Articles récents \ France \ Société Abolir la pornographie, cette machine à broyer les femmes et les enfants
Quoi de plus scandaleux que la pédopornographie ? L’utilisation d’enfants dans des scénarios de violences sexuelles ou les photos d’enfants nues dans des postures sexualisées suscite un dégoût profond. Ce sentiment est tellement commun et bien ancré dans les mentalités qu’on n’a plus besoin de décrire ni d’expliquer pourquoi il faut en protéger nos enfants ni pourquoi ceux qui font et produisent ces films doivent être poursuivis et punis. Le porno mettant en scène des enfants est le summum de la perversion, un crime odieux, la pire abjection, la cruauté à l’état pur. Un consensus social règne sur ce sujet. Pourtant ces films sont très regardés.
Le marché du film pédopornographique est, comme tous les marchés, régi par la loi de l’offre et de la demande. Cette demande existe, elle conduit des producteurs à risquer de lourdes peines de prison en enlevant des enfants ou en trompant leurs parents, en recrutant du personnel complice, en réalisant ces films et en les commercialisant par des canaux parallèles. Ne nous y trompons pas, même si elle est interdite, cette activité reste rentable sinon elle ne serait pas pratiquée avec une telle persistance et si elle est rentable, c’est qu’elle a une clientèle. Cette clientèle fait partie de la même population, qui considère ces activités comme absolument criminelles, insupportables et les
condamne de façon unanime. La consommation de pédopornographie est forcément secrète, l’attitude d’opposition scandalisée à cette pratique peut servir d’alibi.
Des viols filmés
Sous couvert de liberté d’expression, les films porno mettant en scène des adultes en revanche sont globalement approuvés, même par des gens qui ne les consomment pas, et l’opinion publique considère que les productions porno doivent avoir le droit d’exister. Souvent l’expression « d’actrices et acteurs » porno est utilisée. Dans le théâtre et le cinéma, actrice est le féminin d’acteur, les deux mots font référence au même métier. Dans le porno en revanche, les hommes acteurs ont une véritable carrière d’acteurs de cinéma d’un genre particulier réservé aux adultes, même si le caractère sulfureux et transgressif de l’activité ne leur permet pas d’atteindre une véritable célébrité alors qu’employer le mot d’actrice est une hypocrisie cruelle, une véritable tentative de dissimulation de violences sexuelles. Les femmes qui ont témoigné contre les producteurs de porno (Dorcel, Peron de Jacquie et Michel) récemment entendues par la justice ont toutes déclaré avoir été piégées
dans le porno. Elles n’y accomplissent aucune performance d’actrices devant la caméra, elles y sont brutalement violées. Les viols filmés sont donc la matière principale de cette industrie « culturelle » dont l’existence semble, pour le grand public, relever de la liberté d’expression. Ces adultes dont l’âge, supérieur ou égal à 18 ans fait toute la différence pour l’opinion publique ont toutes été fragilisées économiquement et attirées par la perspective de sortir de la pauvreté en se faisant torturer et filmer. Elles ont toutes donné des consentements qui devraient être considérés comme invalides du fait de la distorsion du rapport de forces entre elles et les personnes, producteurs, réalisateurs ou acteurs qui requéraient ces consentements. Mais comme elles sont adultes, leur
consentement assure aux producteurs une certaine impunité.
Or subir des violences sexuelles à l’âge adulte est souvent l’aboutissement d’un continuum de violences depuis l’enfance, et donner son consentement à subir les violences sexuelles que sont les rapports non-désirés est un abandon du contrôle sur son propre corps. Il est d’une extrême dangerosité pour la personne et la décision de donner son consentement ne peut s’élaborer que dans le psychisme d’une personne suffisamment dissociée pour que cet abandon puisse être envisagé.
