Brèves Amicale du Nid : «escorting de luxe», quand l’emprise rencontre les inégalités sociales

L’Amicale du Nid était présente, en tant que partie civile, à l’audience du 27/06/23, à la 14e chambre du Tribunal correctionnel de Paris, pour soutenir la victime face à l’auteur présumé de faits de proxénétisme aggravé.

Madame K., d’origine biélorusse, aujourd’hui âgée de 32 ans, était étudiante lorsqu’un proxénète français a pris contact avec elle par le biais d’un tiers photographe biélorusse. Pour financer ses études supérieures, Madame K. envisageait alors de faire quelques séances photos, sans pour autant considérer une carrière de mannequin professionnel. Après quelques shootings réalisés en France par l’entremise du futur proxénète, tout s’accélère et le piège se referme sur Madame K., désormais contrainte d’assortir ces séances photos d’actes sexuels tarifés. S’en suivront trois années de forte emprise psychologique de la part de ce proxénète qui organisera l’ensemble des rendez-vous avec les clients, issus de son carnet d’adresse personnel, qu’il considère comme « très sélects ». Ces clients sont effectivement des hommes aisés, d’âge mûr, évoluant dans des environnements socio-professionnels influents et pouvant payer jusqu’à 10 000 euros pour une soirée.

Quelques temps après avoir déposé plainte, Madame K. prend contact avec l’établissement toulousain de l’Amicale du Nid afin d’obtenir un soutien dans ses démarches et un accompagnement social adapté. Elle peut alors compter sur l’accompagnement juridique proposé par la juriste de l’établissement aux victimes d’infractions pénales. Après plusieurs années d’enquête, le Tribunal correctionnel de Paris aura à connaître mardi 27 juin des faits de proxénétisme aggravé dénoncés par Mme K.

Tromperies, menaces, chantage, emprise, isolement … Autant d’éléments rapportés par une femme déterminée à obtenir justice en dépit des violences vécues en prostitution et des répercussions traumatiques importantes qu’elle subit depuis sa sortie d’emprise.

Les faits dénoncés par la partie civile s’inscrivent dans un contexte spécifique et rarement évoqué dans les salles d’audience : celui de « l’escorting de luxe », souvent galvaudé mais rarement dénoncé pour ce qu’il est, à savoir non pas une forme atténuée, « glamour » voire consentie de la prostitution mais bien une situation violente et aliénante, où la victime est considérée comme un bien par les clients et le proxénète, contrôlée en permanence, louée pour quelques jours ou quelques heures et poussée à multiplier les relations tarifées avec des hommes qui la dominent socialement et économiquement.

Car « l’escorting » a ceci de particulier qu’à la domination masculine s’ajoute la criante différence de statut social, qui représente un biais de sujétion supplémentaire – en l’occurrence – à celui du genre. Loin de correspondre aux visions communément admises d’une activité rémunératrice et émancipatrice sur le plan personnel et matériel, permettant à des personnes économiquement moins favorisées d’accéder à des environnements particulièrement privilégiés. « L’escorting » induit l’appropriation, par les clients, de l’ensemble de la personne en situation de prostitution et ce, au bénéfice financier mais également personnel des proxénètes. Les victimes sont effectivement exhibées, habillées, mises à disposition, géolocalisées par ces derniers qui, non contents de les exploiter, se targuent de les soutenir et de les aider de manière désintéressée.

Dans cette affaire, si une partie des clients a été identifiée et certains d’entre eux auditionnés, à notre connaissance, aucun n’est actuellement poursuivi pour achat d’actes sexuels. Nous ne pouvons que le déplorer, particulièrement à l’aune de l’infime pénalisation dont font l’objet les clients – pour rappel, depuis la loi du 13 avril 2016, moins de 500 acheteurs ont été poursuivis chaque année.

Considérant cela, l’Amicale du Nid sera présente aux côtés de Mme K. pour la soutenir dans cette difficile entreprise de dénonciation et faciliter son accès à la réparation via la reconnaissance de ses préjudices.

Ainsi, nous continuerons de rappeler – comme nous le faisons depuis 6 ans à travers notre travail de constitution de partie civile nationale aux côtés des victimes – que toutes les formes de prostitution peuvent être synonymes de violence et de réification.

Amicale Du Nid

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