Articles récents \ Île de France \ Société A Drancy des mères de famille « apprivoisent la souris »
A Drancy, des mères de famille se mettent au numérique grâce à des formations dispensées par l’association Agir Ensemble. Après 100 permis pour les sans permis, l’association a monté un projet de lutte contre la fracture numérique qui touche en particulier les femmes.
Agir Ensemble est association connue pour son projet 100 permis pour les sans permis. Mis en place pour les jeunes étudiant·es, il a par la suite était proposé aux mères de famille isolées. De fait, Idriss Niang, le fondateur de l’association, rappelle que c’est une mère du quartier qui lui a insufflé l’idée : « elle me disait tu fais toujours des choses pour les jeunes, mais rien pour les mères, nous aussi on veut apprendre à conduire ». Bien qu’il n’ait, au départ, pas pris ces paroles très au sérieux, c’est finalement ces mêmes mots qui résonneront dans sa tête lorsqu’il mettra en place une formation permis adressée aux femmes.
C’est cette même mère, dont le fils est l’un des premiers à avoir bénéficié du projet 100 permis pour les sans permis, qui abordera aussi la question de la fracture numérique. « Idriss, quand je suis arrivée, la souris bougeait dans tous les sens ! » relate Idriss Niang en essayant de transmettre le désarroi que cette femme pouvait ressentir. Si pendant le confinement, des fondations ou des départements ont distribué des ordinateurs ou tablettes, « ce n’est pas ainsi que l’on réduit la fracture numérique. Il s’agit aussi de maîtriser l’outil » alerte le fondateur d’Agir Ensemble.
À l’ère du tout numérique exacerbée par la pandémie de la covid-19. La fracture numérique s’est creusée. Si l’un des moyens pour assurer la distanciation sociale est de se tenir assis derrière son écran, la tâche n’est pas aisée pour tou·tes. École en ligne, paiement en ligne, démarches administratives en ligne : Caf, impôts, pôle emploi, etc. « apprivoiser la souris » reste un défi.
Promulguée en octobre 2016, la loi pour une République numérique veut préparer les citoyen·nes au tout numérique. Déjà à l’époque, l’accessibilité pour tous au numérique était un problème soulevé. Pour pallier cette inégalité, l’une des principales mesures était de favoriser l’apprentissage du numérique. Néanmoins, en 2019 plus de 15 % de la population française est toujours en situation d’illectronisme, c’est à dire d’illettrisme numérique (INSEE ). La crise sanitaire a remis le sujet à l’ordre du jour. Se passer d’un ordinateur devient presque impossible et les personnes en précarité sont d’autant plus touchées.
Se mettre à la page
C’est le cas d’un bon nombre de femmes à Drancy (île de France) qui ont décidé de se former avec l’association Agir Ensemble. C’est avec une « très grande détermination », énonce sans hésiter Idriss Niang, initiateur du projet, que les Drancéennes s’engagent à suivre 70 h de cours intensif d’informatique pendant deux semaines. Elles apprennent les composants d’un ordinateur, se créent des boîtes mail, se saisissent du traitement de texte et naviguent sur le net. L’une d’entre elles admet que cela reste quand même difficile et qu’elle se réinscrirait volontiers pour une deuxième session après son permis de conduire qu’elle prépare aussi avec Agir Ensemble.
Souvent, isolées, veuves ou séparées, ces mères de famille, ont réalisé leur fracture numérique lorsqu’elles ne pouvaient aider leurs enfants pendant le confinement avec la classe en ligne ou lors de leur « rencontre » avec un ordinateur pour passer le code de la route. « Des femmes s’entraînaient ici pour le code et quand elles étaient prêtes, elles passaient l’examen, mais elles le rataient avec une vingtaine de fautes. Je ne comprenais pas jusqu’à ce que l’une d’entre elles me raconte son malaise face à un ordinateur » explique Idriss Niang.
C’est alors qu’Agir Ensemble décide de se mobiliser pour effectuer un bilan de compétence informatique afin d’offrir une formation adéquate. Les débutantes apprennent à « apprivoiser la souris » et celles qui ont déjà quelques notions préparent une certification, le passeport de compétences informatique européen (PCIE). Cette formation est, par ailleurs, indemnisée grâce au compte personnel de formation (CPF) des apprenantes. En vigueur depuis janvier 2015, le CPF reste assez méconnu des bénéficiaires potentiel·es.
Fatoumata Sillah 50-50 Magazine