Les victimes de violences sexuelles dans l’enfance et ou l’adolescence développent cette
dissociation du corps et de l’esprit pour survivre au traumatisme. Elles s’habituent à cette déconnexion et leur cerveau leur permet de survivre en s’absentant de leurs corps pendant qu’elles subissent des sévices et des viols. Ce sont elles que l’industrie du porno recrute dés qu’elles ont 18 ans : elles seules sont déjà préalablement suffisamment dissociées de leurs corps pour accorder aux opérateurs de cette industrie cet abandon de soi nécessaire à l’accord qu’elles donnent à des viols répétés. L’industrie du porno capitalise donc directement sur le traumatisme psycho sexuel et prospère sur le consentement vicié de victimes de pédocriminalité, d’anciennes enfants violées.
La fameuse différence entre l’activité criminelle qu’est la pédopornographie qui fait tant horreur à tout le monde et la porno adulte considérée comme une production culturelle anodine, voire même nécessaire, repose sur la transformation magique et brutale d’une enfant traumatisée par les viols subis en une actrice consentante, et suffisamment consciente de ce qui lui est demandé pour assurer sa propre sécurité sur un tournage. Qui peut croire à cette transformation magique ? Que se passe-t-il dans la tête d’une victime de viols le jour de ses 18 ans ? Les traumatismes subis dans l’enfance guérissent ils brusquement ? Pourtant cet anniversaire dédouane les producteurs, les acteurs, les réalisateurs de porno : ils ne peuvent pas être accusés du pire des crimes, ils ne réalisent pas, ne filment pas de viols d’enfants, leur activité est légale et acceptée par une majorité des femmes, et consommée par une majorité des hommes en toute impunité. C’est pourtant une évidence : il n’y a pas de transformation magique des filles le jour de leur 18 ans. Conditionnées dés l’enfance à subir des violences sexuelles, elles restent dissociées de leurs émotions, elles restent absentes de
leurs corps lorsqu’elles sont violées. La cruauté de ce qu’elles subissent ne s’atténue pas. En revanche, la responsabilité de leurs violeurs n’est plus engagée, elles donnent leurs consentements, ce sont donc elles qui sont responsables. Merveilleux subterfuge inventé par les pornographes avec la complicité du législateur pour asseoir la légitimité de la pornographie : les victimes se font appeler actrices, elles sont adultes, elles consentent. Fin de la discussion.
Protéger les enfants de la pornographie pour mieux faire accepter la torture des
femmes ?
Début d’une autre discussion : qui consomme ces séquences de viols filmés ? Qui clique
sur le bouton « J’ai 18 ans » en première page de sites tels que Pornhub ou Youporn ? La
réponse est simple et a été confirmée par plusieurs études : des enfants à partir de 9 ou
10 ans, presque tous les garçons et un tiers des filles à partir de 13 ans, une grande
majorité des hommes adultes. Qu’y voient ils ? Des viols de femmes jeunes, correspondant aux standards de beauté dictés par notre culture patriarcale, (les exagérant même souvent), extrêmement minces, bronzées, et lisses, qui semblent prendre plaisir à la torture qui leur est imposée, ou du moins ne pas s’en défendre.
Les garçons intègrent donc dés l’enfance comme une norme qu’un homme torture impunément une femme, qu’elle y prend même du plaisir, et que c’est ce que deux adultes font ensemble dans l’intimité et qu’on appelle un rapport sexuel. Les enfants se laissent plus facilement impressionner par les images que les adultes, et même une consommation passagère de contenus pornographiques peut marquer durablement un cerveau en pleine construction. La brutalité, la domination de l’acteur et son érection interminable d’une part et la soumission, l’humiliation de la femme réduite à un objet de
consommation, pénétrée par tous les orifices corporels sans aucune participation active
à ce qui lui est fait et semblant s’en réjouir d’autre part forment des schémas mentaux
puissants et durables.
La construction de leur personnalité d’hommes est alors imprégnée de cette violence et beaucoup d’hommes considèrent réellement les viols pornographiques comme des éléments du langage amoureux et les reproduisent dans leur vie sexuelle. Les femmes qu’ils fréquentent doivent s’y plier ou renoncer. Beaucoup de très jeunes filles sont amenées lors de leurs premiers moments d’intimité à accepter des pratiques humiliantes et à abandonner les limites qu’elles s’étaient fixées car le partenaire ne les respecte pas, voire les enfreint à dessein. Lors des soirées d’adolescents, les visionnages de porno sont fréquents et ils donnent lieu à des surenchères des garçons et jeunes hommes entre eux et à des challenges sur ce qu’ils prévoient de réaliser avec leur petite amie.
