Articles récents \ Culture \ Théâtre « Bonhomme » de Laurent Sciamma, un one-man show féministe !
Ce spectacle est une bombe anti-sexiste, jouissif, jubilatoire et énergisant. Pendant deux heures, Laurent Sciamma prend le parti des femmes sans parler à leur place, il est résolument anti-patriarcal. Sa parole est aussi vive et contemporaine que son jeu de scène : une blague à la minute c’est carrément un exploit, on sort abasourdi d’avoir tant ri sur un sujet si grave !
Pétillance, intelligence, sensibilité, autodérision, le talent de mime et d’humoriste de Laurent Sciamma est au service du féminisme.
On rit du début jusqu’à la fin et pourtant ce qui est évoqué est un problème de société fondamental : le formatage néfaste des garçons et des filles au grand désavantage de ces dernières. Laurent Sciamma le sait, il a observé depuis longtemps ses sœurs mais surtout sa compagne. Il décrit avec mille représentations délicieusement expressives les injonctions qu’elle subit et comment elle doit s’y conformer pour combler les attentes d’une société parisienne où l’élégance est obligatoire et a un prix. Cela passe de l’atelier du sourcil à Body Minute pour se faire épiler la «fouffe» et plus encore.
Le formatage des garçons dans la cour d’école est tout aussi révélateur quand il parle de mur râpeux qu’il devait sauter et de toutes sortes de challenges que se lancent constamment les garçons pendant que les filles jouent à la marelle. Irrésistible dans son jeu scénique, en une demi-seconde il décrit une situation, un état d’esprit, un type de personnage, une attitude, une émotion. Il passe par toutes les couleurs de l’émotion et c’est bien cela qu’il revendique pour les garçons : le droit de les éprouver et de les exprimer.
La critique ouverte des hommes qui refusent de participer de près ou de loin au mouvement #metoo et persistent à dire que « les mecs ont des pulsions » et autres excuses, est percutante. Lorsqu’il mime la drague sympa versus la drague lourde, il démontre que tout le monde est à même de comprendre si la réponse en face est positive ou négative. Il rivalise d’inventivité en fabriquant des formes d’espérantos imaginaires qui disent tous la même chose : j’ai envie de continuer ou je n’ai pas envie. La différence est rendue évidente pour les hommes de mauvaise foi qui continuent d’affirmer que maintenant « on ne sait plus comment draguer ! »
Et enfin, il y a des pépites pour comprendre le féminisme : les garçons doivent détester tout ce qui est de près ou de loin vaguement féminin : mais qu’est-ce qui n’est pas bien chez les filles ? Pourquoi dévalorise-t-on tout ce qui est féminin ? Que celles et ceux qui ne s’étaient jamais posé·es la question se la posent sérieusement ce soir où l’on rit comme des folles et des fous tellement c’est dingue que la moitié de l’humanité soit si mal traitée.
Spectacle irrésistible, à voir absolument si vous êtes féministe et obligatoirement si vous ne l’êtes pas encore ! Le talent de mime de Laurent Sciamma est … superlatif. Délicieux à voir, léger comme une danse, pourtant nourri d’éléments lourds qui pourraient fâcher si ils présentés tragiquement.
L’artiste met les pieds dans le plat du patriarcat avec l’élégance d’un papillon !
Roselyne Segalen 50-50 magazine
Bonhomme au Café de la Gare 41 rue Du Temple 75004 Paris – Les jeudi, vendredi, samedi jusqu’au 30 octobre.