Articles récents \ Culture \ Musique Marianne Piketty danse avec son violon
La nomination du disque Vivaldi, l’âge d’or aux International Classical Music Awards 2022, couronne le talent novateur de Marianne Piketty et de son ensemble paritaire, le Concert Idéal. Violoniste virtuose, elle évolue dans un monde encore dominé par les hommes et entraîne dans son sillage de jeunes artistes prometteuses. Marianne Piketty met également en valeur des compositrices, souvent oubliées…
Marianne Piketty et son ensemble, le Concert Idéal, ont ravi les sens des festivalier·es en été 2021, avec Vivaldi, l’âge d’or, spectacle créé pour le Off d’Avignon. Foin des concerts statiques en queue de pie… la violoniste et ses musicien·nes offrent un véritable spectacle vivant ; elles/ils s’envolent, tourbillonnent, égayent et habitent le plateau, dansent les un·es avec les autres, et avec leurs instruments. La musique est passionnée, offerte avec fougue et générosité, baignée d’une lumière qui contribue au charme du moment.
Au cœur de cette mosaïque sonore d’œuvres baroques de l’Ecole vénitienne, des œuvres rares, parfois inédites, de Strozzi, Ziani, Gallo, Turini, Albinoni ou Monteverdi et des pièces de Vivaldi rajeunies, enthousiasmées, enthousiasmantes. L’ambiance est inspirée du foisonnement artistique qui régnait à Venise au 17e et 18e siècle. « La mise en espace d’un programme vénitien est […] une condition essentielle pour goûter pleinement son esprit musical », indique Olivier Fourés, qui a signé la chorégrahie.
Ce spectacle ravive la foi dans l’être humain. On en ressort sur un nuage, le cœur gonflé d’espoir, l’âme joyeuse. Que celles et ceux qui ont manqué cette expérience musicale se rassurent : des dates sont d’ores et déjà prévues en 2022, à Saint-Cyr-sur-Loire (25 février), Bois (1er mars), Saint-Dizier (18 mars). Et le disque Vivaldi, l’âge d’or, qui vient de sortir, est salué par la critique. Il est d’ailleurs nommé aux International Classical Music Awards 2022.
Des cordes au féminin
Au cours de sa riche carrière internationale, Marianne Piketty, violoniste virtuose, a montré son goût inépuisable pour les nouvelles rencontres et la performance, ainsi que pour la musique au féminin. Elle a voulu mettre en valeur des compositrices… Pour le 74e Festival de musique de Besançon, en 2021, elle a ainsi créé Cordes au féminin, un concert pour neuf cordes. Au programme notamment, une pièce de Hildegarde de Bingen, l’une des plus anciennes compositrices dont on ait conservé l’œuvre, des pièces composées en 1918 par Lili Boulanger, ainsi que la création de la dernière œuvre de la toute jeune Camille Pépin, Énergie blanche, bleu lointain.
Marianne Piketty avait l’ambition, en fondant le Concert Idéal en 2013, de créer « un lieu unique de rencontres, d’interprètes et de créatrices et créateurs dont la mission commune est de faire découvrir et résonner autrement, déséquilibrer pour susciter de l’émotion, une réflexion, un questionnement, l’émerveillement parfois … souvent ! ». Promesse tenue.
Marianne Piketty : « Découvrir des œuvres majeures de compositrices est source d’une immense joie »
Est-ce un choix délibéré de faire jouer, dans Le Concert Idéal, autant de femmes que d’hommes ?
Je suis issue d’une lignée de femmes scientifiques et autonomes. À aucun moment de ma vie, je n’ai pensé que certaines choses seraient inaccessibles parce que j’étais une femme. J’ai donc tracé mon chemin en ce sens. La parité existe déjà depuis de nombreuses années parmi les instrumentistes à cordes.
Le Concert Idéal rassemble des instrumentistes d’horizons divers, toutes prêtes à explorer le concert, la scène, le spectacle sous toutes ses coutures, par la richesse d’un répertoire allant du 12e siècle à la création contemporaine en s’autorisant de nombreuses transcriptions et par la rencontre et le travail avec des chorégraphes et des créateurs lumières : des instrumentistes prêt·es à se mettre en déséquilibre pour se découvrir elles/eux-mêmes. Les femmes semblent être plus nombreuses sur cette voie. La parité au sein de l’ensemble n’est donc pas un objectif car elle existe par l’essence même du projet artistique.
Depuis quand faites-vous danser votre ensemble musical ?
Dès sa création, le Concert Idéal a eu pour mission de repenser le concert tant sur les résonances des répertoires que sur la forme même du concert. Il s’agissait d’un désir de toucher un public plus large mais aussi de s’autoriser un espace de liberté, artistique, source de dépassement et d’épanouissement individuels. Notre rapport à la musique, au public et à la scène est transformé.
Dans Cordes au féminin, sont jouées des œuvres de compositrices assez méconnues du grand public… Pourquoi les exhumer ?
Depuis de nombreuses années, je me suis attachée à faire se côtoyer des chefs-d’œuvre et des œuvres méconnues. Découvrir des œuvres majeures de compositrices est source d’une immense joie, partager cette joie, cette richesse et l’émotion de cette musique me semble être une évidence.
Sylvie Debras 50-50 Magazine
Photo de Une©Sandy Kozekwa