Articles récents \ Monde Berivan Firat : « Les femmes kurdes … ont une armée d’auto défense »

Berivan Firat est la porte-parole du Conseil Démocratique Kurde en France et du Mouvement des Femmes Kurdes. Pour elle, après le tremblement de terre en Turquie, la réélection d’Erdogan a été un tremblement politique. Elle revient sur la création d’une armée d’auto défense des femmes qui a combattu Daech, et sur la parité dans toutes les instances de pouvoir kurde.

Quelle est la situation aujourd’hui des Kurdes après le tremblement de terre en Turquie ?

Malheureusement, après le tremblement de terre, il y a eu le tremblement politique. On s’y attendait puisque Erdogan concentre tous les pouvoirs depuis 21 ans. Il y a eu une coalition qui s’est formée contre Erdoğan, mais il avait tous les moyens de l’État à son service. Il a utilisé la presse et les médias, ses hommes et lui étaient pratiquement 24 heures sur 24 à la télévision. Il y a eu le petit espoir de se dire “on va réussir à le battre” mais bon, il a gagné. Il a triché, il est donc de nouveau pour cinq ans au pouvoir. Mais il faut reconnaître à ses amies et à ses ennemies leurs qualités et leurs défauts. Erdoğan est quelqu’un de très sournois et intelligent. Par exemple, sa première initiative a été de placer des Kurdes dans son gouvernement au ministère des Affaires Etrangères, au ministère des Finances, Trois Kurdes du pouvoir ont été placés au gouvernement, à des postes clés. L’Europe et l’Occident, en totale duplicité, ont tout de suite félicité Erdogan. Catherine Colona a félicité le ministre des Affaires Etrangères qui était, rappelons-le, le premier homme des services secrets turcs pendant huit ans Hakan fidan . Il est d’une façon ou d’une autre aussi tenu responsable des assassinats et des enlèvements des opposantes en Europe et un peu partout dans le monde. Que cet homme soit Kurde, certes, le ministre de l’Économie aussi est kurde, mais comme le disait un homme politique progressiste : « en Turquie, on peut devenir tout ce qu’on veut : on peut devenir premier ministre, on peut devenir président de la république, on peut devenir responsable de la banque nationale turque… La seule chose qu’on ne peut pas revendiquer, c’est le fait d’être kurde. » Ces individus sont les kurdes du pouvoir, en tant que turques. Leur identité kurde est utilisée pour tenter d’amadouer les kurdes et la communauté internationale.

Erdogan a fait des promesses au peuple kurde. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le 10 août 1920, il y a eu le traité de Sèvres, une autonomie avait été promise aux Kurdes. Elle devait être consolidée avec la rencontre de Lausanne en 1923. À la fondation de la république turque, cette dernière devait aussi donner un statut aux Kurdes, mais à l’époque, la délégation turque a emmené tous les Kurdes du gouvernement en disant, ce sont eux qui représentent les Kurdes et ils ne veulent pas de statut spécifique pour les Kurdes.

Notre peuple ne veut pas vivre sous la coupole ou sous la domination de l’État turque. Et actuellement, c’est le même joker qu’Erdogan essaie de jouer au niveau de l’opinion publique en disant : « Voilà, les Kurdes sont au pouvoir. » Le président de la République décédé en 1993, Turgut Özal, était kurde, mais il a avoué l’être seulement quelques mois avant de mourir. Il n’a rien fait pour les Kurdes, donc le fait qu’il y ait des Kurdes au pouvoir n’apporte rien pour les problématiques kurdes, pour les résolutions de la question kurde, et pour la démocratie. En dehors des Kurdes, il y a d’autres aussi minorités en Turquie : des Alévis, des Syriaques, des Arméniens, des Alaouites, des Nassari… Donc tous ces peuples, toutes ses minorités sont victimes de négation, de représailles, de politiques d’assimilation forcée. C’est ainsi qu’Erdogan a commencé son nouveau gouvernement, par une manipulation en essayant de se donner une bonne image. Il a même libéré quelques individus qui étaient arrivés aux bout de leur peine, mais qu’il retenait comme otages. Et dans ce contexte, nous, les Kurdes d’Europe et des cinq coins du Kurdistan, avec la diaspora et avec une nouvelle génération, nous réclamons la reconnaissance de l’identité. Nous demandons les mêmes droits que les autres, nous voulons que notre identité soit garantie par la constitution.

