Articles récents \ France \ Société Sexualité : la vérité sort-elle vraiment de la bouche des adolescent·es ?

La sexualité reste un sujet tabou pour la société, surtout quand il s’agit de la sexualité des adolescent·es. Il est toujours difficile de parler de leur rapport à la pornographie, au consentement ou encore à la première fois. Elles/ils semblent pourtant vouloir s’affranchir des codes des générations précédentes et avoir un rapport différent avec la sexualité. Il serait donc temps d’en parler.

Quatre groupes d’adolescent·es composés de 3 à 10 personnes d’un lycée catholique ont accepté de répondre aux questions de 50-50 Magazine pendant leur pause du midi. Tou·tes âgé·es de 15 à 18 ans et donc en classe de seconde, première ou terminale. Le but étant de lancer des discussions pour que ces groupes d’ami·es puissent rebondir sur les pensées des un·es des autres. Etonnamment, elles/ils se sont facilement livré·es sur la question ô si délicate de la sexualité.

Le consentement : il y a un âge pour tout 

La première question concernait le consentement : sa définition, son importance et ses limites. La définition semblait claire pour tout le monde : “ c’est oui ou non ”, “ c’est donner son accord pour faire quelque chose ”, “ c’est le fait de demander à ta/ton partenaire s’il est d’accord pour un acte sexuel ou pas ”

Mais au-delà de cette définition, il était intéressant et important d’avoir leur point de vue sur l’importance du consentement. Était-ce un élément primordial pour elles/eux ? La réponse a été unanime “ OUI ! ”. C’est déjà une belle réussite. Une des filles de terminale précise : “ sinon, c’est du viol ”. Elle n’est peut-être pas la seule à le savoir, mais elle est la seule à le verbaliser. Cependant, un jeune garçon d’un autre groupe semble, lui aussi, en avoir conscience. Il dit : “ Sans le consentement, ça peut être dangereux. Après, tu peux être dans le merde si tu ne l’as pas ”. Une fille lui répond “ Oui c’est vrai tu peux être traumatisé·e ”. Il semble surpris et reprend en élaborant “ Bah non mais surtout celui qui le fait… il peut avoir une amende tu vois ? ”. Là, il devient clair que pour lui, le consentement est synonyme de la “ peur du gendarme ”. Il semble penser que le consentement est important non pour ne pas faire quelque chose d’horrible (un viol) mais surtout pour ne pas être punissable. Il semble aussi passer à côté du fait que le consentement est également fait pour lui, pour que lui puisse consentir à ce qu’il veut ou non dans un rapport sexuel. Nombre des adolescent·es interrogé·es semblaient avoir cette même idée, que le consentement concernait uniquement les filles. 

La question suivante portait sur l’âge minimal pour pouvoir consentir à un rapport sexuel selon elles/eux. Au sein du deuxième groupe, les jeunes filles n’étaient pas toutes d’accord. L’une a répondu qu’à partir de 14/15 ans, elle trouvait cela normal. Elle a ensuite ajouté que même avant cet âge, il était possible de consentir si la personne se sentait prête. Son amie s’est tournée vers elle avec un air choqué avant de rétorquer “ Je suis désolée mais non. A 13 ans, tu ne sais pas ce que c’est qu’un rapport sexuel. Tu peux trop te faire manipuler. ” Dans un autre groupe, le jeu de ping pong a été très semblable : “ On commence à parler de tout ça en quatrième, quand on a 13/14 ans, donc c’est là qu’on commence à avoir des idées. Je dirais que c’est un bon âge ”. Une autre répond :  » N’importe quoi. Pour moi c’est vers 15 ans qu’on commence à être un peu plus conscient·e de ce qui se passe autour de soi. C’est surtout là qu’on prend conscience qu’on a le droit de dire non. Donc c’est pas trop possible de consentir avant. ” 

Dans le dernier groupe, deux garçons ont répondu qu’ils pensaient qu’il n’y avait pas vraiment d’âge minimal et que tant qu’un·e enfant est en capacité de parler, elle/il est en capacité de consentir.

🎵🎶 C’est la toute première fois, toute première fois 🎶🎵

Ensuite, elles/ils ont parlé de la première fois. Y pensaient-elles/ils beaucoup ? La grande majorité a répondu oui, sans tabou. A part ces “ oui ” en cœur, il y a eu quelques nuances intéressantes. Une élève de seconde a répondu “ Mouais… en fait ça dépend si on a un copain ou pas. Comme je n’en ai pas pour le moment, je ne me sens pas trop concernée ”

