Articles récents \ Monde \ Pays Arabes Mohamed Nabil : « L’art pourra … participer à créer une autre image des femmes au Maroc »

Mohamed Nabil après des études en philosophie et pédagogie, enseigne au Maroc durant quatre ans avant d’émigrer au Canada en 2001. Diplômé en journalisme et sciences politiques à Québec, il étudie le cinéma à Montréal. En 2005, il tourne Philosophe son premier court-métrage au Canada, . Depuis 2006, il vit à Berlin et travaille comme journaliste, artiste et cinéaste. En 2009, il fonde la société de production Mia Paradies Productions. Son premier documentaire, Rêves de femmes, un film sur les femmes allemandes, a connu un certain succès. Le documentaire suivant, Joyaux de la tristesse, sur les mères célibataires, est la première partie d’une trilogie des films sur les femmes au Maroc. Il a été présenté à plusieurs festivals internationaux autour du monde, ainsi que sur la télévision BBC World arabe. Le documentaire Silent cells, sur les femmes détenues dans les prisons marocaines, est la deuxième partie de sa trilogie.

Vous avez réalisé trois documentaires, tous sur des femmes avec des thématiques différentes. Est-ce un femmage que vous leur rendez ?

Mon rapport au sujet de la femme est lié d’abord à mon enfance. Ma mère et ma grand-mère paternelle et ma tante étaient pour moi une source d’inspiration. Je les ai accompagnées au hammam et lors de leurs visites aux proches et aux voisins. J’ai alors découvert ce monde au féminin rempli de mystères et de secrets. J’écoutais tout ce qu’elles me racontaient. Elles parlaient de la vie dure, des hommes et de leurs problèmes. DU moment où j’ai décidé d’étudier la philosophie et la sociologie, j’ai commencé à voir le sujet de point de vue scientifique : le sujet de la femme est devenu une question.

Dans Joyaux de la tristess , vous donnez la parole aux mères célibataires qui se retrouvent discriminées par leur famille. Estimez-vous que la société marocaine doive changer son regard vis-à-vis de ces victimes ?

Bien sûr ! 5% des Marocaines sont des mères célibataires et elles sont de plus en plus nombreuses. Cette présence forte pose une question primordiale : qu’est-ce que la famille, qu’est-ce que le mariage ? Il faut thématiser le sujet loin des idéologies, protéger les mères célibataires et éviter de les discriminer quand un enfant naît hors mariage.

Dans Le Silence des Cellules qui traite de l’univers carcéral des femmes, qu’est-ce qui vous a le plus choqué ? Avez-vous rencontré des difficultés lors du tournage ? 

Être derrière les barreaux est en soi un choc. Les histoires de prison sont terrifiantes partout. Filmer à l’intérieur de la prison a nécessité deux ans d’attente avant d’obtenir une licence pour tourner. Il faudrait penser à des peines alternatives pour les femmes parce que j’ai entendu des histoires douloureuses de femmes qui sont en prison à cause de chèques sans provision par exemple. Le cinéma est un art visuel et aussi un espace d’expression.

Peut-on dire que les mentalités commencent à changer grâce à l’effet  #TaAna Metoo ?

Oui, les mentalités évoluent mais cela reste relatif. Il faut aller plus loin dans le domaine de l’éducation, de la sensibilisation et reconstruire une image positive de la femme marocaine dans les manuels scolaires par exemple.

Il y a eu des initiatives en termes de loi ainsi qu’un travail formidable des activistes, des ONG et des associations qui défendent les droits des femmes… mais il faut aller plus loin, car la situation des femmes au Maroc demeure critique. Nous ne pourrons jamais parler du développement sans la présence des femmes et leur contribution dans la société. L’art pourra contribuer à dévoiler les misères et participer à créer une autre image des femmes au Maroc.

Est-ce que l’écart entre population urbaine et rurale en termes d’éducation s’est réduit ces dernières années ?

Je ne pense pas. Selon les chiffres et les études et le vécu aussi, il y a une régression énorme dans ce domaine. Il faut lutter contre l’analphabétisme et préparer les circonstances favorables afin de construire un futur meilleur pour les femmes.

Quel a été l’accueil de vos documentaires au Maroc, par les hommes et par les femmes ?

L’accueil de mes documentaires au Maroc a été positif. Cela m’a donné l’espoir pour un Maroc meilleur dans lequel les femmes pourraient jouir de leur droits et retrouvé leur dignité. Le public marocain voulait voir son image et c’est pour cette raison que le public est venu découvrir mes films. J’ai noté une excellente interactivité dans les débats qui se sont organisés lors de la projection des films.

Dans quelles salles vos documentaires inédits seront-ils diffusés en France ?

Mes films ont été projetés le 13 janvier 2023 à Nice. Un moment inoubliable ! Une discussion enrichissante avec une couverture formidable de la part de la presse française. Mes films restent disponibles sur les réseaux sociaux sur commande et je cherche toujours des distributeurs qui pourraient les distribuer en France.

Quel sera le thème de vos prochains documentaires ?

La femme et la mort en Allemagne et la femme et le travail au Maroc .

Propos recueillis par Laurence Dionigi 50-50 Magazine

 

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