Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes 6 ans après : l’application de la loi prostitution plus que jamais urgente et nécessaire !
Six ans après son entrée en vigueur le 13 avril 2016, la mise en œuvre pleine et entière de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitueur et à accompagner les personnes prostituées s’impose plus que jamais comme une urgence.
Nous demandons donc à nouveau une mise en œuvre pleine et entière de la loi avec :
- Des moyens financiers pour 4000 parcours de sortie par an, ce sont des moyens pour des dispositifs très demandés et qui ont fait leurs preuves. Ce sont de nouveaux droits pour les personnes en situation de prostitution.
- Le renforcement de la lutte contre toutes les formes de proxénétisme.
- La généralisation de sessions de prévention de l’exploitation sexuelle en collèges et lycées
- Enfin, il faut expliquer, informer, communiquer sur la réalité de ce système, qui prend sa source dans la demande des prostitueurs. Il est temps de mettre fin à leur impunité en appliquant la loi avec détermination.
Alors que deux modèles de société s’affronteront le 24 avril dans les urnes à l’occasion du deuxième tour de la présidentielle, nous rappelons l’urgence de mettre en œuvre une loi qui est la seule à même d’offrir des droits et des alternatives aux personnes en situation de prostitution.
Non partisanes, nos associations se doivent pourtant de rappeler aujourd’hui deux points importants :
- Une inquiétude forte face au risque d’un modèle, celui de l’extrême droite, incompatible avec les valeurs républicaines, qui priverait une partie des êtres humains vivant sur le territoire de leurs droits fondamentaux. Aujourd’hui déjà trop souvent (et demain encore) de nombreuses femmes victimes de violences risquent d’être expulsées alors qu’elles doivent être aidées et protégées.
- La nécessité d’exiger du président sortant s’il est réélu, qu’il mette enfin tout en œuvre pour que cette loi puisse produire tous ses effets en faveur des personnes prostituées, contre le système prostitueur, comme nous le lui avons écrit suite au 1er tour de la présidentielle.
Dans ce courrier, nous disons à Emmanuel Macron que « nous ne voulons pas revivre les cinq dernières années pendant lesquelles la loi d’avril 2016 a été appliquée a minima ». Face à l’extrême-droite qui s’est toujours positionnée du côté des clients de la prostitution, nous le mettons au défi de faire « de la législation juste, progressiste et profondément féministe que s’est donnée la France, un succès » et lui demandons « des engagements en termes de moyens et de volonté politique pour faire cesser l’impunité des prostitueurs et assurer des alternatives à la prostitution pour toutes celles qui le souhaitent. »
Cette exigence, nous nous engageons à la porter sans relâche, car c’est le le seul moyen d’aller vers une société libérée de la prostitution, qui fait encore aujourd’hui au moins 40 000 victimes en France, parmi lesquelles de très nombreux·ses mineur·es.
Nous continuerons tant qu’il le faudra à œuvrer pour que cette loi progressiste, qui offre de nouveaux droits aux victimes d’un système de violences masculines, soit pleinement appliquée. Et nous continuerons évidemment à accompagner toutes les victimes du système de façon inconditionnelle.
Ce 13 avril la loi pour l’abolition de la prostitution aura déjà 6 ans et pourtant, le HCE constate encore en France beaucoup de manquements à son respect et des évolutions inquiétantes en Europe.
La prostitution est une violence qui impacte la vie des victimes : blessures physiques et sexuelles, troubles psychiques, syndrome de stress post-traumatique… Ces multiples violences écourtent l’espérance de vie des victimes de la prostitution par rapport à la population générale.
La législation française a représenté une réelle avancée en matière de respect de la dignité des femmes et de lutte contre les violences. La position abolitionniste de la France, en faveur de la protection et de l’accompagnement des femmes, a été réaffirmée à travers les 4 piliers de la loi : lutte contre le proxénétisme, amélioration de la prise en charge des personnes victimes de prostitution, changement de regard sur la prostitution, responsabilisation des clients de la prostitution à travers la création d’une infraction de recours à la prostitution d’autrui[1].
Pourtant cette loi n’est toujours pas pleinement appliquée sur l’ensemble du territoire français comme le rappelait déjà le HCE dans son avis de 2021 “Cinq ans après : renforcer et harmoniser sa mise en œuvre pour répondre aux urgence de terrain”. On estime aujourd’hui qu’entre 30 000 et 50 000 personnes sont victimes de la prostitution en France, parmi elles au moins 10 000 sont mineur·es. Une accélération de son déploiement est urgente, et tout particulièrement aujourd’hui, en temps de guerre, où les risques de traite sont élevés. En effet, alors que plus de quatre millions d’Ukrainnien·nes ont fui leur pays depuis le début de l’invasion russe, les associations de lutte contre les réseaux de prostitution redoutent une hausse du trafic sexuel[2]. Fin mars, l’OSCE a alerté sur les “pics de recherche” en ligne des femmes ukrainiennes “pour du sexe”[3]. Ces différentes alertes prouvent encore une fois que le système prostitutionnel se nourrit de multiples situations de vulnérabilité des femmes.
Sur le plan international, le HCE s’inquiète que d’autres pays ayant pourtant adhéré à des textes internationaux[4] mènent des politiques qui, à l’inverse de leur engagement, favorisent l’exploitation sexuelle des femmes et ouvrent la porte aux réseaux et aux trafics. C’est notamment le cas de la Belgique qui a dernièrement ratifié une loi[5] modifiant le statut de la prostitution. Cette loi propose une nouvelle définition du libre consentement en omettant de prendre en compte que celui-ci peut être extorqué et envisage la prostitution sous l’angle d’un droit à “l’autodétermination sexuelle”. Avec cette loi ambivalente, la Belgique poursuit sa condamnation du proxénétisme tout en considérant les crimes liés à la prostitution comme légaux.
La France et la Suède ont adopté en 2019 une stratégie commune pour combattre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et la prostitution en Europe et dans le monde. Le HCE appelle la France à poursuivre son implication dans l’élaboration d’un plaidoyer commun, en particulier dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union Européenne et dans le cadre de la Présidence suédoise du Conseil de l’Union Européenne à venir au premier semestre 2023.