Brèves Violences sexuelles : le coût de l’accès à la justice
Combien coûte la justice pour les victimes de violences sexuelles ? Le chiffrage de la Fondation des Femmes
À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, le 25 novembre la Fondation des Femmes publie un rapport intitulé : “Cinq ans après #MeToo : le coût de la justice pour les victimes de violences sexuelles”. Rédigé par les expertes Lucile Peytavin et Lucile Quillet – le rapport met en lumière les innombrables obstacles et impasses sur le parcours des victimes de violences sexuelles pour accéder à la justice et les coûts que ce parcours engendre.
10 657 euros : c’est le coût d’une procédure judiciaire pour viol d’après l’évaluation faite par les autrices du rapport, au vu des données disponibles.
Alors que seules 13% des 95 000 femmes victimes de viols ou de tentative de viol portent plainte pour les violences subies – en raison de l’ensemble des obstacles sur leur route de l’accueil au commissariat à l’audience, le rapport met en évidence, un barrage supplémentaire à l’accès à la justice pour les victimes : le coût de celui-ci.
Cinq ans après #MeToo, la Fondation des Femmes a également étudié l’indemnisation des victimes de violences sexuelles pour leur préjudice subi. De fait, seule une infinitésimale partie pourra prétendre et obtenir une indemnisation. Le rapport vient contredire formellement l’idée reçue et sexiste qui voudrait que les victimes cherchent à s’enrichir en portant plainte, dans la droite ligne du mouvement #OnNePortePasPlaintePourlArgent.
En réalité, les victimes doivent la plupart du temps assumer seules les frais de défense et de reconstruction, les aides disponibles étant insatisfaisantes. A la violence sexiste et sexuelle s’ajoutent alors la violence économique et le risque de paupérisation. Les victimes ne portent pas plainte pour l’argent, la plupart du temps elles ne portent tout simplement pas plainte. Ce faisant, l’impunité des auteurs de violences est renforcée (moins de 1% des auteurs de viols sont condamnés par la justice).
Ce rapport est la première production de l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes de la Fondation des Femmes, qui réunit, grâce au soutien du Crédit Municipal de Paris, des expertes (économistes, autrices, chercheuses, etc.). (voir à propos)Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes : “ Non, trois fois non, les victimes de violences sexuelles ne portent pas plainte pour de l’argent. Au contraire, la justice leur fait défaut : pour celles qui portent plainte, elles ont peu de chance de voir leur plainte aboutir, et leur démarche se fait souvent au prix d’une vulnérabilité financière et psychologique accrue. Bien rares sont celles qui obtiennent une quelconque réparation. C’est cette précarisation là que la Fondation des Femmes a voulu interroger et mettre en évidence. ”
Lucile Quillet, co-autrice du rapport : “ Les femmes parlent, et après ? En travaillant sur ce rapport, nous avons découvert un parcours miné de pièges et d’obstacles, où les victimes font face à une triple peine : à la violence sexuelle viennent s’ajouter des coûts financiers et psychologiques. Ces coûts créent des dommages à long terme et produisent un effet d’entonnoir : plus on avance dans la procédure, plus les victimes sont déboutées ou découragées. Pour obtenir justice, il faut que votre plainte soit prise, qu’elle ne soit pas classée sans suite, que vous ayez les moyens de payer un avocat, que l’affaire ne soit pas requalifiée, que l’agresseur soit condamné, que votre avocat ne sous-estime pas le montant de l’indemnité demandée, qu’il ait bien versé ses factures à la procédure pour que vous soyez remboursée. Sans compter l’attente, entre 5 à 7 ans, en moyenne. C’est une ultra-minorité de victimes qui obtient justice. Les autres paient le prix d’une quête de justice qu’elles n’obtiendront jamais. «
Lucile Peytavin, co-autrice du rapport : » La violence masculine engendre des coûts de justice faramineux : chaque année l’Etat dépense des milliards d’euros et les victimes des milliers d’euros pour très peu de condamnations au final. Il est urgent de mettre fin à cette absurdité qui nous coûte à toutes et à tous très cher. C’est pourquoi le travail réalisé au sein de l’Observatoire pour l’émancipation économique des femmes de la Fondation des femmes est essentiel. «
Frédéric Mauget, Directeur Général du Crédit Municipal de Paris : “ Garantir l’accès de toutes à la justice implique de révéler l’étendue et les ressorts des inégalités économiques entre femmes et hommes, mais aussi de mettre fin aux préjugés mortifères laissant croire que les victimes de violences sexuelles obtiennent d’importantes sommes d’argent, quand leur parcours judiciaire représente au contraire un coût financier et psychologique colossal. En cela, le travail de l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes est fondamental – soutenir sa création était une évidence pour le Crédit Municipal de Paris, qui accompagne les Parisiennes et Franciliennes en situation de fragilité pour leur permettre de reprendre le pouvoir sur leurs finances.”
A propos des autrices du rapport
Lucile Peytavin est historienne spécialiste des droits des femmes, autrice de Le coût de la virilité. Ed; Anne Carrière et experte Psytel.
Lucile Quillet est journaliste, conférencière, experte du travail des femmes et autrice de l’essai Le Prix à payer, ce que le couple hétéro coûte aux femmes. Ed. Les Liens qui Libèrent.