Articles récents \ Monde Genre et climat : l’alliance contre les inégalités

A l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, des ONG de solidarité internationale proposaient un atelier d’initiation sur l’alliance des thématiques de genre et du climat. La prise en considération des questions liées au genre au sein d’un projet de développement pour le climat peut s’avérer efficace. Il s’agit de garantir la réussite d’un projet de lutte contre le changement climatique tout en promouvant davantage de justice sociale, notamment à travers la lutte contre les inégalités femmes/hommes. Cette dynamique de travail permet d’ouvrir notre regard sur différentes situations de domination, d’une part entre les humain·es et les écosystèmes et d’autre part entre les différentes populations.

Les politiques publiques font rarement le lien entre les inégalités relatives au genre et celles consécutives au changement climatique. Le premier plan d’action genre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) adopté au moment de la COP23 en 2017 a « pour objet de faire en sorte que les femmes participent pleinement (…) et sur un pied d’égalité » à la mise en œuvre des politiques climatiques favorisant ainsi l’égalité des genres.

Dans les pays en voie de développement, les femmes sont porteuses de changements en matière d’adaptation au dérèglement climatique. Elles ont effectivement un rôle prépondérant dans la gestion des ressources naturelles. Leurs initiatives sont nombreuses et leurs savoir-faire diversifiés, en particulier dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des déchets du reboisement. Les femmes sont donc des actrices importantes qu’on ne peut exclure des processus de décisions et de la mobilisation contre le réchauffement climatique.

La prise en considération de l’égalité des genres dans l’élaboration des politiques climatiques, un enjeu de taille

Mélanie Pelascini (chargée de mission analyse et plaidoyer) et Camille André (responsable du programme climat–énergie et chef de file de la commission climat & développement de coordination SUD) ont présenté l’étude Genre et Climat. Notons que la dimension de cette étude n’évoque que l’analyse des questions d’inégalités entre les femmes et les hommes. Pour autant, il ne faut pas oublier que les études de genre intègrent également une remise en question de la vision binaire et hétéronormative qui prédomine.

Les problématiques suivantes ont constitué le fil conducteur de l’étude portée par la Commission Climat & Développement de Coordination Sud : comment intégrer une approche genrée dans les projets climat ? Comment faciliter l’appropriation de la démarche « genre » par des équipes « climat » ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre concrète de ces projets ?

L’ONG Entrepreneurs du monde au Togo vise à soutenir l’entreprenariat vert, les porteuses et porteurs de projets relatifs au climat (énergie renouvelable, gestion des déchets, transformation alimentaire, innovation). Dans le cadre du programme MIAWODO (1), cette ONG a fait le choix de soutenir les entrepreneuses femmes en priorité dans un contexte où de nombreux freins à l’entreprenariat féminin persistent (faible taux de scolarisation, soutiens financiers moins accessibles aux femmes qu’aux hommes…). 156 candidatures ont été relayées au total dont 50 présentées par des femmes. Malgré les efforts de promotion des candidatures féminines, la parité n’a pas été atteinte.

Selon Mélanie Pelascini, le faible taux de candidatures féminines s’explique par différentes raisons sociales : le manque de temps libre des femmes engendré par l’accomplissement non partagé des tâches domestiques, l’accès restreint des femmes à l’éducation, la dimension culturelle et traditionnelle concernant la place des femmes au sein de ces communautés. L’auto-censure est également à l’œuvre. Certaines femmes ne se sentent pas légitimes et suffisamment compétentes pour entrer dans le monde entrepreneurial. Elles vont s’auto-dissuader de postuler pour cette raison. Déconstruire ces stéréotypes genrés et montrer que les femmes peuvent être de véritables actrices pour porter ces projets est un travail de longue haleine.

