Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Pour une diplomatie féministe définie, assumée et financée !
Le Haut Conseil à l’Egalité dresse un bilan en demi-teinte de cinq ans de diplomatie féministe dans son rapport d’évaluation remis aujourd’hui à Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Une politique étrangère féministe ou « diplomatie féministe » est la politique d’un Etat qui place, au coeur de son action extérieure, l’égalité entre les femmes et les hommes, les droits des femmes, la solidarité avec toutes les femmes. Alors que le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères prépare sa feuille de route pour les 5 années à venir et dans un contexte de recul alarmant des droits des femmes partout dans le monde, le HCE considère que la diplomatie féministe constitue une réponse indispensable. A condition qu’elle soit clairement définie, qu’elle fasse l’objet d’une volonté au plus haut niveau de l’Etat et qu’elle soit dotée de moyens humains et financiers suffisants.
A la veille de l’invasion russe en Ukraine, Vladimir Poutine menaçait le président ukrainien en ces termes : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il te faudra supporter ». L’assimilation de l’offensive russe à un viol de l’Ukraine résonne fortement avec la montée en puissance des mouvements masculinistes et des discours virilistes dans le monde. Or, les bouleversements géopolitiques à l’oeuvre et l’explosion des crises imposent de nouvelles approches, de nouveaux acteurs et actrices, un nouveau mode de gouvernance mondiale. Dans son rapport d’évaluation, le HCE réaffirme que la diplomatie féministe peut devenir l’instrument international adéquat pour contrer le recul de la démocratie et des droits des femmes et demande à la France de passer aux actes.
Pour ce faire, le HCE émet 18 recommandations articulées en 3 axes pour nourrir la future stratégie du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et notamment :
1) DEFINIR
Définir clairement la doctrine de la diplomatie féministe et l’accompagner d’un manuel de mise en oeuvre qui s’applique à toutes les dimensions de la politique étrangère de la France ; à ce sujet, le HCE propose la définition suivante :
« La diplomatie féministe est la politique d’un État qui place, au coeur de son action extérieure, l’égalité entre les femmes et les hommes, les droits des femmes, la solidarité avec toutes les femmes dont les droits fondamentaux sont bafoués dans quelque pays que ce soit, la liberté et la lutte pour l’abolition du patriarcat. Et ce, dans l’ensemble de ses dimensions : droits humains, défense et sécurité, climat et environnement, développement, commerce, économie, numérique, culture, éducation, influence, etc. Elle assure, de manière paritaire, la participation des femmes ainsi que des mouvements féministes (à l’intérieur et à l’extérieur du pays) à sa co-construction et à sa mise en oeuvre. Elle alloue sur la durée des ressources substantielles pour atteindre ses objectifs et met en place, au sein de l’État, une organisation institutionnelle et administrative dédiée et pérenne, qui permet d’assurer la cohérence des politiques et qui inclut un cadre de redevabilité. »
Co-construire la prochaine stratégie avec les organisations féministes et les acteurs et actrices de la diplomatie féministe en élaborant un cadre de redevabilité recentré sur des objectifs précis et des indicateurs mesurables.
Décliner la diplomatie féministe dans tous les axes de la politique étrangère.
2) PORTER
Réaffirmer explicitement la diplomatie féministe au plus haut niveau de l’Etat et mettre en place une coordination et une feuille de route interministérielle.
Promouvoir la diplomatie féministe dans toutes les instances internationales à commencer par l’Union européenne.
Nommer une ambassadrice pour la diplomatie féministe.
3) FINANCER
Mettre en place des moyens humains substantiels.
Dédier un budget spécifique à la diplomatie féministe.
Accélérer les efforts pour faire de l’aide au développement un véritable outil de diplomatie féministe.