Articles récents \ France \ Société Journée nationale contre le sexisme : les violences économiques envers les femmes !
Organisée par le collectif Ensemble Contre le Sexisme, en partenariat avec le magazine Femmes d’ici et d’ailleurs, le 25 janvier dernier a eu lieu la quatrième journée nationale contre le sexisme. Un rendez-vous annuel, qui, depuis 4 ans, développe et présente une thématique d’un point de vue historique, sociétal et sociologique. Cette année, le thème qui a été choisi est celui des violences économiques envers les femmes, un phénomène encore mal connu. Quelles actions concrètes peuvent être mises en place pour lutter contre les violences économiques que subissent les femmes ?
Les violences économiques désignent principalement le système d’emprise et de domination de l’homme dans la sphère privée, c’est-à-dire au sein du foyer en matière économique, privant les femmes de toute autonomie financière. Le collectif a souhaité élargir la réflexion à deux autres sphères, professionnelle et institutionnelle, prenant comme fil conducteur le sexisme.
Les inégalités femmes/hommes constituent un phénomène systémique et structurellement ancré dans l’organisation sociale de chaque société du monde entier. Les femmes, pour des raisons économiques et sociales sont davantage surexposées aux conséquences de la crise qui remettent en cause leur droit. On pense ainsi à la célèbre phrase de Simone de Beauvoir (1908-1986) qui peut être replacée dans l’actualité : « n’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
D’après le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), « la pandémie plongera 47 millions de femmes et de filles supplémentaires sous le seuil de pauvreté, annulant ainsi des décennies de progrès. » La directrice d’ONU Femmes France, Fanny Benedetti rappelle que les femmes représentent près de 70% des travailleuses/travailleurs dans le secteur de la santé et des services sociaux. Ces métiers sont socialement les moins valorisés et cela va sans dire qu’ils sont mal rémunérés. De même que, l’augmentation des violences patriarcales n’est plus un secret pour personne. D’après les données de la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF), en avril 2020, près de 30 000 appels ont été reçus au 3919, contre 9 700 pour le mois de mars 2020
En réponse, seulement un pays sur huit a mis en place des mesures qui incluent la perspective de genre dans sa politique de relance. Seulement 7% des mesures concernent le sujet de la sécurité des femmes conclut Fanny Benedeti.
Brigitte Gresy, présidente du Haut Conseil à l’Egalité (HCE), est revenue sur un point important et a (re)expliqué le principe « d’éga-conditionnalité ». Il s’agit de conditionner l’attribution de financements publics ou d’autorisations administratives au respect d’un certain nombres de principes égalitaires. Cela s’inscrit également dans le principe de gender budgeting qui consiste à prendre en compte explicitement l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire.
La non-mixité des métiers : un cercle vicieux dont il est difficile de sortir
Le Centre National du Cinéma (CNC) a instauré un système de bonus aux équipes paritaires pour inciter les producteurs à féminiser leurs équipes techniques encore très masculines. En 2019, 15% de films ont ainsi bénéficié de soutiens financiers supplémentaires du CNC. En 2020, le chiffre s’est élevé à 34%, ce qui montre que l’incitation financière fonctionne. Le CNC prévoit d’étendre le système à la production audio-visuelle . Malheureusement, les équipes non paritaires, ne sont pas pénalisées par un malus…
Dans les films de fiction, d’après l’étude du CNC sorti en novembre 2020, concernant la tranche d’âge de 25 à 29 ans, les femmes sont plus nombreuses à l’écran que les hommes. On compte 51,4% de femmes contre 48,6% hommes. A partir de 40 ans on ne compte plus que 34% de femmes. Avant l’âge de 50 ans l’écart entre les salaires des actrices et des acteurs est de 10% en faveur des hommes. A partir de 50 ans la rémunération brute moyenne des actrices diminue de 7%. Pourtant, d’après les chiffres de l’Insee, aujourd’hui en France, une femme majeure sur 2 a plus de 50 ans. Cette majorité réelle dans la vie est traitée comme une minorité dans les fictions. Sur l’ensemble des films français sortis en 2019, seuls 8% des rôles étaient attribués à des comédiennes de plus de 50 ans. Les personnages féminins ne vieillissent pas, ils disparaissent des écrans. « Qui n’est pas représenté, n’existe pas » conclut l’actrice Blandine Métayer.
