Articles récents \ Monde Forum Génération Égalité: les enjeux et défis des mouvements féministes
Pendant trois jours, du 29 au 31 mars, organisations féministes, gouvernements et entreprises ont débattu des enjeux de l’égalité entre les femmes et les hommes. 25 ans après la Conférence de Pékin, les mouvements féministes se retrouvent au centre du Forum Génération Egalité au Mexique.
« En quoi les mouvements féministes sont-ils puissants ? » demande d’emblée la modératrice Shannon Kowalski, Directrice politique et du plaidoyer à la Coalition internationale pour la santé des femmes.
« La Coalition d’action sur les mouvements et le leadership féministes sont au coeur du Forum Génération Egalité, car ils sont essentiels pour construire une démocratie », intervient Lopa Banerjee, coordinatrice exécutive du FGE et directrice de la branche société civile pour ONU Femmes.
Tout au long de la discussion d’1h30, les différentes intervenantes ont illustré leur propos par des exemples concrets issues de leurs expériences sur le terrain. « En Albanie, je soutiens une communauté qui n’a pas accès à l’éducation. Le système n’est pas suffisamment préparé pour les jeunes filles, et toutes les femmes que nous rencontrons sur le terrain ne sont pas des numéros, elles ont un visage. En tant qu’organisation féministe nous essayons de les soutenir. Beaucoup de femmes ont ouvert la voie avant nous, et les mouvements féministes continuent de se battre pour toutes les filles et les femmes du futur », intervient Mersi Shehu, créatrice du mouvement régional de coopération pour les filles et adolescentes en Albanie. En écoutant cette activiste féministe, les intervenantes et le public réalisent, derrière leurs écrans, l’importance de soutenir le travail des organisations sur le terrain. Sans elles, il serait difficile d’atteindre les communautés de femmes les plus isolées. Ce sont elles qui œuvrent pour plus d’égalité, d’où l’importance primordiale pour les chef·fes d’Etat de supporter cette Coalition d’action.
La question de la diversité
Les mouvements féministes actuelles sont loin d’être parfaits. S’ils sont efficaces, ils doivent pourtant intégrer plus de diversité. « 70% des positions de leadership sont occupés par des hommes donc il faut les intégrer dans les mouvements féministes », rappelle Lopa Banerjee. Un point défendu également par Karen Elleman, ancienne ministre de l’Egalité des Chances au Danemark : « Il faut inclure les hommes dans les discussions, c’est très important, on doit toutes et tous être autour de la table ».
Mais il faut aussi et surtout faire de la place aux minorités. « Nous ne pouvons pas faire un mouvement féministe avec seulement des intellectuel·les, des académicien·nes ou des femmes de la classe aisée. Nous devons avoir un féminisme qui dialogue, articulé dans les diversités, pour que nos mouvements soient efficaces. Dans ma région du Pérou, nous comptons 55 millions de femmes autochtones. Nous aimerions donc que les Etats puissent inclure une direction spécifique, avec des programmes et budgets propres pour les femmes autochtones et afro-descendantes », détaille Tarcila Rivera Zea, fondatrice et vice-présidente du Centre des cultures indigènes du Pérou.
Les besoins de financement
Très vite, la discussion se tourne autour des questions d’investissement. Les mouvements féministes ont besoin de financement pour intervenir sur le terrain. « Dans un Etat qui se veut moderne, nous ne pouvons pas oublier les droits des femmes, c’est impensable. Les mécanismes d’égalité doivent être inscrits dans toutes les politiques publiques. Il faut des budgets plus cohérents, les équipes dans les instances dirigeantes doivent être sensibilisées aux problématiques des droits des femmes », estime Cecilia Chacón Castillo, Secrétaire des droits humains et présidente de la Commission mixte de justice de l’Equateur.
Mais, et c’est bien là tout le problème, quand les budgets sont là ils ne sont pas forcément dirigés vers les bonnes organisations et les mouvements féministes qui sont sur le terrain. « Nous voulons plus de transparence de la part des gouvernements pour comprendre la répartition de leurs ressources », intervient Quiteria Anicia Fernandes Guirengane, reponsable du Réseau des jeunes femmes leaders au Mozambique.
« Avec la Fondation Ford, nous soutenons les mouvements féministes car ce sont les militantes qui ont les solutions pour obtenir l’égalité de genre. En 2020 nous avons reversé plus de 100 millions de dollars aux organisations de femmes. Mais pourquoi nous n’avons pas avancé comme nous le voulions ? Car nous n’avons pas réussi à institutionnaliser certains mécanismes pour avoir des politiques de financements efficaces, et nos ressources n’ont pas été dirigées vers les mouvements féministes qui agissent sur le terrain. Mais le mouvement féministe a aussi fait parti du problème : il n’y a pas assez de diversité, les personnes handicapées, les femmes noires, autochtones ne sont pas suffisamment au centre de l’agenda féministe », conclut Monica Aleman, responsable de The BUILD Program (Building Institutions and Networks) à la Fondation Ford.
Chloé Cohen 50-50 magazine