On peut également supposer que l’inclusivité des femmes se joue à travers la dimension sémantique, porteuse de messages. Si Entrepreneurs du monde devenait Entrepreneuses et entrepreneurs du monde cela pourrait promouvoir davantage  l’égalité femmes-hommes…

Construire rigoureusement un plan d’action genre : des étapes à ne pas négliger

Changer les perceptions et comportements sur les enjeux climat et genre demande du temps. Pour ce faire, chaque étape du processus doit être respectée : observer, objectiver, réinterroger la situation de départ et les inégalités existantes sans jugement.

La prise en considération des questions d’égalité femmes/hommes dès la conception du projet permet de débloquer un budget spécifique pour les enjeux liés au genre. Former des équipes sur la question du genre ou recruter des expert·es sur les questions d’égalité femmes-hommes est également essentiel. Pour autant, Camille André constate un manque d’impact lorsque le message et les actions en faveur de l’égalité femmes/hommes sont initiés par un·e expert·e occidental·e. Il y a là un réel enjeu au niveau de la formation des équipes locales pour éviter de tomber dans l’hégémonie occidentale qui serait le « meilleur modèle » à suivre. Il s’agit donc d’avoir des référent·es qui ne font pas partie des intervenant·es expatrié·es et sont capables d’identifier et interroger les inégalités femmes/hommes existantes.

Prenons l’exemple des femmes payées en tant qu’ouvrières dans les champs de coton en Inde et qui gagnent quasiment deux fois moins que les hommes. Elles sont impliquées principalement dans la production du coton mais assez peu dans les autres étapes, en particulier quand il s’agit, par exemple, de prendre des décisions et de négocier avec les personnes qui vont racheter le coton. Elles sont donc considérées seulement comme des ouvrières et travailleuses manuelles, rarement comme de possibles négociatrices.

La mise en place d’une grille de lecture pour distinguer la participation des femmes et des hommes lors des réunions constitue un outil efficace d’observation. Il s’agit ensuite d’inciter les groupes de paroles paritaires à croiser les regards et pistes de réflexion.

C’est également ce que propose Aurélie Ceinos, membre de la plateforme d’expert·es CARE Changement Climatique et Résilience, en se basant sur l’exemple de l’Inde. La remise en question des normes de genre et relations de pouvoir verticales, peut s’effectuer à travers des modules de dialogues auxquels les femmes et les hommes participent pour se connaître et reconnaître les rôles des un·es et des autres dans le projet. Il s’agit de les laisser échanger pour arriver à s’entendre sur ce qu’il serait souhaitable de modifier pour le climat, mais également questionner les relations de pouvoir au sein des instances de changements.

Aurélie préconise l’utilisation d’un outil : « Journée type » qui permettrait de voir à quoi ressemble la journée type d’une femme et d’un homme, de les comparer pour envisager d’y apporter certaines modifications.

Ainsi, les femmes ont un rôle clé dans la gestion des ressources naturelles et la protection de l’environnement. Lutter contre les dérèglements climatiques ne passe pas sans une intégration des femmes. Il convient également de prévoir des formations pour lutter contre les changements climatiques qui intègrent les enjeux d’égalité femmes/hommes. Toutes ces démarches supposent de réinterroger le système de pensée et de comportement dominant. Ces engagements sont porteurs de changements sur le long terme.

Chloé Vaysse 50-50 Magazine.

Cet atelier a été réalisé à l’initiative de : Programme Génération Climat, créé par le FORIM et la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, en partenariat avec : GERES, Coordination Sud, Groupe initiatives, ONG Care.

(1) Ce programme est nommé MIAWODO : « Travaillons ensemble » en langue locale. Sa mission est de donner les moyens aux jeunes et aux femmes vulnérables d’accéder à un emploi durable ou de créer une entreprise pérenne en leur offrant des services d’orientation, de formation et d’accompagnement individualisé. Ainsi, elles/ils améliorent leurs conditions de vie et celles de leur famille.

Lire plus : Notre génération égalité : action féministe pour la justice climatique

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