Une autre élève de seconde a expliqué “ Moi non, je n’y pense pas du tout. Je n’ai pas l’âge ”. Dans son groupe, elles étaient toutes trois d’accord : le sexe, c’est une affaire pour personnes mariées. Les trois jeunes femmes, de confession musulmane, ont souligné que dans leur religion, les choses se faisaient ainsi. Elles ont également insisté sur le fait que les sentiments sont un facteur clé pour elles. Elles sont loin d’être les seules à penser de la sorte. Sur les quatre groupes interrogés, presque tout le monde était d’accord : “ je pense que pour la première fois au moins, c’est bien d’avoir des sentiments, sinon on peut vraiment regretter, c’est ça le problème ”, “ il faut pas faire ça avec n’importe qui ” ou encore “ pour moi la première fois ça doit pas se faire avec un coup d’un soir ”. Cependant, il y a une exception : “ tout le monde dit qu’il faut être amoureuse/amoureux de la personne avec qui on le fait mais pour moi, ce n’est pas vrai. Il faut juste avoir confiance en la personne. Si les deux ont envie de sexe et qu’elles/ils se sentent prêt·es, alors peu importe si elles/ils ont des sentiments ou non. Si c’est juste ton pote, bah c’est bien aussi. Vous pouvez vous amuser. ”

A la question sur le meilleur moment pour avoir cette première relation sexuelle, nombreuses/nombreux sont celles/ceux qui ont dit qu’il fallait se sentir prêt·e et qu’il fallait que ce soit avec une personne en qui on a confiance. Ils ont ensuite essayé de deviner à quel âge cette fameuse première fois se faisait en France. Dans un groupe, tout le monde se met d’accord sur “ 14 ou 15 ans ”, dans un autre “15/16 ans”, et dans le dernier, une fille dit “ 17 ans, je pense ” avant que cinq ou six de ses camarades lui disent « non pas aussi vieux, c’est plutôt à 15 ans ». La plupart des adolescent·es s’accordent donc à dire que la première fois se fait, en moyenne, à 15 ans. On pourrait croire qu’elles/ils ont raison puisqu’elles/ils parlent de leur propre génération mais ce n’est pas le cas du tout. Elles/ils ont une vision très faussée de leur propre réalité puisqu’une étude de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) datant de 2010 montre que la première fois se fait en moyenne entre 17 et 18 ans. 

La pornographie et son influence sur la sexualité des adolescent·es

“ Vous en pensez quoi de la pornographie ? ” Avec cette entrée en matière, il y a eu beaucoup de rires gênés. Après avoir échangé des regards hésitants, les adolescent·es ont répondu. Un groupe composé de trois filles a expliqué “ les gens font ce qu’ils veulent. Nous c’est pas notre truc mais je ne juge pas ceux qui aiment ça. Le souci, c’est que les gens regardent et veulent faire pareil ”. La question suivante les pousse sur ce chemin puisqu’elle porte sur l’influence de la pornographie. « Ça peut être positif ou négatif. Ça dépend du type de porno que les gens regardent » répond l’une d’entre elles. « Oui enfin la plupart du temps c’est bien négatif . Moi je pense que ça impacte le rapport entre les femmes et les hommes », la corrige son amie.

Le groupe composé des trois musulmanes a, quant à lui, commencé par dire “ je ne connais pas. C’est quoi au juste ? Des vidéos bizarres c’est ça ? C’est des nudes (1) ? ”. Après quelques précisions sur ce qu’est réellement la pornographie, c’est à dire des vidéos et images d’actes sexuels, elles ont élaboré : “ moi je pense que ça rend bête les garçons. Ils croient que ces films sont comme dans la vraie vie alors que c’est bien des films et rien d’autre ”.

Un autre groupe encore, celui des terminales, amène la discussion dans une tout autre direction. “ C’est trop facile d’accès. Il y a trop de jeunes, même à 10 ans, ils peuvent y avoir accès. C’est inadmissible. Je pense que les parents donnent les téléphones trop tôt et ne protègent pas les petit·es. ” 

Une adolescente du groupe semble surprise et répond “ Moi je suis pas d’accord. Je trouve ça bien que ça existe. On n’apprend pas tout avec le porno mais ça permet quand même d’apprendre certaines choses par soi-même. C’est le moment où tu découvres ton corps. Donc il y a des choses pas vraies, c’est sûr, parce qu’il y a de la mise en scène, mais il y a plein de choses vraies quand même. ” Cette réplique semble faire réfléchir le groupe et une des jeunes filles ajoute “ Ouais peut-être que c’est pas si mal mais je pense qu’il devrait y avoir un âge fixé ”. Quant à l’influence de la pornographie, ce groupe semble partager l’avis du groupe précédent “ Les hommes, ils croient trop que ça se passe comme ça tout le temps, mais il faut arrêter les bêtises en vrai.  » Une autre jeune fille encore raconte “ moi je pense que ça détruit les cerveaux des hommes ”.

Les groupes en non mixité totalement féminins ont eu des propos très décomplexés sur ce qu’elles pensent du rapport que leurs camarades masculins ont avec la pornographie. Il est fort peu probable qu’elles en auraient fait autant dans des groupes mixtes. 

Eva Mordacq 50-50 Magazine 

1 Nudes : anglicisme désignant des photos de personnes dénudées.

Remerciements à Luna, Clara, Romane, Maria, Camila, Myriam, Denise, Flora, Terry, Enola, Paulain, Malo, Romain, Susie, Laurette et Lou pour leur participation et leur bonne humeur.

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