Certaines filles participent à ces visionnages. Il n’y a pas de meilleur entraînement au viol, pour les uns, et à l’acceptation du viol pour les autres.
Ainsi le « grooming » pratiqué par les pédo-criminels qui consiste à conditionner leurs victimes à l’acceptation du viol par des manœuvres de mise en confiance est réalisé à distance par les pornographes qui diffusent ces contenus, sachant très bien qu’ils sont vus par une forte proportion d’enfants. La consommation précoce de porno prépare les enfants à l’abandon de leurs limites corporelles et psychiques, à la normalisation de l’effraction de l’autre. La diffusion de contenus pornographiques « acceptables » permet de mettre certains enfants, plus exposés que d’autres, à la disposition de pédo-criminels.
Une législation qui interdit de filmer des viols d’enfants mais autorise les films de viols de femmes
Criminaliser la pédopornographie apparaît donc bien comme une hypocrisie. Imprégner les enfants et adolescent.es de la culture du viol grâce à de la pornographie « adulte » et déformer leur perception de leurs propres limites, en faire des victimes potentielles toutes trouvées pour les criminels qu’ils risquent de rencontrer : tout le conditionnement est fait avec la partie légale de la pornographie. Cette production de porno censée protéger les enfants en ne les filmant pas les expose en réalité. Ne pas
accepter que des enfants soient violés devant la caméra mais accepter l’effraction psychique que constitue l’exposition à des viols filmés est une fausse protection. Mais le pire est que cette exposition, délétère pour l’esprit des enfants et des adultes est faite, en détruisant des femmes, violées, elles, devant une caméra, dès la sortie de l’enfance, pour produire ces images. A quoi nous sert une législation qui interdit de filmer des viols d’enfants mais autorise les films de viols de femmes ? Des films que des enfants verront ? Sachant que des filles violées dans leur enfance constituent l’essentiel des victimes recrutées dés leur 18 ans pour y remettre en scène les traumatismes subis, il est clair que la législation ne protège pas les enfants, ni les femmes. Elle ne protège que les pornographes, ceux qui fabriquent et vendent ces films, ceux qui les achètent et les diffusent. Elle protège la bonne conscience d’une société qui ne veut pas voir ses contradictions et se donne
l’illusion de la liberté d’expression. De quelle liberté parle-t-on ? La liberté des hommes de consommer des viols de femmes vulnérables, filmées par des hommes qui profitent des traumatismes qu’elles ont subis enfants. Cette liberté ne profite pas aux garçons, exposés de plus en plus jeunes à cette violence, qui en deviennent dépendants et ne peuvent pas avoir de vie sexuelle à l’âge adulte tant les scénarios des films porno ont empoisonné leurs imaginaires et paralysé leur créativité. Cette liberté s’exerce définitivement sur le dos des femmes dont elle cimente l’infériorité et la soumission.
En torturant des femmes et en répandant les images de ces tortures dans le monde entier, des hommes exercent leur soi-disant liberté d’expression, l’expression de leur mépris des femmes et des filles, de leur misogynie, ils exercent leur liberté de considérer la sexualité comme une performance viriliste, comme une destruction de l’autre. La pornographie existe pour perpétuer cette violence structurelle. Elle n’a pas sa place dans une société égalitaire et respectueuse des droits de la personne.
De même que la prostitution et la grossesse pour autrui doivent être abolies, extirpées de l’humanité, car il n’y a pas de prostitution heureuse, il n’y a pas de GPA éthique, la torture de filles et de femmes et sa diffusion devrait être abolie, car la production de pornographie détruit les femmes et sa diffusion à tous les hommes de la planète détruit leur psychisme abolit leur liberté, anéantit leurs désirs. La pornographie n’est ni utile, ni libératrice, n’a aucune valeur intellectuelle ou culturelle, elle est l’égout du sadisme de l’humanité mâle qui ressasse sa domination.
Florence-Lina Humbert 50-50 Magazine
Étiquettes : Violences Prostitution