Articles récents \ France \ Société Le langage structure la pensée
Dans le livre 1984, Orwell poussait la dystopie au maximum en créant la novlangue. Sous couvert de vouloir simplifier la langue, ce langage restreint les capacités de réflexion de ses utilisatrices/utilisateurs pour qu’elles/ils ne puissent pas se rebeller contre le régime totalitaire qui impose pourtant ses idéaux liberticides (big brother, police de la pensée entre autres). D’où l’idée que “le langage structure la pensée”.
Dans 1984, le parti totalitaire au pouvoir veut supposément rendre la langue plus accessible, mais la transformation de cette dernière l’appauvrit drastiquement. La novlangue supprime de nombreuses subtilités et nuances, pourtant vitales à la réflexion et à la formulation d’avis. Des mots fourre-tout sont créés et par exemple, certains peuvent vouloir dire une chose comme son inverse, en fonction de la personne dont on parle. Tout dépend s’il s’agit d’un·e ami·e du parti ou d’un·e opposant·e, le sens du mot change. Ce qui rend l’argumentation contre l’Etat absolument impossible. C’est justement là le but de la mise en place de cette langue : il faut empêcher l’idée de la critique du gouvernement totalitaire. L’idée c’est que si on est incapable d’argumenter son avis, c’est forcément qu’il est faux. Donc si la langue natale d’un individu est la novlangue, sa personnalité sera profondément impactée ainsi que sa relation aux autres. La thèse centrale devient alors : le langage structure la pensée.
Le neutre ou le masculin déguisé
Un parallèle peut être fait avec ce qui se passe aujourd’hui dans nos écoles, dans la tête de nos jeunes. Si le langage structure la pensée, alors il est logique que dans un monde où la norme est de parler au masculin, les hommes aient plus de pouvoir que les femmes. Quand, à l’âge respectable de 6 ans, il est expliqué aux jeunes cerveaux influençables que “le masculin l’emporte sur le féminin”, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elles/ils sachent faire la part des choses et comprennent que cette règle n’est valide qu’en grammaire et pas dans la cour de récréation. Certain·es professeur·es pourront tenter de leur faire croire quelques années plus tard qu’en vérité, c’est juste que le genre neutre ressemble beaucoup (mais alors vraiment beaucoup) au genre masculin mais en plus de ne pas être vrai, il sera trop tard. Quand une graine est plantée à un si jeune âge, elle pousse pour devenir quasi intouchable. A partir de ce moment critique en CP, elles/ils perdent la capacité de se voir comme égales/égaux et commencent à voir le monde comme des endoctriné·es. Les filles pensent instinctivement au masculin et oublient de se compter elles dans tout ce qu’elles peuvent dire ou écrire. Parce que s’il y a 29 filles et un garçon dans la salle de classe, il faudra quand même tout mettre au masculin. Ce garçon aura plus de poids que ses 29 camarades. C’est pour contrer cette doctrine qu’est née l’écriture inclusive.
Une invisibilisation contournable
L’écriture inclusive a pour mission de faire apparaître le féminin aux côtés du masculin. Les deux genres sont visibles dans cette écriture puisqu’elle repense la grammaire, la syntaxe, le vocabulaire et la typographie française. Grâce à elle plus personne n’est oublié·e : ni les 29 filles ni le garçon. Tout le monde est représenté·e. Mais alors pourquoi tant de résistance ? La question est légitime puisque cette solution paraît être objectivement bénéfique pour toutes/tous. Les arguments les plus répandus découlent de la mentalité “if it ain’t broke don’t fix it” ou “s’il n’est pas cassé ne le réparez pas” qui est contre toute amélioration et anti-évolution. Pour les détracteurs de l’écriture inclusive, il vaut mieux préserver les choses telles qu’elles sont plutôt que de se creuser la tête à vouloir les rendre plus accessibles pour plus de monde. Ces personnes ne peuvent concevoir le monde qu’à travers leurs yeux à eux et si le langage n’est pas cassé pour elles alors il n’y a aucune raison de le “réparer”. Tant pis s’il ne convient pas aux autres.
Eva Mordacq 50-50 Magazine
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