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Le mouvement des colleuses féministes est né en 2019 en France d’une volonté de dénoncer les violences, le harcèlement de rue, le sexisme ordinaire, les féminicides à travers des slogans composés de lettres noires peintes sur des feuilles blanches au format A4 collés sur des endroits visibles des villes. Ce mouvement militant, né en France, a dépassé l’hexagone puisque ces messages peuvent aujourd’hui être lus en Espagne, en Italie, au Portugal ou au Canada sur le même mode opératoire.
Le but est d’interpeller l’opinion publique dans des lieux de passage stratégique afin de conscientiser encore et toujours la société sur les violences faites aux femmes et de manifester son soutien aux victimes. En dépit d’une sensibilité toujours plus grande aux inégalités depuis Metoo, les clichés et les stéréotypes sexistes perdurent selon le rapport publié cette année du Haut Conseil à l’Egalité (HCE). Même si l’opinion publique reconnaît et déplore l’existence du sexisme, les hommes en grande majorité ne le rejettent pas en pratique. La persistance du sexisme dit « ordinaire » est d’autant plus préoccupante qu’elle peut conduire aux manifestations les plus violentes. Parmi les hommes de 25 à 34 ans, près d’un quart estime qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, 40% d’entre eux trouvent normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants. En ce qui concerne les femmes, 37% disent avoir déjà subi des rapports sexuels non consentis. On peut s’interroger sur la réelle volonté de nos sociétés à vouloir modifier ce mode de fonctionnement sociétal fondé sur les violences
Aujourd’hui, ces collectifs sont présents partout en France que ce soit dans les grandes agglomérations que dans les villages. Les colleuses mais aussi les colleurs agissent la nuit en toute discrétion, décident ensemble du choix des mots et de l’emplacement du collage. Elles.ils sont jeunes, ont grandi avec le mouvement #Metoo et manifestent leur colère contre ces violences, socle du maintien du patriarcat, qui durent et perdurent. Un film, La riposte féministe de Marie Perennès et Simon Depardon, sorti en 2022, leur est même dédié même si celui-ci ne reflète pas exactement l’esprit de ces collectifs dans leur ensemble. Ces slogans incisifs vous les avez forcément vus… puisque « le sexisme est partout, elles aussi ! »
Pour les approcher, il faut montrer patte blanche. L’une d’entre elles du collectif colleuses/colleurs 06, a accepté de répondre à quelques questions dans l’anonymat le plus complet.
Quel est la durée de vie d’un collage ?
Cela dépend des communes… À Nice, une ville où la surveillance est omniprésente avec des mentalités conservatrices, tant à l’échelle individuelle que dans la vie politique, la plupart les collages ne restent que quelques jours car nos messages dérangent. Ils sont rapidement arrachés. Parfois, nos collages restent collés plusieurs mois selon si leur emplacement est difficile d’accès ou pas.
Pourquoi se réapproprier l’espace public est-il si important ?
Pour se rendre visibles car les femmes ont toujours été invisibilisées et le sont encore. Se réapproprier la rue est important car les violences sexistes et sexuelles sont malheureusement trop présentes dans l’espace public. C’est une manière de dire, nous aussi, nous sommes dans la rue et aussi la nuit.
Comment communiquez vous une fois les collages arrachés ?
Il existe un réseau national de collages, avec des collectifs présents partout en France en ville et en milieu rural. Les collectifs sont très présents sur les réseaux sociaux et c’est donc là que l’on peut retrouver nos messages.
Avez-vous une idée du nombre de collages réalisés dans toute la France ?
Ce n’est pas la quantité de slogans collés qui compte mais bien que les colleuses féministes soient un mouvement à échelle nationale avec des messages forts qui font mouche car ils dérangent.
Laurence Dionigi 50-50 Magazine