Brèves Les survivant.es ivoirien.nes de violences sexuelles requièrent une prise en charge
À l’occasion du 8 mars, la FIDH a publié le rapport « On va régler ça en famille : les obstacles à une prise en charge effective des victimes de violences sexuelles en Côte d’Ivoire ».
Basé sur le vécu de 31 victimes et de leurs familles, et grâce à des entretiens avec les acteurs et institutions clés, le rapport analyse les obstacles à une prise en charge adéquate des victimes et fournit des recommandations pour que les autorités respectent leurs engagements en matière de lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre.
Si la Côte d’Ivoire apparaît comme un État investi dans la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre, il est difficile d’évaluer l’efficacité de sa politique, tant les données relatives aux violences sexuelles semblent être sous-estimées. Selon les données nationales les plus récentes, au cours de l’année 2020, 822 cas de viol, 152 cas d’agression sexuelle, 96 cas de mariage forcé et 13 cas de mutilation sexuelle féminine ont été recensés. Trois quarts des victimes ont moins de 18 ans et 98% des victimes mineures sont des filles.
Outre les freins connus qui empêchent les victimes de violences sexuelles de dénoncer les faits subis ou de porter plainte, comme la peur de la stigmatisation, la méconnaissance des procédures et institutions ou la honte, le rapport démontre que l’absence de dénonciation est notamment due à la prévalence des règlements amiables, qui sont légions dans toute la Côte d’Ivoire. Or, le recours à la justice communautaire empêche les victimes d’accéder à la justice moderne et à une prise en charge adéquate.
« Souvent facilités par les familles des victimes et des agresseurs, les leaders communautaires et guides religieux, et parfois même par des acteurs de la prise en charge, les règlements à l’amiable font prévaloir l’intérêt de l’auteur, notamment sa liberté, sur ceux des survivant⸱es dont les préjudices ne sont ni reconnus ni réparés » a déclaré Corine Moussa Vanié, juriste et co-autrice du rapport.
Seul.es certain.es survivant.es parviennent à dénoncer les violences sexuelles subies. Ils et elles doivent alors affronter de nouvelles difficultés au sein du circuit de prise en charge. Aussi bien la prise en charge médicale, psychologique et sociale que l’accès à la justice ne sont pas garantis.
« Les services sociaux sont paralysés par l’absence de moyens. Les services d’assistance juridique et judiciaire sont quasiment inexistants. Les victimes n’ont pas d’accès à un avocat. Les justiciables ne sont donc pas informés de leurs droits, pas plus que de l’état d’avancement de leur procédure lorsqu’elle est en cours » a déclaré Willy Neth, président de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO), organisation membre de la FIDH.
Drissa Bamba, président du Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), une autre organisation membre de la FIDH, affirme que : « Les procédures sont lentes et les condamnations rares. Sur 31 cas de violences sexuelles documentés par nos organisations, aucun n’a débouché sur une condamnation, un seul a abouti à un non-lieu ».
Le rapport se conclut sur des recommandations concrètes à mettre en œuvre rapidement par le gouvernement ivoirien pour respecter ses engagements régionaux et internationaux qui exigent que les victimes aient un accès effectif à la justice et à une prise en charge adaptée et holistique.
La FIDH, ses membres et partenaires ivoiriens ont formé, fin 2019, un Réseau d’actions contre les violences sexuelles (RAVS). Ce Réseau compte aujourd’hui 12 organisations de la société civile, présentes dans 18 régions du pays et spécialisées dans différents domaines de la lutte contre les violences sexuelles (juridique, social, médical et psychologique).