Articles récents \ Culture \ Livres Editions des femmes-Antoinette Fouque : publications de l’automne 2022
Depuis leur création en 1973, les Editions des femmes-Antoinette Fouque jouent un rôle moteur dans la vie éditoriale, intellectuelle et culturelle française en mettant en lumière les créations d’autrices. Les Editions des femmes proposent fictions, récits, biographies, essais, livres audio. Proposition de lectures pour l’automne.
Non-fiction
[Essai] Face à la destruction, Psychanalyse en temps de guerre, Houria Abdelouahed : 29 septembre 2022
Le soulèvement en Syrie a suivi le début du printemps arabe, mais a été concomitant à la naissance de Daeshet dudit État islamique (EI) en Irak et en Syrie, qui restera dans l’Histoire et dans la mémoire collective comme l’exemple d’une sauvagerie brute. La cruauté d’une guerre devenant de plus en plus complexe a provoqué la fuite des humains qui ont côtoyé la déshumanisation et ont vécu les affres de l’exil lorsqu’ils n’ont pas été engloutis par la Méditerranée, devenue un cimetière marin. Par quoi passe l’analyste qui travaille avec celles et ceux qui fuient la guerre ou les rescapé·e·s qui ont vu et vécu l’insoutenable ? La cruauté des images qui nous parviennent via les réseaux sociaux et les médias se redouble de la violence dans le récit des patientes et patients. Comment travaille l’analyste lorsqu’elle est déjà pleine de toutesles horreurs vues avant de les avoir entendues ? Quelle écoute apporter alors que la guerre fait encore rage ? Lorsque le lointain (la Syrie) vient, dans le ici et le maintenant de la séance, réactiver tous ces thèmes : religion, exil, histoire, langue, mort, disparition et dictature. Comment travailler en temps de guerre ? Peut-on garder une neutralité lorsqu’on reçoit des rescapé·e·s qui ont éprouvé faim, soif, désabri et ce qui défait le corps et la pensée ? Peut-on être orthodoxe en de telles circonstances ? Et comment travaille l’analyste lorsque la guerre en Syrie va de pair avec la radicalisation et les attentats en France ?
[Biographie] Daniel Stern, comtesse d’Agoult De la Restauration à la IIIe République, Marie Octave Monod : 6 octobre 2022
Dans cet ouvrage, paru initialement en 1937 aux éditions Plon et enfin réédité grâce à Jean-Noël Jeanneney, Marie Octave Monod s’attache à retracer l’existence de Marie d’Agoult, femme de lettres du XIXe, dont l’Histoire a occulté le travail prodigieux. Comme son amie George Sand, elle choisit de publier sous pseudonyme masculin. Marie d’Agoult devient Daniel Stern, pour un lectorat passionné par ses romans mais également ses essais et traités historiques. Dans son ouvrage Histoire de la Révolution de 1848, elle rapporte les événements avec un point de vue personnel et contemporain, une référence encore très précieuse pour les historiens. Républicaine convaincue, elle tient un salon où se rejoignent de grands intellectuels de l’époque tels que Ledru Rollin et Lamartine. Marie Octave Monod s’intéresse également à la vie privée de Marie d’Agoult, de sa liaison passionnelle avec le compositeur Franz Liszt, au mépris de ses contemporains comme Victor Hugo en passant par ses célèbres amitiés et son admiration pour Goethe. C’est avec une grande rigueur qu’elle retrace le portrait d’une femme passionnante, au caractère complexe et à l’œuvre magnifique. La présente édition est enrichie d’une préface de Jean-Noël Jeanneney, historien et petit-fils de la biographe.
Fiction
L’évidence du vrai, Viviane Cerf : 22 septembre 2022
Dans un Paris suffocant, où les températures sont tellement hautes qu’il est seulement possible de vivre la nuit, où les rayons du soleil sont si dangereux que sortir en plein jour vous expose à mourir carbonisé, les habitants tentent de survivre. Chacun est le rival de l’autre, une menace dans tous les domaines, et c’est à peine si peuvent s’ébaucher des relations simplement humaines. Sans compter que tout un chacun est constamment surveillé pour ne pas remettre en cause cette société qui ne profite qu’à de très rares privilégiés. Mais l’espoir vient peut-être,
paradoxalement, des destructions des catastrophes naturelles… En effet, les tremblements de terre fréquents qui ravagent la ville sont aussi les seuls moments où il est possible de sortir sans être filmé. Au hasard des séismes, certains travaillent dans l’ombre et organisent la résistance. Quelques destins vont alors pouvoir se croiser : Lia, brillante informaticienne, chargée de la sécurité informatique de l’Élysée, Guillaume, physicien travaillant à assainir l’air, Philippe, un juge taraudé par l’idée du sens de sa vie… Existe-t-il une autre vérité que la vérité officielle inlassablement diffusée ? Quelle est donc cette évidence du vrai ? Viviane Cerf peint une fresque foisonnante et dure, nous projetant dans un futur tellement réaliste qu’il semble
déjà présent. Le récit est palpitant, la vision profonde et le questionnement infini.
Rose saignée (Suivi de L’étrange amour de Monsieur K. et Eros saigne), Xavier Gauthier : 6 octobre 2022
Cette œuvre poétique publiée initialement en 1974 fut l’un des premiers textes portés par la toute jeune maison d’édition des femmes-Antoinette Fouque. Profondément novatrice, polymorphe et anticonformiste, elle trouve une résonance particulière auprès des jeunes générations féminines et féministes, avides d’apprendre de leurs aînées.
De la mythique Istanbul à d’autres rivages, l’errance de plusieurs personnages compose la trame narrative de ce texte qui peut se lire comme un roman traversé de lambeaux oniriques, d’images. C’est la saison en enfer d’une femme. Pour « avoir un sexe », être la reine des hommes qui n’aiment que les hommes, il faut mettre leurs masques de fard, leurs voiles, et tuer, avec eux, la mère. L’écriture est alors perçue comme une tentative de vivre une rébellion de femme, exigeante et transgressive.
La vie bonne et d’autres vies, Jacqueline Merville : 13 octobre 2022
Contrainte de revenir d’Inde pour un confinement qui va bientôt se mondialiser, la narratrice tente de maintenir un lien avec une amie restée sur les bords de l’océan Indien, tout en restant enfermée dans son appartement, à l’étage d’une ancienne gentilhommière du Sud de la France. Dans le salon, un grand miroir d’où émanent, furtives, d’étranges présences, comme les signes d’un autre temps. Peu à peu, ces inquiétantes présences se transforment en une douce compagnie, fantomatique et rassurante et un dialogue s’instaure avec ces étranges revenantes et anciennes habitantes des lieux dont l’une a inspiré à Marcel Proust le personnage de la duchesse de Guermantes dans La Recherche. L’histoire de leurs vies se mêle à celle de la narratrice, tout comme le temps, suspendu, devient un nœud où peuvent s’entremêler présent, passé et futur incertain.
De sa plume délicate, Jacqueline Merville brosse le portrait intérieur d’une femme en temps de crise et invite avec grâce lectrices et lecteurs à la suivre dans ses voyages immobiles à la recherche de la vie bonne.