Articles récents \ DÉBATS \ Contributions Au Pakistan, les prisons pour femmes sont surpeuplées

Selon l’Express Tribune d’aujourd’hui (12/12/22), dans le Sindh, l’une des quatre provinces du Pakistan, les prisons « débordent d’une population deux fois plus nombreuse que le nombre de places disponibles ». Certaines prisons sont six fois plus remplie que la capacité qui est prescrite. Dans un autre article, toujours dans l’Express Tribune d’aujourd’hui, au Pendjab, la province la plus peuplée du Pakistan, 927 femmes sont actuellement incarcérées. Parmi ces femmes, 91 sont des mères qui vivent actuellement, en prison, avec leurs enfants. Que signifient ces chiffres et, plus encore, où sont les femmes ?

Les trois prisons pour femmes du Sindh sont situées à Karachi, Hyderabad et Sukkur. Ensemble, elles hébergent 486 femmes. Leur capacité officielle est de 420 places, et elles dépassent donc de 18 % leur capacité. Pour mettre cela en perspective, la capacité officielle des prisons du Sindh est de 13 500 places, et elles hébergent actuellement 23 500 détenu·es. Les prisons pour hommes et pour femmes sont surchargées à 74 %. Voici ce qu’il en est de la situation désastreuse des femmes incarcérées. Sur les 486 femmes incarcérées, 421 sont en cours de jugement, ou en détention provisoire. C’est-à-dire qu’elles sont en attente de jugement. 87% de ces femmes n’ont été condamnées pour aucun crime. Pour la population carcérale générale du Sindh, 77% sont en attente de jugement. Si l’État libérait les gens, et surtout les femmes, avant le procès, non seulement il n’y aurait pas de « surpopulation carcérale », mais il n’y aurait presque plus de prison. De plus, si l’État libérait les femmes en attente de jugement, l’impact sur leurs enfants serait bénéfique.

Ce qui nous amène au Pendjab, où 927 femmes sont incarcérées. 91 d’entre elles sont des mères élevant leurs enfants en prison. Sur ces 91 mères, 67 sont en attente de jugement. 74% des femmes ne sont officiellement coupables de rien, mais elles et leurs enfants doivent subir l’incarcération. Comme c’est souvent le cas dans le monde, les femmes expliquent qu’elles sont accusées d’avoir agressé des partenaires violents. Dans d’autres cas, les partenaires ne peuvent pas prendre les enfants, pour diverses raisons, dont le divorce. Ainsi, dans une seule province, 105 enfants de moins de six ans vivent et grandissent, ou non, dans des prisons, où les écoles sont le plus souvent absentes et où l’environnement est cruel et inapproprié.

Pendant ce temps, les prisons du Pendjab dépassent de 38 % leur capacité prescrite. Les prisons connaissent régulièrement des pénuries alimentaires, ainsi que des pénuries de personnel. Le Pendjab compte 42 prisons ; 21 n’ont pas de médecin. L’ensemble du système compte un total de 40 médecins, pour une population de près de 51 000 personnes qui ne cesse de croître… et qui tombe malade et meurt.

À la fin de l’année dernière, les prisons pakistanaises accueillaient 85 670 personnes, dont 60 000 – 70 % – étaient en attente de jugement. À cette époque, 1 399 femmes étaient incarcérées. On ne sait pas exactement combien de temps les gens attendent dans des conditions surpeuplées, toxiques et dangereuses pour la vie que « la justice soit rendue », mais il est clair que la situation est intenable. Rien de tout cela n’est nouveau : « Le Pakistan a hérité du régime colonial britannique en Inde un système pénitentiaire obsolète qui n’a pas beaucoup changé depuis plus de 200 ans. Aujourd’hui encore, la loi sur les prisons de 1894 et la loi sur les prisonniers de 1900 sont les principales lois qui régissent les prisons et les prisonniers au Pakistan. » La loi sur les prisons de 1894 est née des recommandations du comité de discipline des prisons de 1838.

De 1838 à 2022, et au-delà, du Pakistan et de l’Inde à l’Angleterre et au-delà, des femmes et des enfants souffrent d’indignité, de violence, de cruauté, de maladie et de mort parce que la politique de l’État a créé les circonstances dans lesquelles les prisons sont bondées « au-delà de leur capacité ». Savez-vous ce qui est dans notre capacité ? La justice. Fermez les prisons et les pénitenciers. Décolonisez les systèmes de justice aujourd’hui.

Dan Moshenberg fondateur de Women In and Beyond the Global

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