Articles récents \ France \ Société Marine Gatineau Dupré : « Rajouter ou retirer le nom de la mère ou du père sans l’accord de l’autre parent, permet de (re)construire son identité »

La loi entrée en vigueur le 1er juillet 2022 est une mesure juste, logique, égalitaire et, avant tout, permettant de forger sa double identité. Celle-ci rappelle aux Français·es que le nom de la mère a la même valeur que le nom du père. Elle met fin à l’invisibilité et à l’effacement des mères dans la transmission du matrimoine familial. Finie l’obligation de quémander l’autorisation auprès du père pour rajouter son nom comme nom d’usage à celui des enfants engendré.es en commun.

En France, la loi autorisant les parents à donner leurs deux noms de famille aux nouveau-nés date de 2000. Cependant, afin d’éviter tous conflits familiaux lors d’une grossesse et dans la lignée d’un patriarcat bien ancré dans les mentalités françaises, un très forte majorité des nouveau-nés porte le nom du père, d’autant plus  que c’est le jeune papa qui déclare la naissance de son bébé à l’état civil pendant que la jeune maman est encore à la maternité.

À présent, chaque personne majeure, une fois dans sa vie, aura la possibilité de choisir entre le nom du père ou celui de la mère ou les deux accolés dans le sens souhaité. Le tout en effectuant une déclaration auprès de l’état civil. Une fois confirmé, le changement s’étendra automatiquement aux enfants de moins de 13 ans de la demandeuse/du demandeur et avec leur consentement au-dessus de cet âge. Une disposition a également été introduite en faveur des mineur·es, dans le cas de violences conjugales, incestes ou abus sexuels.

À l’initiative de ce projet, la conseillère municipale de Palavas-Les-Flots, Marine Gatineau-Dupré.

Il y a deux ans, vous avez créé le collectif « Porte mon nom ». Vous êtes la première Française à avoir accolé votre nom à celui du père de votre fils. Comment se sont déroulées les démarches auprès de votre mairie ?

Très simplement et très rapidement. J’ai signé un formulaire (Annexe page 11 de la circulaire) et sans l’autorisation du papa qui a toujours refusé que mon fils porte mon nom. Puis, j’ai prérempli sur le site du gouvernement Agence Nationale des Titres Sécurisés (ANTS) une demande pour refaire sa carte d’identité et son passeport. 

Quelle a été la réaction de votre fils quand vous lui avez exprimé votre souhait ?

Mon fils a 6 ans et trouve normal de porter les deux noms puisqu’il a deux parents.

D’après un sondage Ifop publié en février 2022, 22% des Français·es, tout sexe confondu, souhaitent changer de nom. Pensez-vous que ce pourcentage sera plus élevé ?

Si ce pourcentage est atteint, ça sera déjà beaucoup ! Il y a 4 000 demandes par an. Le motif légitime est accordé mais le motif affectif est souvent refusé par le juge. À présent, inutile de présenter une requête et de devoir se justifier. Notre collectif reçoit beaucoup d’appels et à 60% ce sont des hommes qui souhaitent prendre le nom de leur mère ou l’accoler à celui de leur père mais sans que cela se sache. Il y a encore ce tabou de la virilité dans notre société. Nous avons des hommes et des femmes qui ont été abandonné·es, battu·es voire ont subi des violences sexuelles dans leur enfance par leur père et ne veulent plus porter le nom de leur bourreau. Certain·es souhaitent retrouver leur nom original de famille qui a été francisé, d’autres au contraire, préfèrent ne conserver que leur nom d’origine française et retirer celui à consonance étrangère. Il est aussi possible de porter le nom d’un parent décédé ou de garder son nom d’usage pour son activité professionnelle. L’association SOS Papa a été également consultée et beaucoup d’entre eux vont accoler leur nom à celui de la mère pour leur enfant si l’autorité parentale est reconnue. L’administration publique a mis en place des logiciels pour pouvoir notifier le double-nom. Les banques réputées pour leur conservatisme, devront s’adapter et arrêter d’ouvrir des comptes ou émettre des chéquiers au nom de « Monsieur Paul Durand ou Madame », par exemple. Cela prendra un peu de temps…

Rajouter le nom de la mère, n’est-ce pas lui rendre femmage et lui donner une place au sein de l’histoire familiale ?

Tout à fait ! Les noms de famille fabriquent l’identité psychologique de l’enfant qui a besoin de l’héritage familial du père et de la mère pour se construire. Celui de la mère a toujours été ignoré, effacé, minoré et invisibilisé. Ainsi grâce à cette loi, rajouter ou retirer le nom de la mère ou du père sans l’accord de l’autre parent, permettra de (re)construire son identité. Pour certaines histoires dramatiques, ça sera une véritable thérapie.

Quel est votre prochain objectif ?

Notre prochain objectif est que cette loi s’applique sans représailles, sans insultes, sans menaces car il risque d’y avoir des conflits. Nous allons transformer notre collectif en association pour proposer des médiatrices/médiateurs et accompagnatrices/accompagnateurs pour faire évoluer les mentalités. Beaucoup d’hommes sont impliqués en cela. Nous aimerions également que la mère puisse déclarer conjointement son nouveau-né à la mairie. Le délai de déclaration d’une naissance est de cinq jours actuellement.

Il ne faut pas oublier que les femmes ont récolté le fruit du combat de leurs ainées. Nos enfants récolteront le résultat de notre travail d’aujourd’hui. Il faut rester optimiste. 

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

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