Articles récents \ Culture \ Théâtre « Moi vivante » : une extraordinaire tranche de vie
Avignon le Off. Moi vivante est un bijou offert avec une rare générosité par Marie-Hélène Goudet, autrice du texte. Comédienne hors pair, elle incarne tous les personnages de sa pièce. Emouvante et émue, elle bouleverse son public, l’emporte avec tendresse entre rire et larmes.
Dans un décor aux petits oignons, Ferdinande Mouthe, 9 ans, raconte sa passion au public : elle collectionne les avis de décès qu’elle découpe et colle dans un album. Mais sa tante, qui l’a recueillie à la mort de sa mère, ne l’entend pas de cette oreille. Et elle s’en ouvre au curé, à la coiffeuse et même au psychologue qu’elle force sa nièce à consulter. Heureusement, la vieille voisine aveugle sait réconforter l’enfant, à coup de mots caressants et de gâteaux faits maison. On retrouve Ferdinande à 40 ans, toujours passionnée d’avis de décès, et aussi de (bon) vin rouge. « Lire la mort des autres, ça vous rappelle que vous êtes en vie. Et que mourir… ça n’arrive qu’aux autres ! » En fond sonore, Les gens qui doutent, d’Anne Sylvestre, chanson précieuse souvent distordue au gré des humeurs de Ferdinande.
Marie-Hélène Goudet, autrice de la pièce qu’elle donne tous les jours dans le Off, est sûrement quelqu’une qui doute, plus souvent qu’à son tour. Elle incarne chacun des personnages qu’elle a créés avec la même justesse, la même simplicité, le même humble brio. Tout en finesse, son texte ciselé, vivant, profond, n’évite pas les questions sur le sens de la vie. De sa vie. De nos vies. Sur ce qu’on laisse en « partant ». Et sur la mort qui nous attend tou.te.s. Sauf Ferdinande, qui se proclame immortelle pour conjurer le sort. « Mourir ? Moi vivante, jamais ! »
Vivre, ça vaut le coup
Dans cette galerie de portraits dessinés avec tant d’humanité, Marie-Helène Goudet promène ses spectatrices et spectateurs du rire aux larmes, sans jamais céder à la facilité. Sans une once de cabotinage. Tout sonne juste, grâce aussi à la mise en scène d’Emmanuel Besnault. Il faut suivre de près la carrière de cette comédienne qui avait déjà montré tout son talent dans Avant que j’oublie, une pièce de Vanessa Van Durme. Ce seule-en-scène sur la maladie d’Alzheimer, mêlant tragique et humour, était déjà une prouesse. Elle y incarnait la mère et la fille, passant de l’une à l’autre avec une facilité impressionnante. Une fois encore, Marie-Hélène Goudet nous le prouve magistralement : vivre, ça vaut la peine. Aller au théâtre aussi, quand la pièce est proposée par une si belle humaine.
Sylvie Debras 50-50 Magazine
Chapelle des Antonins du 7 au 31 juillet (relâche le 26 juillet) à 18 h 10
Photo de Une Monsieur-Max