Articles récents \ Monde Fatema Khafagy : « Nous avons besoin d’une volonté politique pour obtenir l’égalité de genre »

Le Forum Génération Égalité, organisé 25 ans après la Conférence de Pékin sur les droits des femmes, mobilise de nombreux pays. L’Egypte y est représentée par l’intermédiaire de Fatema Khafagy, une féministe égyptienne, spécialiste de l’égalité femmes/hommes et membre du Groupe consultatif de la société civile dans l’organisation du FGE. Fatema Khafagy a travaillé toute sa vie sur les droits des femmes. Elle a dirigé des programmes sur les problématiques de genre à l’ONU, elle a également été membre des mouvements féministes égyptiens et arabes luttant pour la justice et l’égalité des sexes. Elle a créé le premier « Ombudsman », Médiateur, pour l’égalité des sexes en Égypte, afin de traiter les plaintes déposées par des femmes victimes de discriminations sexuelles. Au sein du Groupe consultatif de la société civile du FGE, son rôle est de réunir les différents groupes féministes de la société civile des pays arabes pour qu’ils collaborent et s’accordent sur un agenda féministe régional.

Vous avez participé à plusieurs conférences sur les droits des femmes, notamment à Beijing en 1995. Comment s’est déroulé l’événement en 1995 ? Quels souvenirs en gardez-vous ?

J’ai été très impressionnée de voir des milliers de femmes, originaires de différents pays du monde, réunies en un seul endroit, pour faire entendre leurs revendications. Le Programme d’action de Beijing, qui a découlé de cet événement, est l’un des textes féministes les plus puissants que le monde ait jamais connus. Des leaders féministes, des militantes, des politiciennes, des artistes et des intellectuelles du monde entier ont rédigé un programme commun. Lors de l’événement les femmes discutaient, se parlaient, se soutenaient pour influencer les gouvernements, partageaient des repas, organisaient des expositions d’art, des défilés de mode, et dansaient ensemble tous les soirs. Elles ont réussi à créer sur place un espace égalitaire et solidaire.

En 25 ans, que peut-on dire de l’égalité des sexes ?

Il y a eu des avancées au cours des vingt-cinq dernières années, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé. Nous avons réussi à accroître la participation politique des femmes. Plus important encore, nous avons sensibilisé le monde entier aux discriminations subies par les femmes. Nous nous sommes attaqué·es aux violences sexistes qui étaient autrefois un tabou dans de nombreux pays.

Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Il existe des disparités entre les femmes des différentes parties du monde, des disparités entre les femmes d’une même région et d’un même pays. Les femmes ont besoin d’un accès égal aux ressources. Nous avons besoin de plus de femmes aux postes de décision, non seulement dans les parlements mais aussi dans le secteur privé, dans les municipalités et dans les syndicats. Enfin, nous avons besoin que les lois discriminatoires soient modifiées dans tous les pays.

Ce Forum est-il une réponse adaptée pour faire face à ces défis ?

Nous avons besoin d’une volonté politique, qui fait encore défaut dans certains pays. L’implication des États membres dans la préparation du FGE contribuera à obtenir cet engagement politique. Les gouvernements sont encouragés à travailler main dans la main avec la société civile et le secteur privé, pour engager les ressources nécessaires à la mise en place d’un nouvel agenda féministe.

Quelles sont vos missions au sein de l’Union féministe égyptienne ?

Avec l’Union féministe égyptienne, nous souhaitons créer un mouvement féministe dans lequel les femmes des régions rurales et éloignées pourront participer aux discussions politiques. Nous travaillons ainsi avec les femmes parlementaires, pour qu’elles écoutent et transmettent les revendications des femmes des zones rurales et éloignées au Parlement. Nous nous rendons compte qu’aider les femmes à obtenir l’autonomie économique doit aller de pair avec leur autonomisation politique.

L’Union informe également les femmes parlementaires de ce qui se passe au sein du FGE et les encourage à y participer, afin de faire pression sur le gouvernement pour changer les lois discriminatoires et faire voter des lois sur l’égalité des sexes.

Quelle est la situation en Égypte pour les droits des femmes et des filles ?

Le nombre de femmes au parlement et en tant que ministres a augmenté. Mais il y a encore beaucoup à faire, il est par exemple nécessaire de réformer le droit de la famille, pour plus d’égalité dans la sphère privée. Nous avons également besoin d’une loi pour combattre les violences basées sur le genre, les violences domestiques et le harcèlement sexuel dans les lieux publics.

Plus de filles sont désormais scolarisées, mais à cause de la pauvreté, les familles marient leurs filles de force et les soumettent à des mutilations génitales féminines.

Pensez-vous que le Forum Génération Égalité pourrait améliorer la situation spécifique des femmes et des filles en Égypte ?

Oui, car les États membres, y compris le gouvernement égyptien, doivent s’engager en faveur du nouvel agenda féministe lors de l’assemblée générale de l’année prochaine.

De nombreuses femmes égyptiennes étant impliquées dans l’organisation du FGE, elles font désormais partie du mouvement féministe mondial et sont ainsi encouragées à défendre l’égalité des sexes.

Le nouvel agenda milite aussi en faveur de droits qui ne sont pas suffisamment abordés en Egypte, comme les femmes et la technologie numérique, ainsi que la protection des femmes face au changement climatique. Les femmes égyptiennes pourront désormais revendiquer leurs droits dans ces nouveaux domaines.

Propos recueillis par Chloé Cohen 50-50 Magazine

print