Articles récents \ DÉBATS \ Contributions Editions des femmes-Antoinette Fouque : publications de mai-juin 2023

Depuis leur création en 1973, les Editions des femmes-Antoinette Fouque jouent un rôle moteur dans la vie éditoriale, intellectuelle et culturelle française en mettant en lumière les créations d’autrices. Les Editions des femmes proposent fictions, récits, biographies, essais, livres audio. Proposition de lectures pour le printemps 2023.

Les Abricots du Donbass

Luba Yakymtchouk. Préface inédite de l’autrice pour l’édition française, Traduit de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin. Parution le 15 juin 2023.

Luba Yakymtchouk, également connue sous le nom de Lyubov Vasylivna Yakymchuk, est née en 1985 dans la région du Donbass et vit désormais à Kiev. Poétesse, dramaturge et scénariste ukrainienne engagée contre la guerre, elle a reçu le prix international de poésie slave et a remporté le concours littéraire international «Coronation of the Word». Ses écrits, traduits à ce jour en 11 langues, ont été publiés dans des revues et magazines du monde entier, notamment en Ukraine, en Suède, en Allemagne, en Pologne, en Israël, et en France. En 2015, le magazine «New Time» de Kiev, l’a classée parmi les 100 personnes les plus influentes de la culture en Ukraine. Luba Yakymtchouk est la première poétesse à avoir récité un poème lors des Grammy Awards de 2022. Elle a également participé à l’ouvrage collectif Hommage à l’Ukraine (Stock, 2022).

La poésie ukrainienne : un acte de résistance en temps de guerre.
Cité par le magazine Forbes comme un des 10 ouvrages nécessaires pour comprendre la guerre en Ukraine, ce recueil de 47 poèmes s’intitule Les Abricots du Donbass car là où s’arrêtent les abricotiers commence la Russie. Née et élevée dans une petite ville minière de l’Est industriel de l’Ukraine, Luba Yakymtchouk a perdu sa maison familiale en 2014 lorsque la région a été occupée par des séparatistes soutenus par la Russie. Fruits d’expériences émotionnelles très complexes, ses poèmes s’étendent du désir érotique dans une ville déchirée par la guerre à l’imitation de babillages enfantins pour décrire les outils du combat militaire, vus comme des jouets. Luba Yakymtchouk fait preuve d’espièglerie face à la catastrophe et signe ainsi sa singularité artistique, évoquant l’héritage des futuristes ukrainiens des années 1920. Une langue dénuée de tout pathos, authentique et intime pour transcrire le quotidien de tout un peuple en résistance à travers la poésie d’une femme.

Transformations

Anne Sexton. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Huynh. Préface de Sabine Huynh
Parution le 4 mai 2023

Figure majeure de la poésie américaine, Anne Sexton (1928-1974) est l’autrice d’une œuvre poétique composée de plus d’une dizaine de recueils précurseurs. Ses poèmes explorent des thèmes aussi divers que l’enfermement psychiatrique, la féminité et le corps, le désir, l’enfantement, la famille, l’amour, l’écriture… thèmes qu’elle partage avec Sylvia Plath, dont elle est proche. Récompensée par le prix Pulitzer en 1967, elle se voit décerner des titres honorifiques dans de nombreuses universités, telles que Harvard, Colgate ou encore Boston. Rattrapée par ses maux, elle met fin à ses jours en 1974. Les éditions des femmes-Antoinette Fouque ont entrepris de faire connaître son œuvre en langue française, injustement méconnue du grand public jusque-là.

« Un livre drôle, fou, spirituel, effrayant, charmant, obsédant.»
Christopher Lehmann-Haupt, New York Times

Les contes de fées des frères Grimm réécrits par Anne Sexton avec espièglerie et humour noir. Loin du manichéisme ou de l’édulcoration de la violence prônée par Disney, Anne Sexton relit de manière personnelle et très intime « Blanche-Neige », « Rumpelstikskin », « Raiponce », « Les douze princesses qui dansent », « Le prince grenouille », le fameux « Petit chaperon rouge » et d’autres contes qui ont bercé notre enfance. Les archétypes collectifs et la vie singulière d’Anne Sexton s’y entremêlent dans une narration très transgressive. Justesse et esprit face à la douleur psychologique sont au cœur de ce recueil qui a déjà touché des milliers de lecteurs et lectrices aux États-Unis.
Écrit en 1971, Transformations n‘a pas perdu une once de son actualité et de sa pertinence pour questionner nos représentations sociales et imaginaires. Après la publication de Tu vis ou tu meurs en 2021 et de Transformations en 2023, les éditions des femmes-Antoinette Fouque poursuivront leur travail éditorial, en collaboration avec Sabine Huynh, autour de l’œuvre d’Anne Sexton en publiant trois nouveaux recueils en 2024.

