus large et incisive, des moyens pour créer des contenus de très bonne qualité et payer les espaces et les médias pour en faire la promotion, des moyens pour créer des espaces et médias de promotion pourquoi pas. Nous avons déjà épuisé tous les moyens qui ne nécessitent pas d’argent et nous continuons de les utiliser pour faire vivre le mouvement, mais à l’époque actuelle presque plus rien de grand ne se fait sans moyens financiers.

Quelle est votre actualité du moment et vos inspirations pour le futur ?

Je suis désormais aussi écrivaine grâce au Festival GenevAfrica qui a permi à Nash et moi de correspondre avec deux écrivaines Suisses et qui a donné lieu à une œuvre intitulée  »correspondances » sorti en décembre 2023. J’ai sorti mon 11e single, qui est aussi le premier d’un EP qui sortira dans la première moitié de l’année 2024. J’ai des voyages et festivals en projets. Je serai au Masa 2024 (Marche des Arts et du Spectacle Africain d’Abidjan) en tant que expert membre du comité Artistique International pour le Slam et l’humour. Je prévois aussi un ou plusieurs showcase.s afin présenter mon projet et des clips vidéos qui accompagneront les sorties, des ateliers et la préparation de mon prochain grand spectacle.

Avec l’association à laquelle j’appartiens et que j’ai l’honneur de présider, Collectif Au Nom du Slam, nous aurons des ateliers dans des villes du pays, La Nuit du Slam, la 9e édition du Championnat National de Slam de Côte d’Ivoire et la 8e édition du festival international de Slam d’Abidjan  »BABI SLAM » .

Propos recueillis par Alexandra Koffi 50-50 Magazine

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