Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Nouveau Pacte financier mondial: La lutte contre la pauvreté et la transition écologique ne se fera pas sans les femmes
Le 22 et 23 juin prochain, 300 États, organisations internationales et représentant·es de la société civile seront rassemblés à l’occasion du Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial, à Paris. Ce nouveau pacte est destiné aux pays du Sud Global et aux pays les plus vulnérables face au changement climatique, l’objectif étant de les soutenir afin de lutter contre la pauvreté et financer leur transition écologique. Dans ce contexte, et compte tenu des défis auxquels ce sommet entend apporter des solutions, l’Institut du Genre en Géopolitique prône une aide publique au développement (APD) genrée à la hauteur de l’urgence.
L’égalité femmes-hommes : un objectif incontournable pour adresser les problématiques du Sommet
D’abord, les femmes sont les plus affectées par les conséquences du changement climatique. Dans le monde, elles ont 14 fois plus de chance de mourir pendant ou après une catastrophe naturelle que les hommes et lorsqu’elles survivent, 20% sont victimes de violences sexuelles. De plus, elles ont un rôle essentiel à jouer dans la transition écologique, notamment en matière de sécurité hydrique et alimentaire, car elles assurent près de la moitié de la production alimentaire mondiale. Or de façon paradoxale, elles sont trop peu représentées et consultées dans les instances de gouvernance climatique.
Par ailleurs, une femme sur trois est exclue du système financier formel et en 2020, elles représentaient plus de 60% de la population pauvre dans le monde, selon Oxfam. Les travaux et tâches domestiques non rémunérées, auxquels les femmes sont généralement reléguées, les maintiennent dans la pauvreté et pèsent sur leur santé physique et mentale. Ainsi, garantir l’autonomisation des femmes, en leur donnant non seulement un accès à l’emploi mais aussi à la protection sociale et à des services publics qui répondent à leurs besoins garantirait à la fois un recul de l’extrême pauvreté et améliorerait le bien-être des femmes et des filles dans le monde entier.
À ce titre, une APD inclusive, qui prend en compte les inégalités structurelles et vise à promouvoir l’égalité femmes-hommes est donc particulièrement adéquate pour faire face à ces défis.
Un engagement insuffisant des États intolérable face à l’urgence de la situation
La majorité des pays donateurs de l’aide publique mondiale affirment avoir fait de l’égalité femmes-hommes une priorité. Déjà en 2015, « parvenir à l’égalité des sexes en autonomisant les femmes et les filles » était adopté par les Nations unies comme cinquième objectif du développement durable. Cet engagement sur la scène internationale contraste fortement avec les faits.
À ce titre, la crise sanitaire a donné lieu à une augmentation des violences domestiques, à un recul des droits et de la santé sexuels et reproductifs, à la paupérisation des femmes, ainsi qu’à une aggravation de la double charge des femmes entre leur emploi professionnel et leurs nombreuses responsabilités au sein de leur foyer. Ainsi, la pandémie de la Covid-19 a retardé la progression vers l’égalité femmes-hommes de 200 années, soit plus de six générations.
De grandes lacunes dans l’élaboration et le financement des projets d’aide publique au développement genrée
À l’aune du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, la méthode d’intégration du genre dans les projets de développement ainsi que les budgets qui y sont consacrés doivent être repensés. Les montants spécifiquement alloués à l’atteinte de l’égalité des genres sont insuffisants compte tenu de son importance pour faire face aux défis globaux comme les changements climatiques. Moins de la moitié de l’aide publique globale (44%) intègre, de manière principale ou secondaire, les enjeux relatifs à la promotion de l’égalité femmes-hommes, selon l’OCDE.
Même un pays moteur comme la France dans la défense et la promotion des droits des femmes a encore du chemin à parcourir. À ce titre, une augmentation des financements français est nécessaire pour atteindre l’objectif de consacrer 75 % de son APD à des projets ou programmes marqués « genre », ce qui représente près de 3,5 milliards d’euros engagés à l’égalité des genres pour 2026.
C’est aussi l’élaboration, la redevabilité et l’évaluation des projets d’aide publique au développement qui doivent profondément gagner en rigueur. Il est impératif d’intégrer systématiquement le genre aux projets d’APD, que des aides publiques soient spécifiquement dédiées à l’égalité femmes-hommes, et que les États engagent leur responsabilité dans l’atteinte des objectifs, notamment par une plus grande transparence.
Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial est l’occasion pour de nombreux pays de réaffirmer leurs ambitions en matière d’APD genrée. Il est grand temps que les États se mobilisent politiquement et financièrement, dans leurs relations bilatérales comme dans les instances multilatérales, afin d’assurer une lutte transversale et inclusive contre la pauvreté au service de la transition écologique à l’échelle mondiale. Pour cela, il est absolument nécessaire que l’égalité femmes-hommes ne soit plus laissée au second plan et qu’elle devienne une véritable priorité de l’agenda international.