Mon Secret

Co-édition avec Le Rayon blanc. Niki de Saint Phalle. Parution le 4 mai 2023

Niki de Saint Phalle (1930-2002) est l’une des rares femmes artistes issues du Nouveau Réalisme. Son œuvre originale et engagée s’est notamment incarnée dans ses célèbres sculptures de femmes puissantes aux couleurs vives, connues sous le nom de « Nanas ». L’artiste entreprend à partir de 1978 et jusqu’à la fin de sa vie ce qui sera son grand œuvre : Le Jardin des Tarots, situé en Toscane. Inspirée par l’architecte Gaudí, elle crée un immense jardin à partir de sculptures architecturales gigantesques représentant les vingt-deux arcanes majeurs des Tarots. Elle s’éteint à l’âge de 71 ans, le 21 mai 2002, à San Diego, en Californie.

Victime d’inceste, Niki de Saint Phalle révèle un terrible secret enfoui pendant plusieurs décennies. Dans ce court récit écrit à la main, c’est la parole intime de l’une des plus grandes artistes plasticiennes du XXe siècle et « le cri désespéré d’une petite fille » qui s’expriment. À l’âge de 64 ans, l’artiste entame ce texte rédigé sous forme de lettre adressée à sa fille Laura. Elle y raconte l’indicible avec des mots simples et poignants. Initialement publié aux éditions de la Différence en 1994, le livre était devenu introuvable. Cette nouvelle édition est donc très attendue.

« J’ai écrit ce livre d’abord pour moi-même, pour tenter de me délivrer enfin de ce drame qui a joué un rôle si déterminant dans ma vie. Je suis une rescapée de la mort, j’avais besoin de laisser la petite fille en moi parler enfin. Mon texte est le cri désespéré de la petite fille. »
Niki de Saint Phalle

Constance Pascal (1877-1937)
Une pionnière de la psychiatrie française

Felicia Gordon, Traduit de l’anglais par Danièle Faugeras, Préface de Chantal Potart, cofondatrice de HMMB (Histoire(s) & Mémoire de Maison Blanche). Parution le 18 mai 2023.

Felicia Gordon, historienne, professeure émérite du Wolfson College à Cambridge, travaille et écrit sur l’histoire des femmes françaises, le féminisme dans ses dimensions sociales, historique et politique ainsi que sur l’histoire de la médecine. Elle est notamment l’autrice d’une biographie de référence sur Madeleine Pelletier, The integral Feminist, Madeleine Pelletier (1874-1939), Feminism, socialism and medecine (non traduit en français).

Constance Pascal a été l’une des premières femmes psychiatres en France, à la fin du XIXe siècle. D’origine roumaine, elle décide très jeune de prendre son destin en main et débute des études de médecine en France. Connue pour ses travaux sur la démence précoce, elle a fondé l’une des premières écoles françaises pour les enfants présentant de graves difficultés d’apprentissage. Sa ténacité lui a aussi permis d’obtenir la direction de plusieurs départements de psychiatrie. Soucieuse d’améliorer les traitements ainsi que le confort de vie de ses patients, elle s’est heurtée toute sa carrière à la misogynie et au mépris de certains de ses supérieurs hiérarchiques. Cela n’a en rien entamé sa détermination. L’analyse d’articles et travaux de Constance Pascal elle-même permet d’appréhender son apport à la psychiatrie avec plus d’acuité. Dans cette biographie fournie, mêlant archives de sources institutionnelles et familiales, Felicia Gordon s’attache également à retracer le parcours intime de cette femme d’exception, à travers sa relation discrète mais constante avec le général Mongin mais aussi celle, toute aussi belle, qui l’unissait à sa fille. Cette biographie n’est pas seulement celle de Constance Pascal. Il s’agit d’une fresque vivante du développement de la psychiatrie en France, de la Belle époque jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Ret samadhi
Au-delà de la frontière

Geetanjali Shree, Traduit du hindi (Inde) par Annie Montaut. Parution le 1er juin 2023

