Articles récents \ Monde Carlotta Gradin : « Il est indispensable d’intégrer les femmes dans les discussions, pas seulement en tant que victimes, mais aussi en tant qu’actrices »

À l’occasion des 20 ans de la Résolution 1325 de l’ONU sur “les femmes, la paix et la sécurité”, Carlotta Gradin, vice-présidente plaidoyer pour ONU Femmes France, dresse un bilan mitigé de cette résolution. Un événement “Une paix durable sans les femmes est-elle possible” est organisé par ONU Femmes France le 15 octobre 2020. Et cette thématique sera également abordée lors du Forum Génération Égalité, qui se tiendra à Paris en  juin 2021.

Pourquoi avoir décidé d’organiser un événement sur “les femmes, la paix et la sécurité” ?

Avec ONU Femmes France, nous avons décidé d’organiser cet événement, car il y a 20 ans, l’ONU adoptait la Résolution 1325, reconnaissant l’impact des conflits sur les droits des femmes et des filles dans le monde, et l’importance de la participation des femmes dans les processus de paix.

On s’est donc dit qu’il était temps de faire un bilan et de se demander si les actions menées par les Etats sur cette thématique avaient été suffisantes sur les 20 dernières années.

C’est un événement grand public, organisé en ligne au regard des circonstances sanitaires, pour mettre en lumière cette thématique qui n’est pas suffisamment connue. Nous souhaitons sensibiliser la société sur la problématique du genre dans les processus de paix et de sécurité. Il y aura donc deux thèmes mis en avant lors de l’événement : d’abord la question des violences exercées contre les femmes et les filles pendant les conflits, ensuite la question de la place des femmes dans les processus de paix.

Nous comptons aussi nous appuyer sur la jeunesse, car pour nous il est indispensable d’impliquer les jeunes générations. Les violences contre les filles est vraiment un axe important. Deux associations vont donc diffuser des vidéos lors de l’événement, l’association “Sorbonne pour l’Organisation des Nations Unies” et l’association “Génération Maastricht“.

Quel bilan faites-vous 20 ans après l’adoption de la résolution sur “les femmes, la paix et la sécurité à l’ONU” ?

C’est un bilan assez mitigé. D’une part, on peut dire que sur la prise de conscience c’est assez positif. Le sujet est de plus en plus connu. On parle de plus en plus de la question des violences sexuelles pendant les conflits. Notamment grâce au docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.

Mais d’autre part, l’application de cette résolution n’est pas suffisante. Le Secrétaire général des Nations Unies l’a démontré dans son dernier rapport, les Etats doivent faire plus et travailler sur cette question. Les Etats doivent financer les projets qui permettent de défendre les droits des femmes lors de conflits, ils doivent rendre des comptes et cela doit être obligatoire, et il doit y avoir des expert·es du genre dans les résolutions des conflits.

Pour montrer à quel point l’application de la résolution est insuffisante, on peut citer quelques chiffres : selon ONU Femmes France, entre 1992 et 2018, il n’y avait que 13% de négociatrices, 3% de modératrices et 4% de femmes signataires lors des grands processus de paix. Seuls 29 accords de cessez-le-feu sur 267, signés entre 1990 et 2016, contiennent des mesures sensibles au genre. Pourtant, c’est nécessaire d’impliquer davantage les femmes dans les processus de paix. Dans les pourparlers et les travaux préparatoires, lorsque les droits des femmes sont évoqués et pris en compte, les processus de paix ont 35% fois plus de chance de durer dans le temps (au moins 14 ans). On peut citer les accords de paix entre les Philippines et le Fonds de libération islamique signé en 2014 ou encore l’accord final entre la Colombie et les FARC signé en 2016. Et les femmes participent de différentes façons : au Yemen, pendant le confinement, elles ont demandé un cessez-le-feu.

Pourquoi, d’après vous, dans le contexte actuel où les violences faites aux femmes ont augmenté à cause de la crise sanitaire, il es indispensable d’organiser des événements grands publics comme celui du 15 octobre ou le Forum Génération Égalité ?

Les questions du genre et des droits des femmes ont toujours été mises de côté. Mais on se rend compte aujourd’hui que la société ne peut pas fonctionner sans les prendre en compte.

Il est indispensable aujourd’hui d’intégrer les femmes dans les discussions, pas seulement en tant que victimes, mais aussi en tant qu’actrices. Lors de confits ou sur la question du climat, les femmes sont victimes de violences ou du changement climatique mais elles sont aussi actrices, en participant aux processus de paix ou en luttant contre le réchauffement climatique. Les femmes doivent être intégrées dans les solutions mais aussi en amont, dans les réflexions.

L’objectif de notre événement, comme celui du Forum Génération Égalité (FGE), est de solliciter la jeunesse et les nouvelles générations, indispensables selon nous.

D’ailleurs le 15 octobre, lors de notre événement, Delphine O, ambassadrice et Secrétaire générale du Forum Génération Égalité, fera une apparition vidéo pour parler du FGE, car la thématique “femmes, paix et sécurité” fera partie du Forum.

Pensez-vous que la situation actuelle pourra permettre une prise de conscience plus massive sur l’importance de défendre les droits des femmes ?

Oui, je pense que la situation actuelle pourra avoir un impact positif. Le public se sent davantage mobilisé sur ces questions aujourd’hui.

Certes, les questions de paix et de sécurité nous semblent un peu lointaines depuis la France, c’est vrai, mais les violences faites aux femmes nous touchent quand même. On a pris conscience que les viols, les violences sexuelles sont des crimes de guerre.

Chloé Cohen, 50-50 magazine

Article déjà publié le 2 octobre 2020

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