Articles récents \ DÉBATS \ Témoignages Camille : « dans mon cas, il s’agit d’une stérilisation à visée contraceptive » 1/2
J’ai 22 ans et je suis étudiante en double master de droit de l’environnement et de sciences politiques.
Quand on me pose la question : « pourquoi vous êtes-vous faite stériliser », le premier truc qui me vient en tête, c’est juste l’évidence que je ne souhaite pas avoir d’enfant. Pour moi, c’est une vraie raison, je n’ai pas cette envie et ce n’est pas mon projet de vie. Or c’est difficile à concevoir dans une société où l’accomplissement d’une femme est perçu à travers la maternité. Je respecte totalement les personnes qui ont ce projet, et je suis sincèrement heureuse pour mes proches qui en ont, mais personnellement je sais que je ne serai pas heureuse si j’en avais. Ce non désir est une vraie raison et je trouve dommage qu’elle soit minimisée, notamment par les médias. D’autant plus quand on sait que 4,5% des Françaises en âge de procréer ne veulent pas d’enfants.
Cela fait quatre, cinq ans que je réfléchis à cette question
J’ai commencé par prendre la pilule, puis je suis passée à l’implant hormonal. Je ne peux pas dire que j’ai mal vécu d’avoir un implant parce que ce serait faux, c’était d’ailleurs très pratique quand j’étais en études à l’étranger. En revanche, je me suis rendue compte que j’avais des effets secondaires (chute de cheveux, troubles de l’humeur, sécheresse vaginale, libido, entre autres). En plus, vers octobre 2020, l’implant a commencé à me faire très mal au bras, car il avait été mal posé, et je ne le supportais plus, donc je me suis dit que j’allais l’enlever. S’est alors posée la question du “ et après ? ” Je voulais un moyen de contraception sans hormones. Je me suis posée la question d’avoir un stérilet en cuivre mais, notamment pour des raisons personnelles, ce n’était pas possible. A ce moment-là, m’est revenue quelque chose à laquelle j’avais déjà réfléchi pendant mon année d’études à l’étranger : je ne souhaite pas avoir d’enfants. Dans ce cas, pourquoi m’embêter avec une nouvelle contraception, même sans hormones artificielles, qui risque fortement d’avoir de nouveaux effets secondaires … alors que je sais pertinemment que je ne veux pas enfanter ? J’ai repensé au livre de Mona Chollet, Sorcières. La puissance invaincue des femmes ainsi qu’à celui de Fiona Schmidt intitulé Lâchez-nous l’utérus qui évoquent beaucoup ces questions-là. Dans ce dernier, l’autrice revient sur les recherches qu’elle avait faites afin de trouver un·e praticien·ne pour se faire stériliser. Elle y évoque notamment l’existence d’un groupe d’entraide sur Facebook sur lequel j’ai pu avoir beaucoup d’informations. Au tout début, j’y suis allée pendant deux mois sans rien poster, en lisant les témoignages et en assistant à cette entraide entre personnes de tous genres pour trouver des praticien·nes qui accepteront leur demande. Finalement, après un long temps de réflexion, je me suis décidée à me faire stériliser. En janvier 2021, j’ai pris rendez-vous le même jour, au planning familial pour le retrait de mon implant, et avec un gynécologue qui était conseillé sur le groupe. Nous avons débuté le délai de réflexion à la suite de ce premier rendez-vous.
Je (re)précise, car peu de personnes en ont connaissance mais la loi de 2001 autorise toute personne majeure qui le souhaite à se faire stériliser tant qu’il y a un délai de quatre mois de réflexion
Ceci est la loi, mais dans les faits elle n’est pas appliquée. C’est pour cela que des réseaux alternatifs d’entraide se sont progressivement créés pour trouver des praticien·nes qui acceptent de l’appliquer. Beaucoup vont demander d’avoir un âge minimum, d’avoir eu un certain nombre d’enfants, d’avoir eu un suivi psychologique… des critères qui, en réalité, ne sont absolument pas mentionnés dans la loi. Normalement, les praticien·nes ont l’obligation légale, dès le premier rendez-vous, de dire si oui ou non elles/ils veulent bien le faire. Ce n’est pas comme la clause de conscience de l’IVG, elles/ils n’ont pas obligation de rediriger vers quelqu’un·e d’autre mais cela est fortement conseillé. Légalement elles/ils peuvent dire non. Il y a donc un écart certain entre cette loi, qui est assez novatrice et moderne, et son application car nous faisons vite face à un mur.