Geetanjali Shree est née en 1957 à Mainapuri (Uttar Pradesh) où elle a grandi. Après un doctorat en histoire, elle enseigne le hindi et obtient une bourse de recherche post- doctorale, avant de se consacrer entièrement à l’écriture de fiction et de théâtre dans sa langue maternelle. Son premier recueil de nouvelles et ses romans sont immédiatement remarqués et la plupart de ses livres – à ce jour, une dizaine – sont traduits dans d’autres langues. Geetanjali Shree est aussi associée à la troupe de théâtre Vivadi et ses pièces ont été jouées en Inde comme à Tokyo, Toronto, Berlin et Séoul. Elle a reçu en 2013 le prix Krishna Baldev Vaid. Après la parution aux éditions suisses Infolio de Maï, une femme effacée (trad. Annie Montaut, 2008) et Une place vide (trad. Nicola Pozza, 2018), Ret samadhi, paru en Inde en 2018, est son troisième roman traduit en français. Il a été lauréat de l’International Booker Prize en 2022.

Amma, mère, grand-mère et veuve de 80 ans, abandonne sans un mot la maisonnée de son fils aîné, où elle habitait selon la tradition. Hébergée par sa fille, une écrivaine très indépendante, elle découvre une nouvelle forme de liberté et d’amour. Amma s’ouvre alors au monde et à elle-même, aidée dans sa métamorphose par une curieuse aide-soignante, Rosy, une transgenre qu’elle semble connaître depuis toujours. Lorsque cette profonde amitié est brutalement interrompue, l’octogénaire aussi fantasque qu’attachante part pour le Pakistan sur les traces d’un mystérieux passé, entraînant sa fille dans cette folle aventure. Ce roman hors du commun, qui offre un portrait foisonnant de la culture indienne et s’inscrit dans la grande histoire de la Partition, fait vaciller les frontières : celles entre normalité et étrangeté, rêve et réalité, passé et présent, corps et esprit, et bien d’autres encore. Dans l’écriture de Geetanjali Shree, monologue intérieur, dialogue et narration polyphonique s’entremêlent sans couture apparente. Humour, tragique et poésie se superposent, jouant sur les sonorités et les rythmes d’une façon parfois vertigineuse, que la remarquable traduction d’Annie Montaut a su restituer. Un très grand livre.

Comme si de rien n’était

Alina Nelega, Traduit du roumain par Florica Courriol. Parution le 1er juin 2023

Alina Nelega est née en 1960 en Roumanie. Romancière et dramaturge, ses pièces sont traduites en de nombreuses langues, dont Amalia respire profondément, publiée en 2012 aux éditions l’Espace d’un instant. Lauréate de nombreux prix, l’Observator cultural, équivalent au Goncourt en Roumanie, lui a été décerné en 2020 pour Comme si de rien n’était, son premier roman traduit en langue française aux éditions des femmes-Antoinette Fouque en 2021.

Dans les années 1980, pendant la dernière décennie de la dictature communiste en Roumanie, Cristina, passionnée d’écriture, s’éprend d’une autre femme. L’histoire commence à l’adolescence de Cristina, lycéenne dans une ville de province. Elle tombe amoureuse de sa meilleure amie, Nana, lui déclare ouvertement ses sentiments et découvre une réciprocité. Mais après un court moment d’euphorie, Nana s’éloigne brutalement et part à Bucarest pour devenir comédienne. Cristina suit de son côté le parcours balisé de la conformité sociale. Elle épouse Radu, le frère de Nana, et tente de négocier sa fine marge de confort matériel et moral, en naviguant entre les contraintes familiales, sociales et politiques. Elle essaie d’écrire, tout en sachant qu’il serait impossible de publier un texte sincère sur ce qu’elle pense et ressent. Puis elle renoue avec Nana, qui fuit de nouveau la relation et part en France. À l’aube de la quarantaine, les deux femmes, trouvent chacune le courage d’accepter et d’affirmer à voix haute leurs choix, leurs émotions et leur identité. Mais cet acte libérateur, par lequel Nana peut enfin vivre, ne suffit pas à sauver Cristina, toujours captive de l’étouffante société roumaine. Dans ce roman exceptionnel, les rouages de l’oppression sont mis à nu dans leurs aspects les plus subtils. L’un des rares textes roumains à traiter de l’homosexualité féminine sous Ceausescu.

Editions des Femmes – Antoinette Fouque

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