Concernant la place des femmes dans le secteur des métiers du numérique et du digital, les données chiffrées de l’enquête Gender Scan sont explicites. Les femmes représentent 25% des personnes qui sont diplômées dans les filières scientifiques, techniques, ingénieries, production, construction. De 2013 à 2017, le nombre de femmes diplômées dans le domaine du numérique a chuté de plus de 2% en France, alors qu’il progressait de 23% au niveau européen. En ce qui concerne les emplois, l’observation est similaire. Dans le secteur des hautes technologies, à partir de données Eurostat on constate, que la proportion de françaises salariées dans ces secteurs chute de 11% alors qu’elle augmente de 14% à l’échelle de l’Europe.
Les violences économiques dans la sphère privée : l’économie au prisme du féminisme
L’argent est un moyen de pression puissant utilisé par des conjoints lorsqu’ils prennent le contrôle des ressources du foyer. Comment corriger l’ordre social issu du modèle patriarcal qui freine l’autonomie financière des femmes ? L’économie féministe peut-elle constituer une alternative à l’économie qui malmène l’égalité femmes/hommes depuis des siècles ?
Dans son ouvrage L’économie Féministe, récemment publié, l’économiste Hélène Périvier tente de répondre à ces questions. Elle montrait que l’économie en tant que science sociale renvoie à un ensemble de théories, d’outils, de concepts pour penser l’organisation du monde qui a été conçu par des hommes pour être au service d’une société dirigée par les hommes. Historiquement, l’économie ne s’est pas dotée d’outils conceptuels lui permettant d’intégrer la question de l’égalité. L’Etat social (1) de la Seconde Guerre Mondiale porte le progrès social mais ne porte pas l’émancipation des femmes. L’Etat social a bien évidemment été réformé pour rendre le marché du travail accessible aux femmes. De même que certaines politiques publiques incitent les hommes à s’investir dans la sphère domestique et familiale, mais cela ne suffit pas.
Les économistes féministes du XXème siècle mettront en avant d’autres formes d’outils et d’analyses. Le féminisme n’est pas une revendication catégoriale, mais constitue bien un ensemble de pensées riches qui ont toutes une portée scientifique, affirme Hélène Périvier.
Des solutions et réponses concrètes aux violences économiques : les mots de la ministre Elisabeth Moreno
« Si nos droits et nos acquis se sont étoffés depuis les suffragettes ou les 343 salopes nous ne pouvons pas nous bercer d’illusions assoupies » affirme la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Elisabeth Moreno.
Plusieurs mesures issues du Grenelle des violences conjugales visent directement à renforcer l’autonomisation économique des femmes. Depuis le 4 juin 2020 il est, par exemple, possible pour les femmes victimes de violences, de débloquer leur épargne salariale de façon anticipée afin qu’elles aient accès à un revenu économique.
Depuis le 1er janvier 2021, le gouvernement a mis en place « un service public » des pensions alimentaires. Ce nouveau service permet aux caisses d’allocations familiales de se substituer aux « mauvais payeurs ». Le non paiement des pensions alimentaires touche une famille monoparentale sur trois rappelle la ministre. Cette réalité touche en tout premier lieu les femmes, puisque 85% des familles monoparentales sont portées par des femmes. « Mais les violences ne s’arrêtent pas au foyer » poursuit Elisabeth Moreno. Les entreprises en demeurent des épicentres. Les écarts de rémunération se hissent à des niveaux encore très élevés en France. Le pourcentage d’écart de salaires entre les femmes et les hommes s’élève à 27% (2). L’écart salarial est de 9% quand il s’agit de postes équivalents.
Les inégalités naissent à partir de stéréotypes tenaces qui enferment et inhibent. La mise en place de lois se révèle être un moyen efficace et concret pour tenter de corriger les inégalités. L’idée d’égalité entre les femmes et les hommes est intrinsèquement liée à l’idée même de justice sociale et économique. Mais si l’on veut régler le problème de manière structurelle, on ne peut malheureusement pas s’en tenir à l’encadrement juridique. La question de l’indépendance économique des femmes constitue un enjeu de liberté et d’égalité qui tend à être résolue, mais « le chapitre est loin d’être clos », conclut Elisabeth Moreno.
(1) L’Etat social intègre 4 piliers : « La protection sociale et le droit du travail, mais aussi les services publics et les politiques macroéconomiques de soutien à l’activité et à l’emploi. », Quelle théorie pour l’État social ? Apports et limites de la référence assurantielle, Christophe Ramaux.
(2) Lire plus : Chronique méditative d’une agitatrice : écarts de revenus entre les sexes quand de simples calculs mathématiques méritent notre vigilance.
Chloé Vaysse 50-50 Magazine