Je n’avais pas envie de subir de rendez-vous avec des praticien·nes qui auraient pu m’infantiliser, remettre en question mon choix, etc. C’est pour cette raison que je suis directement allée chez un praticien dont je savais qu’il y avait peu de chances qu’il refuse. La plupart des femmes se retrouvent avec des refus et, surtout, des motivations de refus aberrantes. Sur le groupe Facebook notamment, on voit que ces refus concernent des femmes jeunes, comme moi, mais également des femmes qui ont eu des enfants, qui sont âgées de plus de 40 ans … Quant aux motifs du refus, ils sont parfois (très) déplacés et sexistes : “ vous n’avez pas encore trouvé la bonne personne ”, “ vous n’en voulez pas, mais votre conjoint en veut peut-être ”, “ c’est naturel pour une femme d’avoir des enfants, ça viendra ”. Ce n’est pas tant le refus que l’exposé de ces motifs dégradants et humiliants auxquels ont dû faire face un grand nombre de personnes sur le groupe.
Il est d’ailleurs intéressant de relever que la stérilisation n’est jamais proposée comme moyen de contraception
Il y a beaucoup d’abus de langage, souvent est évoquée la “stérilisation définitive” alors que, dans mon cas, il s’agit d’une stérilisation à visée contraceptive. Il existe effectivement plusieurs types d’opérations. J’ai choisi de faire une salpingectomie bilatérale partielle, ce qui consiste à couper puis cautériser les trompes. Cela n’est donc pas définitif dans la mesure où la FIV reste possible. C’est quelque chose que je ne souhaite pas faire, et clairement les personnes stérilisées ne sont pas prioritaires, mais cela demeure une possibilité pour celles qui le voudraient. Toutes les formes de stérilisation ne sont pas définitives. Un grand nombre de personnes pense que les personnes stérilisées n’auront plus leurs règles, que cela les impacterait sur le plan hormonal et plus particulièrement lors de la ménopause, et j’en passe … alors que nous représentons un groupe hétérogène. Pour ma part, l’opération que j’ai faite ne change absolument rien au niveau hormonal, puisque j’ai toujours mes règles. Il y a vraiment beaucoup de désinformations sur cette question.
Bien sûr, il existe des opérations plus lourdes, notamment l’hystérectomie (totale ou partielle) visant à retirer l’utérus. Dans ce cas, l’impact sur le plan hormonal et les conséquences sur le long terme sont différentes. C’est pourquoi, elle est encore moins acceptée que la salpingectomie bilatérale partielle. Les personnes plus âgées, ou ayant des problèmes médicaux tels que l’endométriose, sont privilégiées.
Nous avons toutes et tous des raisons différentes de nous faire stériliser : projet de vie différent, refus de la charge mentale et financière de l’éducation des enfants, peur d’enfanter, autre manière de transmettre de l’amour et notamment à des enfants (associations, familles d’accueil, adoption etc), effets secondaires de la contraception dite « classique » ou encore refus par conviction écologiques. Cette dernière raison est vraiment secondaire pour moi, je ne me considère pas GINK (Green Inclination No Kid). Par contre, ce serait mentir en disant que le contexte socio-environnemental ne pèse pas un peu dans la balance. Surtout, je ne cesse d’apprendre et j’admets que je peux changer d’avis et faire passer cette raison au premier plan. Ma meilleure amie fait son mémoire de fin d’études sur le refus d’avoir des enfants pour des raisons écologiques … donc je vais pouvoir en apprendre davantage très bientôt sur ce sujet. En revanche, il est évident pour moi que je n’ai pas une vision malthusienne de l’écologie (surpopulation), mais plutôt systémique. Ce n’est pas parce que je n’ai pas d’enfant que cela va changer la face du monde, soyons honnête. C’est juste un choix personnel.
Il est clair que le privé est profondément politique, et plus particulièrement le corps féminin
Pour reprendre les mots de la blogueuse Bettina Zourli, je dirais même que “ l’utérus est l’organe le plus politique qui soit ”. Nous avons une vision de l’amour très restreinte, qui passe notamment par la création d’une famille nucléaire. Or il y a plein d’autres moyens de donner de l’amour : à ses ami·e, à sa famille ou encore à des enfants de son entourage. Je conseille d’ailleurs très fortement l’écoute du podcast Le Cœur sur la table sur ce sujet ! Par contre, il est évident que cette perception restreinte de l’amour et de l’accomplissement féminin à travers la maternité est construite. Socialement. Et ce depuis des générations !
Camille Etudiante