Votre Festival se tient en mémoire de Findan Dogan Rojbin., rappelez nous qui elle était.

Nous voulons, qu’en Europe, on arrête de nous qualifier de braves, d’exemplaires combattantes au Moyen-Orient lorsque nous combattons contre les ennemi.es de l’humanité, lorsque nous combattons aussi pour notre survie. Car en combattant les ennemi.es de tous, ces mêmes braves kurdes deviennent des terroristes que l’on juge et que l’on condamne une fois arrivé.es vers l’Occident. C’est cette criminalisation qui fait qu’il y a dix ans, le 9 janvier 2013 était assassinée Findan Dogan Rojbin à la mémoire de laquelle nous tenons un festival. En France, c’est le sixième festival. Elle a été assassinée avec Leyla Soylemez  et Sakine Cansiz qui a été l’une des fondatrices du Parti des Travailleurs du Kurdistan, le PKK, qui mène une lutte pour l’identité kurde.

Et il y a eu ce dernier attentat meunier contre nous les Kurdes le 23 décembre 2022 là encore trois kurdes donc la pionnière de la lutte des femmes kurdes evin Goyi( Emine Kara, le chanteur Mir Perwer et Abdurrahman Kizil on étaient assassiné.es rue d’Enghien à Paris.

Personne ne nous fera croire qu’il s’agit d’un assassinat raciste, car l’assassin, William Maley, a ouvertement dit qu’il avait visé les Kurdes du PKK qui mènent des actions séparatistes en Turquie. On veut nous faire croire qu’il est question de racisme alors que tout montre que cet homme était dans une légion de parachutiste où la plupart des membres des services secrets sont recrutés.Et il le souligne bien, il y a des dizaines d’organisations kurdes, mais il clame avoir un problème avec les Kurdes du PKK qui mènent des actions séparatistes en Turquie. Donc cet homme, le petit français moyen, s’inquiète pour les Turques alors qu’on le dépeint comme un suprématiste français ? Dans ce cas-là, si ce français est aussi raciste qu’on le prétend, il n’aurait pas de la haine pour les Kurdes qui combattent Daech. De là, nous voyons bien qu’il s’agit d’un triple attentat politique et nous soupçonnons la Turquie. Néanmoins, d’autres services secrets peuvent être impliqués, car le problème kurde est en plein milieu de l’échiquier politique mondial.

Et nous disons que si la justice avait été rendue aux femmes assassinées en 2013, celle et ceux qui ont été assassiné le 23 décembre 2022 n’auraient pas été assassinées.

Votre Festival rend hommage à Evian Goyi assassinée en décembre 2023

Oui, cette année, nous rendons hommage à Évian Goyi, cette pionnière de la lutte des femmes kurdes qui a été assassiné avec Mir Perwer, Abdurrahman Kizil. Elle n’avait qu’une chose en tête, c’est que justice soit faite, elle préparait d’ailleurs la dixième date d’anniversaire de la commémoration de l’assassinat de Rojbin et de ses camarades. Et c’est juste avant noël lors d’une réunion avec une dizaine de femmes que l’assassin est arrivé pile à l’heure de la réunion.

Que va t’il se passer lors de ce sixième Festival des Femmes Kurdes ?

