Articles récents \ Île de France \ Société Genre et espace public, le Paris de l’égalité
53% des Parisiens sont des Parisiennes. Pourtant, l’espace public de Paris est majoritairement conçu par et pour les hommes. En mai 2021, la Ville de Paris publie son deuxième guide « Genre et espace public », un manuel de bonnes pratiques qui propose une approche égalitaire et mixte des politiques urbaines. C’est dans le cadre de la publication de ce guide que s’est tenue la conférence « Genre et espace publique » animée par Hélène Bidard, adjointe à la Mairie de Paris en charge de l’égalité femmes/hommes, de la jeunesse et de l’éducation populaire.
L’espace public n’est pas neutre. Il est aménagé selon les enjeux des représentations dominantes de son époque. L’objectif de Genre et espace public est de rendre la ville accessible et adaptée à toutes et tous, notamment à celles qui en sont le plus exclues : les femmes. Aujourd’hui, « la lutte des femmes pour leur place dans l’espace public s’inscrit dans la lignée des combats émancipateurs portés par les féministes », affirme Hélène Bidard. Le droit à la ville, le sentiment de sécurité, l’empowerment et la coveillance figurent comme principaux enjeux de cette démarche.
Le projet « Genre et espace public » aborde 6 thèmes centraux de la lutte contre les inégalités femmes/hommes dans l’espace public : La prise en compte systématique du genre dans les projets d’aménagement, la favorisation de la parole des femmes, le sport, l’esthétique urbaine, la sécurité et le matrimoine. Chaque thème est accompagné de préconisations et d’initiatives pour faire de la ville un espace plus égalitaire.
Prendre en compte le genre de façon systématique dans les projets
Prendre en compte le genre dans les projets d’aménagement est une étape primordiale pour créer la mixité. Les urbanistes intègrent peu, voire pas le genre dans la construction de la ville. Ainsi, l’accès à l’espace public est inégal entre les hommes et les femmes. Comment y remédier ? La Mairie de Paris prévoit plusieurs initiatives.
En 2015, la Mairie de Paris lance le projet « Réinventons nos places ! ». Pour la première fois, un projet qui prend en compte le genre dans l’aménagement de 7 places majeures de Paris voit le jour. De la place de la Bastille à la place d’Italie, les objectifs sont clairs : rééquilibrer l’espace au profit des piéton·nes et des circulations, diversifier les usages de l’espace public, en assurer l’accessibilité à toutes et à tous et améliorer le lien entre chaque place et son environnement proche. Tout cela en prenant en compte le critère du genre.
La Mairie de Paris lance aussi des initiatives pour tacler le problème de l’inégale appropriation de l’espace public dès l’enfance. Dans de nombreux établissements scolaires, les garçons s’approprient jusqu’à 80% de l’espace de la cour de récréation pour jouer au foot. En réponse, le programme Oasis vise à « transformer les cours des écoles et des collèges de Paris en îlots de fraîcheur urbains ». Créer des espaces plus agréables à vivre et mieux partagés par toutes et tous, tel est l’objectif du projet Oasis. Déjà implanté dans trois collèges parisiens, le projet Oasis permet à chaque enfant d’évoluer à sa manière au sein d’un espace inclusif.
Enrichir la concertation en favorisant la parole des femmes
Dominique Poggi, sociologue et fondatrice de l’association À places égales, est spécialiste des marches exploratoires. Celles-ci visent à renforcer la liberté de circuler des femmes dans l’espace public, à sensibiliser les actrices et acteurs de la ville aux questions de l’égalité femmes/hommes et à valoriser l’expertise d’usage quotidien des femmes en les associant au processus décisionnel de la ville. Ces marches sont de plus en plus fréquentes aussi bien à Paris que dans d’autres villes de France. Une autre manière d’intégrer les femmes dans le processus décisionnel de la ville : le projet « Embellir votre quartier ». Grâce aux concertations avec des femmes, notamment à travers des marches exploratoires, le projet a pour but d’adapter les futurs aménagements de quartiers aux usages quotidiens.
