Articles récents \ France \ Politique Mélanie Pelascini : « Coordination SUD souhaite que l’année 2023 … soit l’occasion pour la France de renforcer sa diplomatie féministe »
Coordination SUD est la coordination des ONG de solidarité internationale française, elle regroupe 184 ONG. Créée en 2006, la commission genre et développement de Coordination SUD a pour objectif de sensibiliser les ONG aux questions de genre et de mener un plaidoyer politique pour renforcer la prise en compte du genre dans la politique de solidarité internationale de la France. Mélanie Pelascini en est la responsable.
Quelques mots sur Coordination SUD
Coordination SUD est la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale. Aujourd’hui, nous rassemblons 184 ONG, qui mènent des actions de développement, des actions humanitaires d’urgence, de protection de l’environnement, de défense des droits humains, de plaidoyer et d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale.
Coordination SUD mène plusieurs activités qui relèvent à la fois du renforcement de capacités, de la promotion, la défense du secteur et d’un environnement favorable à leurs actions et également la construction et la représentation de positions communes auprès des pouvoirs publics, enfin nous menons également une mission de veille et prospective sur le secteur de la solidarité internationale et son évolution.
Quel est le rôle de la commission Genre et développement de Coordination SUD ?
La commission Genre et développement rassemble une vingtaine d’organisations intégrant le genre dans leurs pratiques, dans leurs projets et menant des actions de plaidoyer. La commission s’inscrit depuis sa création en 2006 dans deux volets d’activités principales : une démarche de sensibilisation des ONG françaises et un plaidoyer politique pour renforcer la prise en compte du genre dans la politique de solidarité internationale de la France.
Pour favoriser cette intégration d’une approche Genre dans les pratiques des ONG, Coordination SUD propose des formations, des outils tels que des fiches pratiques ou des guides d’autoformation. A travers un fonds de renforcement institutionnel et organisationnel (FRIO) abondé par l’AFD, Coordination SUD co-finance l’intervention de consultants et consultantes externes permettant aux ONG françaises d’être accompagnées dans la réponse à certaines problématiques rencontrées, pouvant justement être celle de l’intégration du genre dans leur organisation (1) par exemple, puisque ces changements nécessitent bien souvent des moyens financiers et humains importants pour les ONG. Ces activités sont menées en complémentarité avec celles du F3E, réseau avec lequel nous avions collaboré sur un projet spécifique dédiée à la transversalisation du Genre dans le secteur de la solidarité internationale entre 2016 et 2018.
Au niveau du plaidoyer, c’est au sein de la commission Genre et développement que sont construits les positionnements collectifs pour défendre une prise en compte effective et transversale dans les politiques françaises de solidarité internationale et leur déclinaison au niveau des opérateurs, particulièrement du Groupe Agence Française de Développement (AFD) , opérateur principal de l’aide publique au développement. Historiquement cette commission a été très impliquée autour de processus d’élaboration, de suivi de mise en œuvre et d’évaluation des stratégies de la France dédiées à ces enjeux. La dernière en date est la stratégie internationale de la France dédiée à l’égalité femmes/hommes (2018-2022) et elle devrait être renouvelée cette année.
Y a t’il réellement des changements dans la politique de développement de la France ?
L’intégration de ces enjeux s’est faite de façon progressive par les pouvoirs publics, le premier document d’orientation sur le Genre du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a posé les premiers jalons dès 2007 et différents engagements et stratégies ont pu renforcer cette prise en compte du genre par la France les années suivantes.
En France, il existe une loi dédiée à la politique de développement – la loi d’orientation et de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales promulguée en août 2021 – qui grâce à la mobilisation de la société civile et le travail que la commission Genre et développent a fait avec les député.es a permis de rehausser les ambitions de la France en la matière. Cette loi fait de l’égalité femmes/hommes et fille/garçons une priorité transversale et spécifique de la politique de développement de la France et reconnaît les femmes, les filles et adolescentes comme des parties prenantes à l’élaboration de ces mêmes politiques. Pour son aide publique au développement, la France s’est engagée à augmenter ses objectifs, passant d’un objectif de 50% à un objectif de 75% de l’aide prenant en compte les inégalités de genre mais également 20% de l’aide fera de la lutte contre les inégalités de genre sa priorité. Ces nouvelles cibles se rapprochent des objectifs européens et des autres pays menant une politique étrangère féministe. Ces nouveaux engagements étaient donc incontournables pour que la France soit cohérente avec la diplomatie féministe qu’elle affiche et avaient été salués largement par Coordination SUD, une tribune avait été publiée à cette occasion dans le magazine 50/50. Aujourd’hui, un an et demi après la promulgation de cette loi, notre principale inquiétude concerne la mise en œuvre de ces engagements relatifs à l’aide publique au développement, car aucune augmentation en volume n’a été prévue pour 2022 ni pour 2023. Un autre sujet relatif à la politique de développement de la France, pour lequel la commission Genre et développement s’est fortement mobilisée a été la création du fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), est un outil novateur même si encore perfectible, il vise à soutenir financièrement les organisations issues des pays partenaires œuvrant pour les droits des femmes. Ces organisations féministes n’ont que trop peu accès aux financements de l’aide internationale, pourtant ce sont ces mêmes organisations qui sont les plus à même de lutter contre les inégalités dans leur pays. La création de ce fonds et plus récemment l’annonce de son renouvellement, représentent une avancée notable depuis que la France s’est engagée à mener une diplomatie féministe.
Où en est la diplomatie féministe aujourd’hui ?
Coordination SUD souhaite que l’année 2023 et la prochaine stratégie de la France dédiée à l’égalité femmes/hommes soit l’occasion pour la France de renforcer sa diplomatie féministe mais également de lui donner un cadre plus précis, défini en concertation avec la société civile, y compris avec les organisations féministes issues des pays partenaires. Au niveau de ses actions, la France a renforcé son engagement sur ces questions au niveau international, notamment lors du G7 de 2019 ou lors du Forum Génération Égalité en 2021. Mais la diplomatie féministe de la France est dans une certaine mesure encore en cours de construction et nécessiterait une plus grande prise en compte dans l’ensemble de la politique étrangère de la France pour être plus complète et cohérente. Le rapport du Haut Conseil à l’Égalité, « diplomatie féministe : d’un slogan mobilisateur à une véritable dynamique de changement » démontrait à juste titre le manque de moyens financiers et humains dédiés à la diplomatie féministe qui sont aujourd’hui largement insuffisants par rapport à l’enjeu et pour justement permettre la diffusion, l’appropriation et le portage à tous les niveaux de la diplomatie féministe dans l’ensemble de la politique étrangère de la France.
Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 Magazine
1 Pour plus d’information sur le dispositif FRIO et l’intégration du genre : https://www.coordinationsud.org/document-ressource/integrer-le-genre-dans-son-organisation-pourquoi-et-comment/
2 https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/enjeux-europeens-et-internationaux/travaux-du-hce/article/la-diplomatie-feministe-d-un-slogan-mobilisateur-a-une-veritable-dynamique-de