Avec ce sixième festival, nous réitérons notre détermination à réclamer justice, à ce que le secret défense soit levé sur ce dossier de triple assassinat de 2013. Il faut que la justice puisse faire son travail. La justice est un droit fondamental, et la France, l’Europe nous doivent cette justice puisque ces personnes étaient des réfugié.es politiques sous la protection de l’union européenne.

Nous appelons toutes les femmes à venir ce 18 juin dès 12h place Stalingrad pour découvrir nos chants, nos danses, mais aussi nos plats, notre cuisine, il y aura un atelier pour les enfants, des tenues kurdes exposées, une tente ou il y aura des  Denbej qui ne chantent rien qu’avec la voix, c’est de cette façon d’ailleurs que la culture Kurde a pu arriver jusque-là puisqu’il n’y avait pas de culture écrite. Nous invitons toutes les femmes et les hommes à venir nous découvrir, renforcer notre voie pour crier justice et halte aux assassinats politiques menés par les services secrets étrangers sur le sol français.

Les femmes jouent un rôle majeur dans la société kurde. Pouvez-vous revenir sur le rôle des femmes dans votre société ?

Quand un peuple est attaqué, c’est la femme qui se lève en premier, car elle a beaucoup de choses à protéger, son enfant, l’avenir du pays. C’est elle qui forme l’enfant, qui pousse la société à résister, c’est elle qui a le plus à perdre. C’est pour cela qu’en janvier 2013, trois femmes ont été visées par les services secrets turques. Nous pouvons le dire, nous savons qu’ils sont derrière, c’est dans les dossiers d’instruction du tribunal et c’est pour cela que le juge d’instruction demande de lever le secret défense. Les femmes kurdes, ont été les premières à monter une armée d’auto défense des femmes, elles sont aussi bien dans l’armée mixte, mais elles ont aussi une armée d’auto défense, elles ont leur propre parti politique .

C’est notre besoin de combattre et de montrer notre détermination en tant que femme. Quand nous voulons, nous pouvons faire bouger le monde. C’est aussi grâce aux femmes, la lutte menée par le partie des travailleurs du Kurdistan ( PKK) que les femmes du YPJ, ont pris l’exemple, elles ont donc mis en place l’armée d’auto défense des femmes, mais aussi la parité dans toutes leurs instances et une décentralisation des pouvoirs et la co présidence dans les mairies.

L’égalité, la parité le multiculturalisme, multi-ethnicités, l’écologie sont des choses contraires à la politique primaire du système d’Erdogan qui est sexiste, féodale et prône un islam sunnite et le nationalisme turc, c’est contre tout cela que ces femmes se sont rebellées et c’est grâce à elles que le peuples Kurde s’est soulevé dans les quatre parties du Kurdistan, c’est aussi pour ça qu’en Iran quand la jeune kurde  Jina Mahsa Amini. a été assassinée par le Mollah, les femmes ont crié le slogan des femmes libre du Kurdistan : « femme, vie, liberté ». Pour que ce slogan, cette philosophie dépasse les frontières, il a fallu que des milliers de femmes et d’hommes kurdes se sacrifient où soient sacrifiées.

Une société ne peut pas être libre si les femmes ne sont pas libres, c’est d’abord la libération des femmes et ensuite la libération de la société. C’est ainsi que nous concevons la lutte, c’est ainsi qu’Ocalan concevait notre société et c’est comme cela que celles qui combattent dans les montagnes, conçoivent une société Kurde, pluraliste, pour vivre avec tous celles/ceux qui sont nos voisin.nes depuis des siècles, des peuples de toutes ethnicités, et c’est ce qui fait la beauté du Moyen Orient.. Qui dit stabilité et paix au Moyen Orient, dit stabilité et paix en Occident.

Tant qu’il y a la guerre. il y a des violences. Tant que la lutte des Kurdes continuera la bas, il faut soutenir celles et ceux qui luttent pour la stabilité de l’Europe et de l’Occident et donner une chance à la paix au Moyen Orient, et la stabilité en Occident.

Propos recueillis par 50-50 Magazine

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