Partager les pratiques sportives dans l’espace public
Dans le programme de la Mairie figure aussi des préconisations pour mieux partager les pratiques sportives dans l’espace public. Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques qui se tiendront à Paris en 2024, la ville souhaite favoriser la pratique du sport par les femmes. Celle-ci est encore trop différenciée entre les femmes et les hommes : chez les adultes, seules 53% des femmes atteignent les recommandations de l’OMS en matière d’activité physiques contre 70% des hommes. Pierre Rabadan, adjoint à la Mairie de Paris en charge du sport et des Jeux olympiques et paralympiques, discute des initiatives adoptées : l’installation des cours Oasis figure sur la feuille de route mais aussi l’augmentation de la visibilité du sport féminin à travers des démarches telles que La Parisienne, Foot’Elles ou Paris Sportives. L’appel à projet Paris sportives vise à proposer des activités sportives régulières pour les femmes dans les city stades de la ville grâce à un budget de plus de 100.000 euros, accordé par la Mairie de Paris
Une esthétique urbaine : quelles préconisations pour la prise en compte du genre ?
Comment l’améliorer l’esthétique urbaine pour qu’elle prenne mieux en compte le genre ? Alors que 60% des étudiant·es en architecture sont des femmes, celles-ci ne représentent que 28% des architectes. Avec l’association MEMO, Anne Labroille lutte contre les inégalités professionnelles de la maîtrise d’œuvre. Ce collectif d’architectes, de paysagistes et d’urbanistes se donne pour mission de promouvoir les femmes maîtres d’œuvre pour plus d’égalité professionnelle. Pour Catherine Guyot, le problème se situe aussi dans l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes architectes. Présidente de Women in Architecture France et secrétaire générale de l’ARVHA, elle promeut elle aussi l’égalité professionnelle dans le secteur de l’architecture.
La sécurité des femmes en tout lieu à toute heure
La Maire de Paris se concentre aussi sur la création d’un espace sécurisé pour les femmes « pour un sentiment de sécurité renforcé ». 81% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans l’espace public. Au sein de la ville, le harcèlement de rue est un frein à la liberté de mouvement des femmes, affirme Céline Dubois, chargée de projet à la Fondation des femmes. En réponse, la programme Stand Up vise à lutter contre le harcèlement de rue en valorisant le rôle des témoins grâce à un programme de formation et de sensibilisation. Les espaces publics plus restreints sont aussi propice au harcèlement. 87% des usagères de la RATP sont touchées par le harcèlement dans les transports publics. Manon Marguerit travaille sur la mise en place d’un plan qui forme des salarié·es et des usager·es à la lutte contre le harcèlement. Les forces de l’ordre doivent aussi d’adapter aux enjeux liés à l’insécurité des femmes. Une nouvelle police municipale destinée à intervenir en situation de harcèlement de rue et d’agression est en cours de création. Pour Nicolas Nordman, la spécificité de cette police est qu’elle est hyper formée au harcèlement sexiste et sexuelle. Dans un contexte de lutte contre les violences policières, ces policier·es sont aussi formés à l’exemplarité dans leur comportement
De l’importance de rendre visibles les femmes dans la ville
Inclure les femmes dans la ville implique aussi de valoriser le matrimoine. Il s’agit de rendre visible la présence des femmes dans la ville. Pour Laurence Patrice, la dénomination des rues est primordiale pour créer des role models pour les parisiennes. Aujourd’hui, seulement 2% des rues françaises portent des noms de femmes. La Mairie de Paris tend vers une mémoire collective plus égalitaire. La présence de rôle models pour les jeunes générations est aussi primordiale dans le domaine de l’art. Notre patrimoine culturel et artistique est composé à 90% d’œuvres d’hommes. Mais les femmes ne sont pas que des muses ! Cette année se tient la 7ème édition des Journées du Matrimoine. Pour Marie Guerini, cet évènement vise à « rendre à nouveau visibles les œuvres créées par les femmes qui nous ont précédé·es et réhabiliter les créatrices du passé ».
Ilana Amarsy 50-50 Magazine